Union départementale des syndicats CGT de l'Aisne v SIDEF Conforama, Société Arts et Meubles and Société Jima.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1990:418
Date22 November 1990
Celex Number61989CC0312
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-332/89
EUR-Lex - 61989C0312 - FR 61989C0312

Conclusions jointes de l'Avocat général Van Gerven présentées le 22 novembre 1990. - Union départementale des syndicats CGT de l'Aisne contre SIDEF Conforama, Société Arts et Meubles et Société Jima. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de grande instance de Saint-Quentin - France. - Interprétation des articles 30 et 36 du traité CEE - Réglementation nationale interdisant l'occupation de travailleurs dans les commerces de détail le dimanche. - Affaire C-312/89. - Procédure pénale contre André Marchandise, Jean-Marie Chapuis et SA Trafitex. - Demande de décision préjudicielle: Cour d'appel de Mons - Belgique. - Interprétation des articles 3, sous f, 5, 30 à 36, 59 à 66 et 85 du traité CEE - Législation nationale interdisant l'occupation de travailleurs dans les commerces de détail le dimanche après 12 h. - Affaire C-332/89.

Recueil de jurisprudence 1991 page I-00997


Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Le tribunal de grande instance de Saint-Quentin et la cour d' appel de Mons vous ont posé des questions préjudicielles portant sur la compatibilité avec le droit communautaire d' une règle de droit national interdisant d' occuper des travailleurs salariés le dimanche . En raison de la similitude des règles de droit national évoquées dans les deux litiges au principal et eu égard au fait que les deux renvois soulèvent en grande partie les mêmes questions de droit communautaire, nous traiterons les deux affaires dans les mêmes conclusions .

Antécédents

2 . Dans le litige au principal dans l' affaire C-312/89, l' Union départementale des syndicats CGT de l' Aisne demande qu' il soit fait défense à l' entreprise Conforama, qui vend des meubles et de l' équipement ménager, d' ouvrir ses magasins le dimanche, et ce sous astreinte . La demande est fondée sur un certain nombre de dispositions du chapitre I du titre II du code du travail français en vertu desquelles le jour de repos hebdomadaire des travailleurs salariés doit être donné en principe le dimanche ( voir les dispositions combinées de l' article L.221-5 et des articles L.221-2 et L.221-4 ). Cette règle de principe connaît trois sortes d' exceptions . Premièrement, l' interdiction est levée dans un certain nombre de secteurs énumérés limitativement dans le code du travail, tels que les restaurants, les hôpitaux, les entreprises de journaux et d' information, etc . ( voir l' article L.221-9 du code du travail ). Deuxièmement, une exception peut être faite pour les entreprises dont le personnel travaille en équipes; l' application de cette exception dépend en principe de la conclusion d' une convention collective de travail ( voir les articles L.221-5-1 et L.221-10 du code du travail ). Enfin, certaines dérogations peuvent être accordées sur demande pour une durée limitée par des autorités locales ( voir les articles L.221-5, L.221-7 et L.221-19 du code du travail ).

Il n' est apparemment pas contesté que les parties défenderesses au principal ne peuvent pas prétendre à l' application d' une des exceptions précitées . Elles ont cependant fait valoir comme moyen de défense que l' interdiction d' occuper des travailleurs salariés le dimanche instaurée par le code du travail devait être tenue pour incompatible avec les articles 30 et 85 du traité CEE . La juridiction de renvoi, le tribunal de grande instance de Saint-Quentin, a fait droit à la demande de renvoi préjudiciel devant la Cour, en limitant toutefois la question à l' interprétation de l' article 30 du traité CEE . Cette question est ainsi libellée :

"La notion de 'mesure d' effet équivalant' à une restriction quantitative à l' importation telle qu' énoncée à l' article 30 du traité peut-elle s' appliquer à une disposition de portée générale ayant pour effet d' interdire l' emploi de travailleurs salariés le dimanche notamment dans une branche d' activité telle que la vente au public de mobilier, alors :

1 ) que cette branche d' activité fait largement appel à des produits d' importation provenant notamment de pays de la CEE;

2 ) qu' une part importante du chiffre d' affaires des entreprises dépendant de ce secteur d' activité est réalisée le dimanche dans le cas où lesdites entreprises ont pris l' initiative de violer les dispositions de droit interne,

3 ) qu' une fermeture le dimanche est de nature à réduire l' importance du chiffre d' affaires réalisé et, par suite, le volume des importations en provenance des pays de la Communauté;

4 ) qu' enfin l' obligation de donner aux salariés leur repos hebdomadaire le dimanche n' existe pas dans tous les États membres?

Dans l' affirmative, les caractéristiques du secteur d' activité concerné peuvent-elles être considérées comme correspondant aux critères énoncés par l' article 36 du traité?"

