Commission of the European Communities v Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum eV.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:106
CourtCourt of Justice (European Union)
Date24 February 2005
Docket NumberC-78/03
Procedure TypeRecurso de casación - fundado
Celex Number62003CC0078

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. F. G. JACOBS

présentées le 24 février 2005 (1)

Affaire C-78/03 P

Commission des Communautés européennes

contre

Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum eV





I – Introduction

1. Dans la présente affaire, la Commission des Communautés européennes a formé un pourvoi à l’encontre d’un arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 5 décembre 2002 (ci-après, l’«arrêt attaqué») (2) rejetant son exception d’irrecevabilité du recours formé par l’association Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum eV (ci-après «ARE») contre la décision de la Commission N 506/199, du 22 décembre 1999, concernant le «programme d’acquisition de terres» dans l’ex-République démocratique allemande (ci-après, la «décision attaquée») (3).

2. Le pourvoi soulève deux questions principales. En premier lieu, dans quelles conditions une association peut-elle être considérée comme directement et individuellement concernée par une décision de la Commission autorisant l’octroi d’une aide à des destinataires qui ne sont pas membres de l’association? En second lieu, dans quelles circonstances le Tribunal peut-il interpréter les moyens juridiques du requérant ou soulever d’office un nouveau moyen, afin de justifier la conclusion selon laquelle ce dernier est directement et individuellement concerné?

Le contexte du pourvoi

Les faits

3. Dans la décision attaquée, sans avoir ouvert la procédure formelle d’examen prévue par l’article 88, paragraphe 2, CE, la Commission n’a soulevé aucune objection quant à l’aide incorporée dans certains amendements de la loi allemande sur les dédommagements et les compensations (Entschädigungs- und Ausgleichsleistungsgesetz, ci-après l’«EALG»), introduite par la loi allemande sur les compensations (Ausgleichsleitungsgesetz, ci-après la «loi sur les compensations»).

4. Ces modifications étaient destinées à rendre le régime d’aide compatible avec le marché commun, comme l’avait exigé la Commission dans sa décision antérieure relative à ce régime, la décision 1999/268/CE, du 20 janvier 1999, concernant l’acquisition de terres en vertu de la loi sur les compensations (ci‑après, la «décision du 20 janvier 1999») (4).

5. ARE est une association qui réunit des groupements concernés par les problèmes liés à la propriété dans les secteurs de l’agriculture et de la sylviculture, des personnes déplacées et expropriées, des victimes de spoliations dans les secteurs de l’industrie, de l’artisanat et du commerce ainsi que des petites et moyennes entreprises qui avaient leur siège et leur patrie dans l’ancienne zone d’occupation soviétique ou en ex-République démocratique allemande.

6. À la suite de la réunification de la République fédérale d’Allemagne en 1990, environ 1,8 million d’hectares de terres agricoles et sylvicoles ont été transférées du patrimoine d’État de la République démocratique allemande vers celui de la République fédérale d’Allemagne.

7. En vertu de loi sur les compensations, qui est entrée en vigueur le 1er décembre 1994, des terres agricoles situées dans l’ex-République démocratique allemande et détenues par la Treuhandanstalt, organisme de droit public chargé de restructurer les anciennes entreprises de l’ex-République démocratique allemande, pouvaient être acquises par différentes catégories de personnes à un prix inférieur à la moitié de leur valeur vénale réelle.

8. Relèvent de ces catégories, en priorité et à condition qu’elles aient résidé sur place le 3 octobre 1990 et qu’elles aient, au 1er octobre 1996, conclu un bail à long terme portant sur de terres jadis propriété du peuple et à privatiser par la Treuhandanstalt, les personnes qui détenaient un bail à ferme, les successeurs des anciennes coopératives de production agricole, les personnes réinstallées expropriées entre 1945 et 1949 ou à l’époque de la République démocratique allemande et qui, depuis lors, exploitent à nouveau des terres et les fermiers décrits comme personnes nouvellement installées qui, anciennement, ne possédaient pas de terres dans les nouveaux Länder. Relèvent de ces catégories, à titre subsidiaire, les anciens propriétaires expropriés avant 1949 qui n’ont pas bénéficié d’une restitution de leurs biens et qui n’ont pas repris une activité agricole sur place. Ces derniers ne peuvent acquérir que les surfaces qui n’ont pas été achetées par les bénéficiaires à titre principal.

9. Cette loi prévoyait également la possibilité d’acquérir des terres sylvicoles de manière préférentielle ainsi qu’une définition légale des catégories de personnes visées à cet égard.

10. À la suite des plaintes portant sur ce programme d’acquisition de terres, introduites par des ressortissants allemands ainsi que par des ressortissants d’autres États membres, la Commission a, le 18 mars 1998, ouvert une procédure d’examen conformément à l’article 93, paragraphe 2, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 2, CE (5); par commodité, nous utiliserons par la suite la numérotation actuellement en vigueur des articles du traité).

