Torfaen Borough Council v B & Q plc.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1989:279
Date29 June 1989
Celex Number61988CC0145
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-145/88
EUR-Lex - 61988C0145 - FR 61988C0145

Conclusions de l'avocat général Van Gerven présentées le 29 juin 1989. - Torfaen Borough Council contre B & Q plc. - Demande de décision préjudicielle: Cwmbran Magistrates' Court - Royaume-Uni. - Libre circulation des marchandises - Interprétation des articles 30 et 36 du traité CEE - Interdiction d'exercer des activités commerciales le dimanche. - Affaire C-145/88.

Recueil de jurisprudence 1989 page 03851
édition spéciale suédoise page 00241
édition spéciale finnoise page 00255


Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Dans la présente affaire à titre préjudiciel, vous êtes de nouveau invités à vous pencher sur la portée de l' article 30 du traité CEE . Vous devrez examiner si l' interdiction des mesures ayant un effet équivalant aux restrictions quantitatives à l' importation, prévue par cet article, est également applicable à une mesure nationale édictant une interdiction de principe de vendre des articles le dimanche .

Les faits

2 . Le litige au principal concerne une procédure pénale engagée par une autorité britannique locale, le Torfaen Borough Council ( ci-après "Borough Council "), contre une grande entreprise de magasins de bricolage, à savoir B & Q plc ( ci-après "B & Q ").

Il est reproché à B & Q d' avoir enfreint les articles 47 et 59 du United Kingdom Shops Act 1950 ( ci-après "Shops Act ") en ouvrant son magasin de Cwmbran au public un dimanche .

En ce qui concerne le texte des articles applicables du Shops Act, nous renvoyons au chapitre I, point 2, du rapport d' audience . Comme le dit le rapport d' audience, l' interdiction en cause est assortie de nombreuses dérogations; en outre, il n' est pas contesté que la loi est peu respectée et qu' elle n' est souvent appliquée qu' occasionnellement . Il faut aussi observer que la loi n' est pas applicable en Écosse .

3 . Les parties dans le litige au principal s' accordent sur le fait que B & Q a violé les dispositions concernées du Shops Act et que la seule justification du comportement de B & Q doit éventuellement être trouvée dans l' article 30 du traité CEE . Les parties ne s' opposent pas non plus sur les éléments de preuve que B & Q a produits pour étayer son argumentation relative aux conséquences de l' interdiction de la vente dominicale sur les importations en provenance d' autres États membres . La juridiction de renvoi a considéré comme établis les principaux éléments de fait qui se dégagent de ces éléments de preuve ( 1 ) et qui peuvent être décrits comme suit :

1 ) ... ( sans importance ).

2 ) ... ( sans importance ).

3)Au cours de l' exercice 1987/1988, B & Q a acheté des articles en provenance d' autres États membres pour une valeur dépassant 40 000 000 UKL . Ce montant représente environ 10 % du volume total des achats de B & Q .

4 ) A la suite de la mise en application de l' interdiction de vendre le dimanche, plusieurs magasins de B & Q ( y compris celui de Cwmbran ) ont enregistré une baisse sensible et persistante de leur chiffre d' affaires . Il est aussi établi que, loin de se résorber au fil du temps, cette baisse du chiffre d' affaires a, au contraire, persisté . Pour les exercices 1986/1987 et 1987/1988, la baisse du chiffre d' affaires de ces magasins aurait atteint en moyenne près de 23 %.

5 ) La baisse du chiffre d' affaires est générale en ce sens qu' elle concerne toutes les catégories de produits vendus par B & Q .

6 ) Cette baisse est confirmée par le volume des commandes passées par B & Q auprès de certains de ses fournisseurs de la CEE . Depuis l' entrée en vigueur de l' interdiction de vendre le dimanche, on a constaté une diminution sensible du volume de ces commandes .

7 ) ... ( sans importance ).

8 ) Il résulte de ce qui précède que l' entrée en vigueur de l' interdiction de vendre le dimanche entraîne une diminution en chiffres absolus du volume des importations au Royaume-Uni de nombreux produits provenant d' autres États membres et vendus par B & Q .

4 . Dans ces conditions, la juridiction de renvoi a décidé de vous poser trois questions relatives à la compatibilité du Shops Act de 1950 avec les articles 30 et 36 du traité CEE . Ces questions se lisent comme suit :

"1 ) Le fait pour un État membre d' interdire à des commerces de détail d' ouvrir le dimanche en vue de la vente d' articles à leur clientèle, à l' exception de certains articles déterminés dont la vente est autorisée, et en supposant que l' interdiction a pour effet de réduire en chiffres absolus le volume des ventes dans ces magasins, notamment d' articles fabriqués dans d' autres États membres, et, dans cette mesure, le volume des importations de ces articles à partir d' autres États membres, constitue-t-il une mesure d' effets équivalant à une restriction quantitative aux importations au sens de l' article 30 du traité CEE?

