Rochdale Borough Council contra Stewart John Anders.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1992:300
Date08 July 1992
Celex Number61988CC0306
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-169/91
EUR-Lex - 61988C0306 - FR 61988C0306

Conclusions jointes de l'Avocat général Van Gerven présentées le 8 juillet 1992. - Rochdale Borough Council contre Stewart John Anders. - Demande de décision préjudicielle: High Court of Justice, Queen's Bench Division - Royaume-Uni. - Affaire C-306/88. - Reading Borough Council contre Payless Diy Ltd, Wickes Building Supplies Ltd, Great Mills (South) Ltd, Homebase Ltd, B & Q Plc - Demande de décision préjudicielle: Reading and Sonning Magistrates' Court - Royaume-Uni. - Affaire C-304/90. - Council of the City of Stoke-on-Trent et Norwich City Council contre B & Q plc. - Demande de décision préjudicielle: House of Lords - Royaume-Uni. - Affaire C-169/91. - Interprétation des articles 30 et 36 du traité CEE - Interdiction d'exercer des activités commerciales le dimanche.

Recueil de jurisprudence 1992 page I-06457


Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Les présentes affaires concernent de nouveau la compatibilité de l' interdiction d' exploiter un magasin le dimanche en Angleterre et au pays de Galles (ci-après "interdiction dominicale" ou "réglementation dominicale britannique") avec les règles du traité relatives à la libre circulation des marchandises. Il s' agit de trois procédures de base, qui sont pendantes devant les juridictions anglaises à l' encontre de personnes prévenues d' avoir enfreint l' interdiction dominicale.

La Cour s' est penchée pour la première fois sur ce problème dans l' arrêt B & Q (1). Ses arrêts Conforama (2) et Marchandise (3), qui mettaient en cause respectivement une réglementation du travail française et une réglementation du travail belge interdisant l' emploi de travailleurs salariés respectivement le dimanche et le dimanche après 12 heures, sont également proches de la problématique en cause en l' espèce.

Le contexte réglementaire et factuel

2. Comme on le sait, l' article 47 du Shops Act 1950 (ci-après "Shops Act") contient la disposition prohibitive suivante:

"Sauf dispositions contraires dans la présente partie de la présente loi, les magasins doivent rester fermés au public le dimanche, étant entendu toutefois qu' un magasin peut être ouvert au public le dimanche pour les transactions mentionnées à l' annexe 5 de la présente loi."

L' annexe V du Shops Act contient une liste d' articles pour la vente desquels un magasin peut être ouvert le dimanche. C' est ainsi que les magasins peuvent vendre le dimanche, entre autres, des boissons spiritueuses, du tabac et des articles pour fumeurs, des journaux, certaines denrées alimentaires et d' autres produits de consommation courante.

Les infractions à cette disposition prohibitive sont sanctionnées en vertu de l' article 59 du Shops Act:

"En cas d' infraction à une des dispositions ci-dessus de la présente partie de la présente loi, le détaillant sera passible d' une amende non supérieure au niveau 4 de l' échelle des amendes."

L' amende est donc de 1 000 UKL au maximum par infraction. L' interdiction dominicale n' est pas applicable en Écosse.

3. Comme on le sait aussi, l' interdiction dominicale, telle qu' elle est imposée par le Shops Act, est un sujet de controverse en Grande-Bretagne. Ainsi que la House of Lords l' a observé dans son ordonnance de renvoi dans l' affaire C-169/91, elle exacerbe les passions. L' opinion publique britannique est très divisée, un tiers de la population étant favorable au maintien de la loi et deux tiers étant favorables à son abolition ou à sa réforme, bien qu' il n' y ait pas d' accord sur la forme qu' une telle réforme devrait prendre. Depuis 1936, la réglementation dominicale britannique a survécu à de nombreuses tentatives de l' abolir ou de la réformer par des propositions de lois, et même dans un cas par un projet de loi. Il faut encore ajouter que, depuis un certain temps déjà, la loi est largement transgressée et que les infractions ne sont pas systématiquement poursuivies.

L' arrêt B & Q semble avoir donné lieu à des interprétations divergentes de la part des juridictions nationales. Aussi y a-t-il eu, tant en Grande-Bretagne (en ce qui concerne l' interdiction dominicale) qu' en France (en ce qui concerne la réglementation dont il s' agissait dans l' affaire Conforama), des acquittements dans certains cas et des condamnations dans d' autres. Une grande incertitude a aussi continué de prévaloir après les arrêts Marchandise et Conforama, à tout le moins en Grande-Bretagne, quant à la compatibilité du Shops Act avec le droit communautaire. C' est ce qui a récemment conduit la High Court of Justice à suspendre les poursuites pénales engagées par des autorités locales pour des infractions au Shops Act au motif que, pour instruire ces affaires, il fallait d' abord clarifier la situation au regard du droit communautaire. C' est pour les mêmes raisons que le gouvernement du Royaume-Uni a demandé avec insistance à la Cour de donner la priorité à l' affaire C-169/91.

