Commission of the European Communities v Portuguese Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:101
CourtCourt of Justice (European Union)
Date14 February 2006
Docket NumberC-84/04
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number62004CC0084

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁMASO RUIZ JARABO COLOMER

présentées le 14 février 2006 (1)

Affaire C-84/04

Commission des Communautés européennes

contre

République portugaise

«Manquement – FEOGA, section ‘orientation’ – Principe du paiement intégral des sommes dues par la Communauté – Versement d’une taxe à caractère rémunératoire à l’autorité nationale dans le cadre de la procédure d’octroi des aides»





I – Introduction

1. La Commission des Communautés européennes a saisi la Cour de justice d’un recours au titre de l’article 226 CE, visant à faire constater que la République portugaise a manqué à ses obligations communautaires en obligeant les bénéficiaires des sommes octroyées par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «orientation», à verser à l’Instituto de Financiamento e Apoio ao Desenvolvimento da Agricultura e Pescas (Ifadap) des taxes fixées en fonction du budget total du projet bénéficiant du soutien, ce qui a pour effet de diminuer la contribution du FEOGA.

2. Il ressort des griefs exposés dans la requête et du mémoire en défense que trois questions suscitent le débat: le principe du paiement intégral des aides du FEOGA, section «orientation»; l’existence dans l’État susmentionné d’une réduction des aides due au paiement de la taxe, et la nature de cette dernière.

3. La présente affaire a pour principal intérêt de permettre pour la première fois à la Cour de se prononcer sur la section susmentionnée, contrairement à la section «garantie», qui a fait l’objet d’une abondante jurisprudence.

II – Le cadre juridique

4. Il convient, pour répondre à ces questions, de procéder à un exposé détaillé de la réglementation mettant en évidence les particularités des deux branches du FEOGA afin d’apprécier l’applicabilité à la section «orientation» de la jurisprudence relative à la section «garantie». De même, il convient d’examiner la réglementation relative à l’Ifadap et à la taxe nationale.

A – La réglementation communautaire

1. Les fonds agricoles

a) Origine et évolution initiale

5. La réalisation des objectifs de la Communauté implique, selon l’article 3, sous e), du traité CE (devenu, après modification, article 3, paragraphe 1, sous d), CE), l’instauration d’une politique commune dans le domaine de l’agriculture.

6. En vue d’atteindre les objectifs de cette politique, l’article 40 du traité CE (devenu, après modification, article 34 CE) prévoit l’établissement d’une organisation commune des marchés et permet la création d’«un ou plusieurs fonds d’orientation et de garantie agricole».

7. La Commission, dès ses propositions initiales, a estimé utile de créer deux fonds: l’un pour les marchés, comportant des subdivisions autonomes par groupes de produits, et l’autre pour l’amélioration des structures (2).

8. Cette suggestion n’a pas été retenue par le Conseil qui, par le règlement n° 25, du 4 avril 1962, relatif au financement de la politique agricole commune (3), a institué un instrument unique, le FEOGA, composé des sections «garantie» et «orientation».

9. Il convient de souligner que, en dépit de sa dénomination, il ne s’agit pas d’un «fonds» au sens strict du terme, puisqu’il ne dispose pas de ressources propres déterminant le volume des dépenses, ni d’une autonomie financière (4). Il fait partie du budget communautaire (5) et les règlements financiers lui sont applicables, sous réserve de quelques particularités.

b) Les sections du FEOGA

10. Bien que les deux branches contribuent au soutien financier de la politique agricole, l’examen de leur champ d’application fait apparaître des divergences manifestes entre elles.

i) La section «garantie»

11. Elle finance les dépenses résultant de l’application des organisations communes de marché et de la politique des prix. Depuis la réforme de la politique agricole de 1993, elle finance également, en tout ou en partie, d’autres actions, telles que le retrait des terres, les aides aux revenus ou la protection de l’environnement.

12. S’agissant de la nature de ses mesures, elle procède à des restitutions à l’exportation, à des interventions par les prix et à des aides directes (6), cette dernière catégorie étant, quantitativement, bien supérieure aux deux autres (7).

13. Ces mesures constituent des dépenses obligatoires et difficilement prévisibles, et font l’objet, au cours de chaque exercice, d’adaptations visant à ajuster les estimations aux besoins réels.

14. La section «garantie» s’est avérée être la plus significative, car elle a donné lieu à une abondante jurisprudence.

ii) La section «orientation»

15. Elle fait partie, avec le Fonds social européen, le Fonds européen de développement régional et l’Instrument financier d’orientation de la pêche, des fonds structurels de l’Union, chargés de soutenir les initiatives des États membres visant à réaliser la cohésion économique et sociale (8), dont le renforcement par l’Acte unique européen (9) a conduit à une nouvelle réglementation desdits fonds, introduite par le règlement (CEE) n° 2052/88 du Conseil (10), modifié par le règlement (CEE) n° 2081/93 du Conseil (11) (ci-après le «règlement n° 2052/88, modifié»).

