Établissements Biret et Cie SA v Council of the European Union.
Jurisdiction | European Union |
Date | 15 May 2003 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Conclusions de l'avocat général Alber présentées le 15 mai 2003. - Établissements Biret et Cie SA contre Conseil de l'Union européenne. - Pourvoi - Directives 81/602/CEE, 88/146/CEE et 96/22/CE - Interdiction d'utilisation de certaines substances à effet hormonal - Interdiction d'importation en provenance de pays tiers de viandes provenant d'animaux d'exploitation auxquels ont été administrées ces substances - Recours en indemnité - Effet direct de l'accord instituant l'OMC et des accords y annexés - Accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires - Recommandations et décisions de l'organe de règlement des différends de l'OMC. - Affaire C-94/02 P.
Recueil de jurisprudence 2003 page I-10565
I - Introduction
1. Le pourvoi - formé contre le rejet d'un recours en indemnité - concerne en substance la question de savoir si la jurisprudence antérieure de la Cour, selon laquelle un particulier ne saurait se prévaloir des règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pour contester la légalité d'actes communautaires, est également applicable lorsque ces règles ont été précisées par la décision de l'Organe de règlement des différends de l'OMC (Dispute Settlement Body, ci-après l'«ORD» ). La requérante exige expressément l'abandon de la jurisprudence antérieure. S'agissant des faits, elle allègue avoir subi un préjudice causé par une interdiction d'importation de viande, imposée par la Communauté et déclarée par l'ORD incompatible avec l'accord OMC.
II - Le cadre juridique et factuel
2. Pour l'exposé du cadre juridique et factuel, nous renvoyons aux développements du Tribunal aux points 1 à 18 de l'arrêt attaqué . Pour éviter les répétitions, il convient de ne rappeler ici que les points pertinents.
3. L'importation dans la Communauté de viande et de produits carnés traités avec certaines hormones a été interdite par l'adoption de la directive 81/602/CEE du Conseil, du 31 juillet 1981, concernant l'interdiction de certaines substances à effet hormonal et des substances à effet thyréostatique , et de la directive 88/146/CEE du Conseil, du 7 mars 1988, interdisant l'utilisation de certaines substances à effet hormonal dans les spéculations animales .
4. La requérante, Établissements Biret et Cie SA (ci-après «Biret et Cie»), détient 66 % du capital de Biret International SA, société constituée le 26 juillet 1990 et immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 9 août 1990 et requérante dans une procédure parallèle (C-93/02 P). Biret International SA a pour objet statutaire le négoce de produits agroalimentaires, notamment la viande.
5. Le 15 avril 1994, la Communauté a procédé à la signature de l'acte final concluant le cycle de l'Uruguay, de l'accord OMC, ainsi que de l'ensemble des accords et des mémorandums figurant aux annexes 1 à 4 de l'accord OMC (ci-après les «accords OMC»). Le Conseil a approuvé la conclusion de ces accords par la décision 94/800/CE, du 22 décembre 1994 . Les accords, parmi lesquels figurent également l'accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires (ci-après l'«accord SPS») et le mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends (Dispute Settlement Understanding, ci-après le «mémorandum d'accord» ), sont entrés en vigueur le 1er janvier 1995.
6. Le 29 avril 1996, le Conseil a adopté la directive 96/22/CE, concernant l'interdiction d'utilisation de certaines substances à effet hormonal ou thyréostatique et des substances -agonistes dans les spéculations animales et abrogeant les directives 81/602, 88/146 et 88/299/CEE . Ce texte a maintenu l'interdiction d'importation et a ajouté une substance supplémentaire à celles déjà interdites.
7. En février 1998, l'ORD a déclaré ces régimes communautaires incompatibles avec l'accord SPS. La Communauté avait jusqu'au 13 mai 1999 pour mettre en oeuvre les recommandations de l'ORD.
8. Le 10 août 2000, la requérante a, sur le fondement des dispositions combinées des articles 235 CE et 288, deuxième alinéa, CE, introduit contre le Conseil un recours en réparation du préjudice qu'elle prétend avoir subi du fait de la liquidation judiciaire de Biret International SA due à l'interdiction, prononcée par la Communauté, d'importer de la viande traitée avec certaines hormones. Elle chiffre son préjudice à 70 630 085 FRF.
III - L'arrêt du Tribunal
9. Pour la période antérieure au 10 août 1995, le Tribunal a rejeté le recours comme étant irrecevable pour cause de prescription . Pour la période postérieure à cette date, il convient de tenir compte de ce que, par jugement du 7 décembre 1995, le tribunal de commerce de Paris (France) a ouvert la procédure de liquidation judiciaire à l'égard de Biret International SA et a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 28 février 1995. Selon les constatations du Tribunal, la fixation de cette date n'impliquait toutefois pas que Biret International SA n'était plus en mesure d'exercer une quelconque activité commerciale pendant la période comprise entre le 28 juin et le 7 décembre 1995.
