Commission of the European Communities v Édith Cresson.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:140
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-432/04
Date23 February 2006
Procedure TypeResponsabilidad de un miembro de las instituciones
Celex Number62004CC0432

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. L. A. GEELHOED

présentées le 23 février 2006 (1)

Affaire C-432/04

Commission des Communautés européennes

contre

Édith Cresson

«Recours introduit en application des articles 213, paragraphe 2, troisième alinéa, CE et 126, paragraphe 2, troisième alinéa, EA – Déchéance des droits à pension d'un ancien membre de la Commission – Violation des obligations découlant de la charge de membre de la Commission»





I – Introduction

1. Dans le présent recours, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en recrutant et en favorisant deux de ses connaissances personnelles pendant la durée de son mandat de membre de la Commission, Mme Édith Cresson s'est rendue coupable de favoritisme ou, à tout le moins, d'une négligence caractérisée. La Commission maintient que, ce faisant, Mme Cresson a agi en violation des obligations qui lui incombent en vertu des articles 213, paragraphe 2, CE et 126, paragraphe 2, EA (2). Elle demande par conséquent à la Cour d'infliger une sanction pécuniaire appropriée comme cela est prévu au dernier paragraphe de ces dispositions des traités.

2. La présente affaire est la première de son genre qui amènera la Cour à statuer. Un recours antérieur, introduit par le Conseil contre l'ancien commissaire Bangemann en raison d'une affectation qu'il entendait accepter après la cessation de ses fonctions, a fait l'objet d'un désistement (3). L'affaire offre donc à la Cour une occasion unique de clarifier les obligations qui pèsent sur les membres de la Commission au sens de l'article 213 CE. Et d'ailleurs, plus généralement, l'arrêt de la Cour revêtira une grande importance pour la définition des normes applicables à tous ceux occupant de hautes fonctions au sein des institutions de l'Union européenne.

II – Le cadre juridique

3. Aux termes de l'article 213, paragraphe 2, CE:

«Les membres de la Commission exercent leurs fonctions en pleine indépendance, dans l'intérêt général de la Communauté.

Dans l'accomplissement de leurs devoirs, ils ne sollicitent ni n'acceptent d'instructions d'aucun gouvernement ni d'aucun organisme. Ils s'abstiennent de tout acte incompatible avec le caractère de leurs fonctions. Chaque État membre s'engage à respecter ce caractère et à ne pas chercher à influencer les membres de la Commission dans l'exécution de leur tâche.

Les membres de la Commission ne peuvent, pendant la durée de leurs fonctions, exercer aucune autre activité professionnelle, rémunérée ou non. Ils prennent, lors de leur installation, l'engagement solennel de respecter, pendant la durée de leurs fonctions et après la cessation de celles-ci, les obligations découlant de leur charge, notamment les devoirs d'honnêteté et de délicatesse quant à l'acceptation, après cette cessation, de certaines fonctions ou de certains avantages. En cas de violation de ces obligations, la Cour de justice, saisie par le Conseil ou par la Commission, peut, selon le cas, prononcer la démission d'office dans les conditions de l'article 216 ou la déchéance du droit à pension de l'intéressé ou d'autres avantages en tenant lieu.»

4. Aux termes de l'article 216 CE:

«Tout membre de la Commission, s'il ne remplit plus les conditions nécessaires à l'exercice de ses fonctions ou s'il a commis une faute grave, peut être déclaré démissionnaire par la Cour de justice, à la requête du Conseil ou de la Commission.»

III – Les faits présentés par la Commission

5. Mme Édith Cresson a été membre de la Commission du 24 janvier 1995 au 8 septembre 1999. La Commission avait démissionné collectivement le 16 mars 1999, mais est restée en fonction jusqu'au 8 septembre 1999. Le portefeuille que Mme Cresson détenait au sein de la Commission comprenait les domaines de la science, de la recherche et du développement, le Centre commun de recherche (CCR) ainsi que les ressources humaines, l'éducation, la formation et la jeunesse. Les services de la Commission responsables de ces secteurs à l'époque étaient les directions générales (DG) XII, XIII.D et XXII ainsi que le CCR.

6. L'allégation de la Commission, selon laquelle Mme Cresson a fait preuve de favoritisme pendant qu'elle était en fonction, repose sur des dossiers concernant deux de ses connaissances, M. René Berthelot et M. Timm Riedinger.

A – Le dossier Berthelot

7. Peu après son entrée en fonction, Mme Cresson a manifesté le souhait de s'attacher les services de M. Berthelot en qualité de conseiller personnel. M. Berthelot, dentiste de formation, résidait à l'époque près de Châtellerault, ville française dont Mme Cresson était le maire. Étant donné que M. Berthelot était âgé de 66 ans et que le cabinet de Mme Cresson était déjà constitué, celle-ci a reçu les conseils de son chef de cabinet, lequel ne voyait aucune possibilité pour M. Berthelot d'être recruté par la Commission. Néanmoins, quelques mois après, à la demande de Mme Cresson, M. Berthelot s'est vu proposer un contrat de visiteur scientifique auprès de la DG XII à compter du 1er septembre 1995 pour une durée initiale de six mois. Bien que la fonction de visiteur scientifique implique que l'intéressé travaille dans l'un des centres de recherche de la Commission, il s'est trouvé que M. Berthelot a travaillé exclusivement comme conseiller personnel de Mme Cresson. La durée initiale de six mois a en définitive été prolongée jusqu'à la fin du mois de février 1997.