3 . Le premier défendeur dans la seconde affaire ( C-332/89 ) est administrateur délégué de la société Trafitex qui exploite un grand magasin dont le deuxième défendeur est gérant . A la requête du ministère public, ils ont été condamnés le 1er juillet 1988 par le tribunal correctionnel de Charleroi à des peines d' amendes et d' emprisonnement subsidiaire pour avoir contrevenu aux dispositions de la loi belge du 16 mars 1971 sur le travail; la juridiction de renvoi, la cour d' appel de Mons, doit statuer sur l' appel interjeté contre cette condamnation .

L' article 11 de la loi sur le travail dispose qu' il est interdit d' occuper des travailleurs le dimanche . Cette disposition connaît, elle aussi, de nombreuses exceptions . L' article 3, paragraphe 1, de la loi rend l' interdiction inapplicable à un certain nombre de catégories de travailleurs ( notamment les personnes occupées par l' État, les personnes occupées dans une entreprise familiale et le personnel navigant des entreprises de pêche ). D' autres exceptions figurent aux articles 12 et suivants de la loi et concernent notamment la surveillance ainsi que les travaux de nettoyage et d' entretien des locaux affectés à l' entreprise, le travail en équipe, etc . L' article 13 de la loi prévoit que le roi peut établir une liste d' entreprises dans lesquelles, et de travaux pour l' exécution desquels, des travailleurs peuvent être occupés le dimanche . Les magasins de détail auxquels il n' est pas permis, en vertu de cette

liste, d' occuper leur personnel un dimanche sont autorisés par l' article 14, paragraphe 1, de la loi à occuper leurs travailleurs le dimanche de 8 heures du matin à midi .

Il est plus précisément reproché aux défendeurs au principal d' occuper des travailleurs le dimanche après 12 heures en contravention avec la disposition susvisée . Ils soutiennent devant la cour d' appel que cette interdiction est incompatible à la fois avec les dispositions du traité CEE relatives à la libre circulation des marchandises et des services et avec l' article 85 du traité . Considérant que leurs arguments n' apparaissaient pas à première vue dénués de pertinence, la juridiction de renvoi vous a déféré une question préjudicielle visant à savoir :

"si les dispositions des articles 1er, 11, 14, paragraphe 1, 53, 54, 57, 58 et 59 de la loi du 16 mars 1971, modifiée notamment par la loi du 20 juillet 1978 et par l' arrêté royal n 15 du 23 octobre 1978, contiennent violation des articles 3, sous f ), 5, 30 à 36, 59 à 66 et 85 du traité de Rome du 25 mars 1957 ".

Cette question doit être comprise en ce sens que la juridiction de renvoi demande à la Cour une interprétation des dispositions du traité précitées lui permettant d' apprécier la compatibilité avec le droit communautaire des dispositions nationales citées ( 1 ).

L' interprétation de l' article 30 du traité

4 . Pour la réponse aux questions préjudicielles relatives à l' article 30 du traité qui vous sont soumises aujourd' hui, l' arrêt rendu le 23 novembre 1989 par la sixième chambre de la Cour dans l' affaire C-145/88, Torfaen Borough Council/B & Q plc ( ci-après "arrêt B & Q "), est d' une grande importance ( 2 ). La Cwmbran Magistrates' Court avait demandé à la Cour si une réglementation nationale interdisant en principe la vente de certaines marchandises le dimanche pouvait être tenue pour incompatible avec l' article 30 du traité CEE . Dans l' affaire en question, la Cour a dit pour droit que :

"L' article 30 du traité CEE doit être interprété en ce sens que l' interdiction qu' il prévoit ne s' applique pas à une réglementation nationale interdisant à des commerces de détail d' ouvrir le dimanche, lorsque les effets restrictifs sur les échanges communautaires qui peuvent éventuellement en résulter ne dépassent pas le cadre des effets propres à une réglementation de ce genre ."

5 . Avant d' examiner cet arrêt plus en détail, nous voudrions attirer l' attention sur la similitude des réglementations nationales faisant l' objet du renvoi dans l' affaire C-145/88 et dans les affaires actuellement soumises à la Cour .

Tandis que, dans l' affaire C-145/88, il s' agissait d' une interdiction de principe de se livrer à des opérations commerciales le dimanche, les affaires actuelles concernent une interdiction d' occuper des travailleurs salariés le dimanche . A notre avis, cette différence n' a guère d' importance : s' agissant de l' application de l' article 30 du traité, l' effet sur le commerce intracommunautaire qui résulte des deux types de réglementations est très semblable . Dans l' affaire C-145/88, le juge a quo avait en effet constaté que l' interdiction de se livrer à des opérations commerciales le dimanche avait entraîné une réduction des ventes totales de l' entreprise, qu' environ 10 % des marchandises offertes par l' entreprise concernée provenaient d' autres États membres et qu' une réduction correspondante des importations à partir d' autres États membres devait donc s' ensuivre . Dans les affaires qui vous sont soumises aujourd' hui, les juridictions nationales sont, semble-t-il, confrontées à un schéma...

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