Ministero dell'Economia e delle Finanze and Agenzia delle Entrate v FCE Bank plc.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:582
Docket NumberC-210/04
Celex Number62004CC0210
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date29 September 2005

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. Philippe LÉger

présentées le 29 septembre 2005 (1)

Affaire C‑210/04

Ministero dell’Economia e delle Finanze,

Agenzia delle Entrate

contre

FCE Bank plc

[demande de décision préjudicielle formée par la Corte suprema di cassazione (Italie)]

«Sixième directive TVA – Articles 2, point 1, et 9, paragraphe 1 – Services fournis au sein de la même entité juridique – Établissement stable – Opérations non imposables au titre de la TVA – Convention OCDE contre la double imposition – Imputation du coût des services fournis sur les bénéfices réalisés dans l’État d’établissement par l’intermédiaire de l’établissement stable – Défaut de pertinence en matière de TVA»





1. La présente procédure préjudicielle porte essentiellement sur le point de savoir si, et, le cas échéant, à quelles conditions, des services fournis au sein de la même entité juridique doivent être considérés comme des prestations de services à titre onéreux soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (2) en application de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil (3).

2. Elle a pour origine le conflit qui oppose les autorités italiennes compétentes en matière de TVA à FCE Bank plc (4), dont le siège se situe au Royaume-Uni, à propos de services de gestion et de formation du personnel qu’elle a fournis à son établissement stable en Italie et dont le coût a fait l’objet d’une imputation à cet établissement. Les parties au litige au principal sont en désaccord sur le point de savoir si ces opérations, réalisées au sein de la même entité juridique, doivent être considérées comme des prestations de services effectuées à titre onéreux, soumises à la TVA.

I – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

3. L’article 2, point 1, de la sixième directive dispose que sont soumises à la TVA «les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel».

4. La notion d’assujetti est définie à l’article 4, paragraphe 1, de la sixième directive, aux termes duquel est considéré comme tel quiconque accomplit, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité. Selon l’article 4, paragraphe 4, premier alinéa, de la même directive, les termes «d’une façon indépendante» utilisés au paragraphe 1 excluent de la taxation les salariés et autres personnes dans la mesure où ils sont liés à leur employeur par un contrat de louage de travail ou par tout autre rapport juridique créant des liens de subordination en ce qui concerne les conditions de travail et de rémunération et la responsabilité de l’employeur.

5. Le lieu des opérations imposables, en ce qui concerne les prestations de services, se trouve régi par l’article 9, paragraphe 1, de la sixième directive, qui énonce:

«Le lieu d’une prestation de services est réputé se situer à l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue ou, à défaut d’un tel siège ou d’un tel établissement stable, au lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle.»

B – Le droit national

6. En droit italien, les dispositions pertinentes en matière de TVA sont contenues dans la loi fondamentale sur la TVA (decreto del Presidente della Repubblica n° 633), du 26 octobre 1972 (ci-après le «DPR»). L’article 1er du DPR prévoit que la TVA s’applique aux prestations de services effectuées sur le territoire de l’État. L’article 3 dudit DPR définit ces prestations comme des prestations effectuées moyennant une contrepartie.

7. L’article 7 du DPR, intitulé «territorialité de la taxe», dispose à son paragraphe 3 que les prestations de services «sont réputées effectuées sur le territoire de l’État quand elles sont rendues par des personnes qui ont leur domicile sur le territoire de l’État ou par des personnes résidentes qui n’ont pas établi leur domicile à l’étranger ainsi que lorsqu’elles sont rendues par des établissements stables en Italie de personnes domiciliées ou résidentes à l’étranger».

II – Les faits et la procédure du litige au principal

8. FCE Bank a pour objet social l’exercice d’activités financières exonérées de la TVA. Elle assure pour le compte de ses établissements secondaires des services de conseil, de gestion, de formation du personnel, de traitement de données ainsi que de fourniture et de gestion de logiciels d’application, dont le coût est réparti entre ces établissements.

9. Selon la présentation des faits exposés par la Corte suprema di cassazione (Italie), FCE IT, un établissement stable de FCE Bank en Italie, a procédé à une autofacturation au titre des opérations susvisées, pour les années 1996 à 1999. Après avoir versé à l’administration italienne la TVA correspondante, FCE IT a demandé le remboursement de cette taxe au motif qu’elle ne possédait pas une personnalité juridique propre.