8. À la fin du mois d'avril 1996, selon une règle anticumul applicable aux visiteurs scientifiques, la rémunération de M. Berthelot a été réduite pour tenir compte du montant d'une pension qu'il percevait en France. Juste après l'adoption de cette mesure, treize ordres de mission pour Châtellerault ont été établis au nom de M. Berthelot à la demande personnelle de Mme Cresson, puis adressés aux services administratifs de la Commission. Ces ordres se référaient à des missions qui auraient eu lieu entre les 23 mai et 21 juin 1996. En conséquence, une somme de 6 930 euros a été versée à M. Berthelot. À partir du 1er septembre 1996, M. Berthelot a bénéficié d'un reclassement dans une catégorie supérieure de visiteurs scientifiques, lequel a entraîné une augmentation significative de sa rémunération de l'ordre de 1 000 euros. Cette augmentation a plus que compensé la perte de rémunération due à l'application de la mesure anticumul.

9. À l'expiration de son contrat avec la DG XII, M. Berthelot s'est vu offrir un nouveau contrat de visiteur scientifique, auprès du CCR, cette fois, pour une durée d'un an. Cela a porté son séjour à la Commission à deux ans et demi, bien que les visiteurs scientifiques ne soient engagés que pour une durée maximale de 24 mois.

10. Le 2 octobre 1997, le service du contrôle financier de la Commission a demandé les rapports d'activité que M. Berthelot aurait dû présenter à l'issue de son premier contrat. Les rapports adressés à ce service étaient extrêmement sommaires. Ils consistaient en réalité en un certain nombre de notes rédigées par des auteurs différents, assemblées et mises en forme par le cabinet de Mme Cresson.

11. Le 11 décembre 1997, M. Berthelot a, pour des raisons médicales, sollicité la résiliation de son contrat à partir du 31 décembre 1997. Cette demande a été acceptée. Mme Cresson a ensuite demandé à son chef de cabinet de trouver une solution afin de prolonger le rapport contractuel avec M. Berthelot à partir du 1er janvier 1998. Cette solution consistait à le faire engager comme conseiller spécial. M. Berthelot a toutefois refusé ce poste.

12. M. Berthelot est décédé le 2 mars 2000.

B – Le dossier Riedinger

13. En 1995, M. Riedinger, avocat d'affaires, s'est vu proposer trois contrats par les services de la Commission dans les domaines d'action de Mme Cresson. Au moins deux de ces contrats ont été proposés à la demande expresse de celle-ci.

14. Ces contrats portaient sur les trois sujets suivants: 1) une analyse de la faisabilité de la mise en réseau des centres de prospective de l'Europe centrale et de ceux de l'Europe communautaire, 2) la mission d'accompagnement de Mme Cresson lors d'une visite officielle en Afrique du Sud du 13 au 16 mai 1995 et la rédaction d'un rapport et 3) une étude de préfaisabilité concernant la création d'un institut européen de droit comparé.

15. Bien que les engagements budgétaires nécessaires aient été enregistrés pour ces trois contrats, aucun d'eux n'a fait l'objet d'une exécution ni d'un paiement à M. Riedinger.

IV – Les procédures

A – Les enquêtes préliminaires

16. Avant que la Cour ne soit saisie en application de l'article 213 CE du recours de la Commission, les dossiers Berthelot et Riedinger ont fait l'objet d'un certain nombre d'enquêtes menées par divers organismes. Le recours de la Commission repose sur les constatations effectuées dans ces enquêtes.

17. La première enquête a été menée par le Comité d'experts indépendants, créé sous les auspices du Parlement européen. Il avait pour mission de rédiger un premier rapport «aux fins de déterminer dans quelle mesure la Commission, en tant que collège, ou tel ou tel membre à titre individuel était personnellement responsable des cas récents de fraude, de mauvaise gestion ou de népotisme soulevés lors des débats parlementaires ou à la faveur des affirmations qui ont été faites à cette occasion». Dans son rapport du 15 mars 1999 (4), ledit comité a conclu, s'agissant du dossier Berthelot, que «nous sommes ici confrontés à un cas certain de favoritisme. Une personne dont le profil ne correspondait pas aux différents postes sur lesquels elle a été recrutée a néanmoins été engagée. Les prestations fournies sont manifestement insuffisantes en quantité, en qualité et pertinence. La Communauté n'en a pas eu pour son argent» (5).

18. À la suite du rapport du Comité d'experts indépendants, la Commission, entrée en fonction le 9 septembre 1999, a décidé de lancer un processus de réformes en vue de prévenir les pratiques qui avaient été critiquées...

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