16. Cette réglementation a été complétée par le règlement (CEE) n° 4253/88 du Conseil (12), bien qu’en l’espèce il faille tenir compte de la version résultant du règlement (CEE) n° 2082/93 du Conseil (13) (ci-après le «règlement n° 4253/88, modifié).

17. Le cadre normatif exposé plus haut montre que la section «orientation» du FEOGA finance les actions visant à atteindre les objectifs énoncés à l’article 39, paragraphe 1, sous a), du traité CE (devenu article 33, paragraphe 1, sous a), CE) et contribue à la réalisation des objectifs prioritaires n° 1, «promouvoir le développement et l’ajustement structurel des régions en retard de développement» et n° 5 «promouvoir le développement rural: a) en accélérant l’adaptation des structures agricoles dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune; b) en facilitant le développement et l’ajustement structurel des zones rurales» (14).

18. En particulier, il lui appartient de renforcer et de réorganiser les structures précitées, de compenser les effets des handicaps naturels, d’assurer la reconversion des productions agricoles et de promouvoir le développement d’activités complémentaires pour les agriculteurs, auxquels elle doit assurer un niveau de vie équitable. Elle doit également contribuer au développement du tissu social des zones rurales, à la sauvegarde de l’environnement et au maintien de l’espace rural. Elle contribue, en outre, à des actions d’assistance technique et d’information, au soutien d’études ou d’expériences pilotes concernant l’adaptation des structures agricoles et favorise le développement rural au niveau communautaire (15).

19. La section «orientation» dispose d’une dotation bien plus modeste que la section «garantie» (16), même si ce n’est pas sa part limitée dans le budget qui importe, mais de savoir si les ressources qu’elle mobilise sont suffisantes au regard des problèmes qu’elle entend résoudre (17).

2. Le fonctionnement du FEOGA, section «orientation»

20. L’action de la section «orientation» est conçue comme un «complément aux actions nationales correspondantes» (18), ne se substitue pas «aux dépenses structurelles publiques ou assimilables de l’État membre» (19) et s’établit «par une concertation étroite entre la Commission, l’État membre concerné, les autorités et organismes compétents […] désignés par l’État membre à l’échelle nationale, régionale, locale ou autre». Ce partenariat, qui «porte sur la préparation, le financement, ainsi que sur l’appréciation ex ante, le suivi et l’évaluation ex post des actions», est mené «en plein respect des compétences institutionnelles, juridiques et financières respectives de chacun des partenaires» (20). Par conséquent, la coopération entre les différents intervenants constitue un élément essentiel du système (21).

21. Les ressources communautaires sont distribuées sous la forme d’aides directes ou indirectes. Les premières, plus anciennes, sont des crédits octroyés à des projets d’investissement nationaux ou régionaux lancés par les États et préalablement approuvés par la Commission. Les secondes, fort hétérogènes, recouvrent de multiples hypothèses, ce qui en fait un mécanisme idéal en cas de nombreuses demandes de faible importance économique, l’autorisation incombant à l’État membre lui-même.

22. La distribution est effectuée par le biais d’une procédure de programmation pluriannuelle qui commence par la présentation par les États, pour chacun des objectifs prioritaires déterminés par la Communauté, de plans de développement (22) sur la base desquels la Commission, en accord avec les personnes désignées par l’administration nationale, établit le «cadre communautaire d’appui», qui fixe les objectifs, les formes d’intervention et le plan de financement indicatif (23). Selon ce dernier document, l’interlocuteur de chaque pays expose les actions des programmes opérationnels, conformément à une série d’axes d’intervention, que les projets doivent respecter pour recevoir la subvention communautaire (24), dont le montant dépend de la région et de l’action concernées (25).

23. Une fois l’autorisation obtenue, l’organisme national, régional ou local procède au paiement du concours financier, qui peut revêtir la forme d’avances ou de paiements définitifs (26). Il est précisé que «les paiements doivent être faits aux bénéficiaires finals sans aucune déduction ni retenue qui puisse réduire le montant de l’aide financière à laquelle ils ont droit» (27).

24. Le rôle des États membres est donc essentiel à plusieurs égards. D’une part, l’État membre a d’autant plus de chances de bénéficier des possibilités qu’offre le FEOGA qu’il fait preuve d’efficacité administrative (28). En ce sens, «l’organisme responsable de la mise en œuvre d’une action bénéficiant d’un concours financier de...

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