10. L’administration italienne compétente n’ayant pas répondu à cette demande de remboursement et ce silence valant implicitement refus, FCE IT a introduit un recours qui a été déclaré bien fondé. L’appel de l’administration italienne à l’encontre de cette décision a été rejeté. La juridiction compétente a considéré que les prestations en cause constituaient des opérations internes, effectuées au sein de la même entité juridique et qui ne sont pas soumises, en tant que telles, à la TVA. Elle a estimé que le coût des services imputé par la société mère à l’établissement stable ne représentait pas la contrepartie d’une prestation de services mais une simple affectation des coûts à l’intérieur de la même société.

11. Le ministère de l’Économie et des Finances italien s’est pourvu en cassation contre cette décision. Il a fondé son pourvoi sur l’article 7 du DPR et a fait valoir que tout versement effectué au profit de la société mère en rapport avec les services fournis par celle-ci est, en raison de l’autonomie fiscale subjective reconnue à un établissement stable, considéré comme une contrepartie et constitue ainsi une base imposable pour l’application de la TVA.

III – Les questions préjudicielles

12. La juridiction de renvoi expose qu’elle se trouve confrontée aux deux interrogations suivantes, qui portent, la première, sur l’existence d’un rapport juridique pertinent aux fins de la TVA entre la société mère et son établissement stable et, la seconde, sur la notion de «prestation à titre onéreux».

13. Sur le premier point, la question qui se pose, selon la juridiction de renvoi, est celle de vérifier si, au regard de la législation nationale et de l’article 2 de la sixième directive, l’établissement stable ou la filiale d’une entreprise situé dans un État membre différent de celui de sa société mère peut constituer une entité indépendante et se voir ainsi reconnaître la qualité de destinataire d’une prestation de services, assujetti à la TVA, dans la mesure où, conformément à la jurisprudence, une prestation de services n’est taxable que s’il existe un rapport juridique entre le prestataire et le bénéficiaire de cette prestation (5).

14. En droit national, la Corte suprema di cassazione relève que, si les entreprises non-résidentes qui créent un établissement stable en Italie doivent demander l’inscription de celui-ci au registre du commerce, un tel établissement et, en particulier, celui créé par une entreprise bancaire, ne possède pas une personnalité juridique distincte de celle de la société mère. Les rapports juridiques avec des tiers sont imputés à cette dernière.

15. Pour autant, en matière de fiscalité directe, en ce qui concerne les impôts sur le revenu, les établissements stables de sociétés non-résidentes sont assujettis à l’impôt et les opérations effectuées par leur intermédiaire doivent faire l’objet d’une comptabilité séparée de celle de leur société mère. La juridiction de renvoi s’interroge, à cet égard, sur la pertinence en matière de TVA du Modèle de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune, réalisé par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) (6) en ce qui concerne son article 7 (7). Elle souligne que le commentaire de l’OCDE, sous cet article 7, fait expressément état des prestations de services effectuées par la société mère en faveur de son établissement stable comme source possible de dépenses susceptibles d’être imputées audit établissement. Elle indique, en outre, que la convention en matière de double imposition conclue entre la République italienne et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord reprend ces dispositions du modèle de convention OCDE.

16. La juridiction de renvoi se demande également si l’existence d’un accord de répartition des coûts («cost-sharing agreement»), ou à tout le moins d’un acte juridique attribuant à l’établissement stable le coût des services qui lui ont été fournis par la société mère, pourrait être révélatrice de l’existence d’un rapport juridique, au sens de la jurisprudence de la Cour, entre celle-ci et ledit établissement.

17. La question à résoudre serait, dès lors, de savoir si une structure possédant une autonomie suffisante pour rendre possible l’existence d’un rapport juridique donnant lieu à des prestations soumises à la TVA est susceptible d’exister à l’intérieur d’un même sujet de droit. Dans l’affirmative, deux autres questions se posent, à savoir, comment une telle autonomie peut être établie et si l’existence d’un rapport juridique, au sens où l’entend la jurisprudence de la Cour, doit être appréciée au regard du droit national ou sur la base des principes de l’ordre juridique communautaire, comme il semble ressortir de l’arrêt du 17 septembre 2002, Town and County Factors (8).

18. En ce qui concerne la notion de «prestation à titre onéreux», la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si l’imputation des coûts et, le cas échéant, une imputation...

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