4. La plus ancienne des trois affaires, à savoir l' affaire C-306/88, concerne une procédure ouverte par le Rochdale Borough Council (ci-après "Rochdale Council") contre M. Stewart John Anders. Il est poursuivi pour avoir ouvert son magasin situé à Dale Mill le dimanche pour des transactions autres que celles énumérées à l' annexe V du Shops Act. Le Rochdale Council demande à la High Court of Justice, Queen' s Bench Division (ci-après "High Court"), d' interdire à Anders, à son personnel ou à ses représentants d' ouvrir son magasin le dimanche, si ce n' est pour les transactions citées à l' annexe V du Shops Act. M. Anders admet qu' il a enfreint l' interdiction dominicale, mais il objecte que cette interdiction est contraire au droit communautaire, étant donné qu' elle constitue une mesure d' effet équivalent, interdite par l' article 30 du traité et non couverte par une des causes de justification visées à l' article 36 ou par une quelconque autre cause de justification.

La High Court a posé à titre préjudiciel quatre questions relatives à cette problématique à la Cour. Après avoir pris connaissance des arrêts B & Q, Conforama et Marchandise, elle a décidé de ne maintenir que sa quatrième question (4). Celle-ci se lit comme suit:

"Si l' interdiction visée à la question 1 (c' est-à-dire l' interdiction dominicale) enfreint l' article 30 et n' est pas justifiée au titre de l' article 36 du traité CEE, est-il absolument impossible de l' opposer à un commerçant dans l' État membre, ou bien est-il impossible de la mettre en oeuvre seulement dans la mesure où elle interdit des transactions concernant des marchandises fabriquées dans d' autres États membres ou importées à partir de ces États?"

5. Dans l' affaire C-304/90, le Reading Borough Council (ci-après "Reading Council") a déposé vingt plaintes contre les cinq parties défenderesses dans le litige au principal ((Payless DIY Ltd, Wickes Building Supplies Ltd, Great Mills (South) Ltd, Homebase Ltd, d' une part, et B & Q plc, de l' autre - ci-après respectivement "Payless DIY" et "B & Q")) (5), chacune pour avoir ouvert son magasin le dimanche pour des transactions autres que celles citées dans l' annexe V du Shops Act. Tout en ne s' opposant pas sur le fait que l' interdiction dominicale constitue une mesure d' effet équivalent, les parties sont en désaccord sur le caractère justifié de celle-ci. La Reading and Sonning Magistrates' Court (ci-après "Magistrates' Court") a saisi la Cour des questions énoncées ci-après, qui concernent dans une large mesure la portée de l' arrêt B & Q:

"1) Lorsque la législation d' un État membre interdit aux détaillants d' ouvrir le dimanche leurs magasins à leur clientèle, afin de veiller dans la mesure du possible à ce que les employés de magasin n' aient pas à travailler le dimanche, en vue du maintien de ce que de nombreuses personnes tiennent pour la tradition du dimanche anglais, un tel objectif est-il justifié en droit communautaire au sens des points 12 à 14 de l' arrêt du 23 novembre 1989, B & Q (C-145/88)?

2) En appliquant la condition formulée par la Cour de justice au point 15 de l' arrêt B & Q (la condition de proportionnalité) à cette législation,

a) la juridiction nationale est-elle tenue d' appliquer les conditions visées à l' article 3 de la directive 70/50?

b) Dans l' affirmative, la disposition nationale doit-elle satisfaire à chacune des conditions visées aux tirets du deuxième alinéa de l' article 3?

c) La juridiction nationale a-t-elle pour rôle d' examiner les faits (dans la mesure où ils ont été prouvés) et d' en tirer ses propres conclusions en ce qui concerne l' applicabilité de ces conditions, ou son rôle se limite-t-il à se prononcer sur le point de savoir si une instance législative agissant normalement aurait pu ou non adopter la disposition législative en cause, compte tenu de ces conditions?

d) En évaluant les effets restrictifs de la législation nationale sur la libre circulation des marchandises, et en comparant également l' effet restrictif exercé sur les échanges éventuels par les divers moyens distincts qui pourraient être utilisés pour atteindre l' objectif de cette législation, la juridiction nationale doit-elle se borner à ne considérer que la mesure dans laquelle les effets sur les importations dépassent les effets sur la production nationale ou peut-elle considérer l' ensemble des effets restrictifs sur les importations intracommunautaires?

e) Faut-il examiner l' effet restrictif en cause sur les échanges en ce qui concerne: l' effet global sur le commerce intracommunautaire de marchandises et/ou de services; ou l' effet sur les domaines d' activité de l' entreprise en cause, ou l' effet sur cette entreprise?

f) Comment une juridiction nationale doit-elle procéder pour comparer les effets restrictifs sur la libre circulation des marchandises, effets découlant de la législation nationale, avec l' objectif de cette législation?

3) L'...

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