2 ) En cas de réponse affirmative à la question 1, cette mesure d' interdiction trouve-t-elle sa justification dans une des exceptions à l' article 30 du traité CEE prévues par l' article 36 du traité CEE ou dans toute autre exception admise en droit communautaire?

3 ) La réponse à la question 1 ou à la question 2 est-elle influencée par un élément de nature à transformer la mesure en cause en un moyen de discrimination arbitraire ou en une restriction déguisée aux échanges entre les États membres ou en une mesure ne répondant pas au principe de proportionnalité ou injustifiée à d' autres égards?"

I - La première question

5 . Par la première question, la Cour est invitée à supposer que l' interdiction de vendre le dimanche "a pour effet de réduire ... le volume des ventes ... d' articles fabriqués dans d' autres États membres et, dans cette mesure, le volume des importations de ces articles à partir d' autres États membres ". Ce passage est basé sur la supposition de fait, indiquée dans l' ordonnance de renvoi ( voir ci-dessus, au paragraphe 3, les points 6 et 8 ), à savoir que l' application de l' interdiction de vendre le dimanche entraîne indirectement une diminution en chiffres absolus du volume des importations au Royaume-Uni de nombreux produits provenant d' autres États membres et vendus dans les magasins de B & Q .

L' ordonnance de renvoi de la Cwmbran Magistrates' Court est ce qu' il est convenu d' appeler un "consent order", ce qui veut dire que les parties se sont entendues sur la teneur de ladite ordonnance, y compris l' énoncé des questions posées à titre préjudiciel . Toutefois, les observations écrites du Borough Council et du gouvernement britannique ainsi que la procédure orale ont fait apparaître que la manière dont la Cour devrait considérer la première question préjudicielle reste encore sur de nombreux points une source de désaccord .

L' ordonnance de renvoi doit-elle être "reformulée"?

6 . En premier lieu, le gouvernement du Royaume-Uni observe qu' il n' est pas établi que B & Q a vendu, le dimanche en cause, des produits originaires d' autres États membres . Il estime du reste que, puisque le Shops Act qualifie de punissable non pas la vente, mais le seul fait d' ouvrir un magasin, B & Q a, de toute façon, commis une infraction et que les questions préjudicielles sont inutiles pour trancher le litige au principal . Il demande, en tout état de cause, à la Cour de préciser qu' il ne peut y avoir éventuellement incompatibilité des dispositions en cause du Shops Act de 1950 que pour autant que ces dispositions s' appliquent à des produits importés .

En second lieu, le gouvernement du Royaume-Uni et le Borough Council font observer qu' il n' est pas établi que les dispositions litigieuses du Shops Act restreignent effectivement le volume total des importations au Royaume-Uni ( voir le rapport d' audience, chapitre II, points 1 et 3 ).

En troisième lieu, le gouvernement du Royaume-Uni et le Borough Council ont développé à l' audience un argument supplémentaire à l' appui de leur thèse selon laquelle la Cour ne devrait pas tenir compte de l' incidence, constatée par la juridiction de renvoi, du Shops Act sur les importations au Royaume-Uni . Ils ont estimé que l' effet dont il est question dans l' ordonnance de renvoi n' est pas pertinent, étant donné qu' il n' affecte qu' un seul commerçant et que rien ne prouve qu' il joue à l' égard d' un produit déterminé .

7 . Aucun de ces trois arguments ne sont de nature à nous convaincre . En ce qui concerne l' utilité ou la nécessité de la question dont il s' agit, nos observations peuvent être brèves . Comme le Royaume-Uni l' indique lui-même, il incombe uniquement à la juridiction de renvoi d' apprécier la nécessité ou l' utilité d' une question préjudicielle ( 2 ).

L' allégation selon laquelle une mesure nationale ne pourrait être jugée contraire à l' article 30 que pour autant qu' elle est applicable aux produits importés est exacte en ce sens que l' article 30 ( ou toute autre disposition de droit communautaire ) n' est pas applicable dans des situations "purement internes" ( 3 ). Or, tel n' est pas le cas en l' espèce : il ressort clairement de l' énoncé de la première question et des faits qu' il existe un "élément transfrontalier ".

Le deuxième argument ne nous paraît pas non plus pouvoir se concilier avec la jurisprudence de la Cour . Vous avez clairement affirmé dans votre arrêt Dassonville et constamment rappelé depuis lors que par mesure d' effet équivalent il faut entendre "toute réglementation commerciale susceptible d' entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire" ( 4 ). Conformément à cette définition, vous avez précisé dans votre jurisprudence qu' un opérateur économique, qui conteste une mesure nationale au motif qu' elle constitue une mesure d' effet équivalent prohibée, ne doit pas prouver que cette mesure entrave effectivement ou globalement les échanges intracommunautaires . La Cour a rejeté l' argumentation par laquelle on tentait de démontrer par...

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