10. Le Tribunal a rejeté le recours en indemnité et exposé à cet égard aux points 71 à 82 de l'arrêt:
«71 Or, il ressort d'une jurisprudence maintenant fermement établie que, compte tenu de leur nature et de leur économie, l'accord OMC et ses annexes, pas plus que les règles du GATT de 1947, ne figurent en principe parmi les normes au regard desquelles la Cour et le Tribunal contrôlent les actes des institutions communautaires en vertu de l'article 173, premier alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 230, premier alinéa, CE), qu'ils ne sont pas de nature à créer pour les particuliers des droits dont ceux-ci pourraient se prévaloir en justice et que leur violation éventuelle n'est donc pas susceptible d'engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté [...].
72 En effet, les accords OMC ont pour objet le règlement et la gestion des relations entre États ou organisations régionales d'intégration économique, et non pas la protection des particuliers. Comme la Cour l'a souligné dans l'arrêt Portugal/Conseil [arrêt de la Cour du 23 novembre 1999, C-149/96, Rec. p. I-8395], ces accords restent fondés sur le principe de négociations entreprises sur une base de réciprocité et d'avantages mutuels, et ils se distinguent ainsi des accords conclus par la Communauté avec des pays tiers qui instaurent une certaine asymétrie des obligations. Admettre que la tâche d'assurer la conformité du droit communautaire avec ces règles incombe directement au juge communautaire reviendrait à priver les organes législatifs ou exécutifs de la Communauté de la marge de manoeuvre dont jouissent les organes similaires des partenaires commerciaux de la Communauté.
73 Selon cette jurisprudence (arrêt Portugal/Conseil, précité, point 49), ce n'est que dans l'hypothèse où la Communauté a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l'OMC, ou dans l'occurrence où l'acte communautaire renvoie expressément à des dispositions précises des accords OMC, qu'il appartient au juge communautaire de contrôler la légalité de l'acte communautaire en cause au regard des règles de l'OMC [...].
74 Force est de constater que les circonstances de l'espèce ne correspondent manifestement à aucune des deux hypothèses énoncées au point précédent. En effet, les directives 81/602 et 88/146 ayant été adoptées plusieurs années avant l'entrée en vigueur de l'accord SPS, le 1er janvier 1995, elles ne peuvent logiquement ni donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de cet accord, ni renvoyer expressément à certaines de ses dispositions.
75 En l'espèce, la requérante n'est donc pas fondée à se prévaloir d'une violation de l'accord SPS.
76 La décision de l'ORD du 13 février 1998, précitée, n'est pas susceptible de remettre en cause cette appréciation.
77 En effet, cette décision est nécessairement et directement liée au moyen tiré de la violation de l'accord SPS, et elle ne saurait donc être prise en considération que dans l'hypothèse où l'effet direct de cet accord aurait été consacré par le juge communautaire dans le cadre d'un moyen tiré de l'invalidité des directives en cause [...].
78 Le moyen tiré de la violation de l'accord SPS doit, dès lors, être rejeté comme non fondé.
79 La requérante ayant ainsi échoué à établir l'illégalité du comportement reproché à l'institution défenderesse, le recours doit, en tout état de cause, être rejeté comme non fondé, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur l'intérêt de la requérante à agir (voir point 29 ci-dessus), ni d'examiner les autres conditions d'engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté [...].
80 Dans sa réplique, la requérante demande toutefois au Tribunal, à titre subsidiaire, de faire évoluer sa jurisprudence vers un régime de responsabilité sans faute de la Communauté du fait de ses actes normatifs. À l'appui de cette demande, elle invoque, notamment, la défense de l'état de droit, le caractère autonome du recours en indemnité, les principes généraux communs aux droits des États membres et des considérations d'équité liées à l'application du principe de précaution.
81 Cette argumentation, qui modifie le fondement même de la responsabilité de la Communauté, doit être regardée comme constituant un moyen nouveau qui ne peut être invoqué en cours d'instance, conformément à l'article 48 du règlement de procédure du Tribunal [...].
82 Il découle de l'ensemble de ce qui précède que, dans la mesure où le recours n'est pas irrecevable, il est, en tout état de cause, dépourvu de fondement.»
IV - Le pourvoi
11. Le pourvoi repose sur deux moyens: une interprétation erronée de l'article 300, paragraphe 7, CE, d'une part, et de l'article 48 du règlement de procédure du Tribunal, d'autre part.
A - Interprétation...
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