11. Cette procédure d’examen a abouti à la décision du 20 janvier 1999 (6) dans laquelle la Commission a déclaré que le programme d’acquisition de terres n’était pas compatible avec les règles du marché commun en ce que l’aide qu’il accordait était liée à la condition de la résidence sur place au 3 octobre 1990 et dépassait le plafond d’intensité d’aide pour l’acquisition de terrains agricoles. Ce plafond avait été fixé à 35 % pour les superficies agricoles des zones non défavorisées au sens du règlement (CE) nº 950/97 du Conseil, du 20 mai 1997, concernant l’amélioration de l’efficacité des structures de l’agriculture (7). Il a été jugé que les autres aspects ne comportaient pas d’éléments d’aide.

12. En ce qui concerne, en particulier, la condition de résidence sur place au 3 octobre 1990 prévue par la loi sur les compensations, la Commission a estimé que la loi favorisait les personnes physiques et morales des nouveaux Länder par rapport à celles qui n’avaient pas de siège ou de résidence en Allemagne et que, dès lors, elle était de nature à constituer une infraction à l’interdiction de discrimination en vertu des articles 43 CE à 48 CE puisque cette condition n’était remplie, de facto, quasi exclusivement, que par des citoyens allemands dont la résidence antérieure était notamment située dans les nouveaux Länder.

13. Par conséquent, cette condition avait pour effet d’exclure les personnes ne satisfaisant pas au critère selon lequel la résidence (principale) devait être située sur le territoire de la République démocratique allemande. Le critère de «résidence sur place au 3 octobre 1990» aurait pu être justifié uniquement s’il était à la fois nécessaire et approprié pour atteindre l’objectif poursuivi par le législateur, à savoir faire bénéficier du programme les personnes intéressées, ou les familles de celles-ci, qui avaient vécu et travaillé en République démocratique allemande durant des décennies.

14. La Commission a estimé que pour atteindre cet objectif, il n’était pas nécessaire de fixer la date de référence au 3 octobre 1990 pour la résidence sur place. En effet, ces personnes nouvellement installées ou ces personnes morales auraient été autorisées, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la loi sur les compensations, à participer au programme d’acquisition de terres si, au 1er octobre 1996, elles avaient pris un bail à long terme des terres jadis propriété du peuple et à privatiser par la Treuhandanstalt. Au cours de cette procédure d’examen, des intéressés ont expressément attiré l’attention de la Commission sur le fait que la très grande majorité des contrats de bail à long terme ont été conclus avec des Allemands de l’Est. Il ressort clairement de cela que la réalisation de l’objectif fixé par le législateur (à savoir, la participation des Allemands de l’Est au programme d’acquisition de terres), même si la légitimité de cet objectif est reconnue, n’aurait pratiquement pas été mise en péril par la non-fixation de la date de référence au 3 octobre 1990.

15. Dans cette même décision du 20 janvier 1999, la Commission a ordonné à la République fédérale d’Allemagne de récupérer les aides déclarées incompatibles avec le marché commun et déjà octroyées et de ne plus accorder d’aides nouvelles en vertu de ce programme.

16. Postérieurement à cette décision, le législateur allemand a rédigé le projet de loi complétant la loi sur le rétablissement des droits patrimoniaux (Vermögensrechtsergänzungsgesetz) supprimant et modifiant certaines des modalités prévues par le programme d’acquisition de terres.

17. Ce nouveau projet de loi a été notifié à la Commission, qui l’a autorisé dans la décision attaquée, sans ouvrir la procédure d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE.

18. La Commission a constaté que les éléments considérés par elle, dans sa décision du 20 janvier 1999, comme étant incompatibles avec le marché commun ne figuraient pas dans ledit projet de loi. En particulier, la condition de résidence sur place au 3 octobre 1990 était abrogée et le taux d’intensité des aides était fixé à 35 % (en d’autres termes, le prix d’achat des terres en question était fixé à leur valeur réelle moins 35 %). La condition principale pour acquérir des terres à un prix réduit serait dès lors d’avoir un contrat de bail à long terme. La Commission a également constaté que, compte tenu des garanties apportées par les autorités allemandes, il y avait suffisamment de terres disponibles pour corriger toute discrimination sans annuler les contrats conclus en application de l’EALG initial.

19. Pour autant que la nouvelle réglementation présentait en outre des éléments qui, en application de critères par ailleurs équivalents, favoriseraient les Allemands de l’Est, pareil avantage relevait de l’objectif de restructuration de l’agriculture dans les nouveaux Länder tout en garantissant parallèlement que les personnes intéressées, ou les...

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