Archer Daniels Midland Co. and Archer Daniels Midland Ingredients Ltd v Commission of the European Communities.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:363
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-397/03
Date07 June 2005
Celex Number62003CC0397
Procedure TypeRecurso de anulación

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. A. Tizzano

présentées le 7 juin 2005 (1)

Affaire C-397/03 P

Archer Daniels Midland Co.

Archer Daniels Midland Ingredients Ltd

contre

Commission des Communautés européennes

«Concurrence – Ententes – Lysine – Amendes – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes – Égalité de traitement – Proportionnalité – Non-rétroactivité – Principe ‘non bis in idem’»





1. La présente affaire a pour objet le pourvoi introduit par les sociétés Archer Daniels Midland Co. (ci-après «ADM Company») et Archer Daniels Midland Ingredients Ltd (ci-après «ADM Ingredients») contre l’arrêt du Tribunal de première instance du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission (ci-après l’«arrêt attaqué») (2) par lequel a été confirmée, en substance, la décision 2001/418/CE de la Commission, du 7 juin 2000, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (ci-après la «décision attaquée») (3).

I – Cadre normatif

2. Comme on le sait, l’article 85 du traité CE (devenu article 81 CE) interdit «tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun».

3. La Commission peut sanctionner ces conduites en infligeant des amendes aux entreprises qui les ont mises en œuvre.

4. L’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 du Conseil (4) prévoit:

«La Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d’entreprises des amendes de mille unités de compte au moins et d’un million d’unités de compte au plus, ce dernier montant pouvant être porté à dix pour cent du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l’infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence:

a) elles commettent une infraction aux dispositions de l’article 85, paragraphe 1, ou de l’article 86 du traité, ou

b) (…).

Pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci.»

5. Afin d’assurer la transparence et le caractère objectif de ses décisions en la matière, la Commission a adopté en 1998 les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17 et de l’article 65 paragraphe 5 du traité CECA (5) (ci-après les «lignes directrices»).

6. Selon la méthodologie figurant dans les lignes directrices, le montant de l’amende est déterminé essentiellement selon une série de phases successives.

7. Dans un premier temps, la Commission fixe le montant de base de l’amende «en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction» (point 1 des lignes directrices). S’agissant du premier aspect, les infractions sont classées en «infractions peu graves […] infractions graves […] infractions très graves» (6), compte tenu de leur nature, de leur impact concret sur le marché et de l’étendue du marché géographique concerné. Pour ce qui concerne la durée, elles sont divisées en infractions de courte durée (inférieure à un an), infractions de moyenne durée (de un à cinq ans) et infractions de longue durée (au-delà de cinq ans).

8. Une fois déterminé le montant de base de l’amende, la Commission se met à apprécier s’il doit être augmenté en raison de la présence de circonstances aggravantes (7) ou réduit en raison de la présence de circonstances atténuantes (8).

9. Le point 5, sous a), des lignes directrices prévoit:

«Il va de soi que le résultat final du calcul de l’amende selon ce schéma (montant de base affecté des pourcentages d’aggravation et de diminution) ne peut en aucun cas dépasser 10 % du chiffre d’affaires mondial des entreprises conformément à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17. […]»

10. Dans le respect de la limite de 10 %, le montant ainsi calculé peut ensuite subir une nouvelle adaptation, en application de l’article 5, sous b), des lignes directrices, sur la base de l’appréciation, de la part de la Commission, de «certaines données objectives telles qu’un contexte économique spécifique, l’avantage économique ou financier éventuellement acquis par les auteurs de l’infraction […], les caractéristiques propres des entreprises en cause ainsi que leur capacité contributive réelle dans un contexte social particulier pour adapter, in fine, les montants d’amende envisagés».

II – Faits et procédure

1. Les faits à l’origine du litige

11. Dans l’arrêt attaqué, le cadre factuel à l’origine du litige est décrit comme suit:

«1 Les requérantes, Archer Daniels Midland Co. (ci-après ‘ADM Company’) et sa filiale européenne Archer Daniels Midland Ingredients Ltd (ci-après ‘ADM Ingredients’) opèrent dans le secteur de la transformation de céréales et de graines oléagineuses. Elles se sont implantées sur le marché de la lysine en 1991.

2 La lysine est le principal acide aminé utilisé dans l’alimentation animale à des fins nutritionnelles. La lysine synthétique est utilisée comme additif dans les aliments qui ne contiennent pas suffisamment de lysine naturelle, par exemple les céréales, afin de permettre aux nutritionnistes de composer des régimes à base de protéines répondant aux besoins alimentaires des animaux. Les aliments auxquels de la lysine synthétique est ajoutée peuvent également se substituer aux aliments contenant une quantité suffisante de lysine à l’état naturel, tel le soja.

3 En 1995, à l’issue d’une enquête secrète menée par le Federal Bureau of Investigation (FBI), des perquisitions ont été effectuées aux États-Unis dans les locaux de plusieurs entreprises actives sur le marché de la lysine. Aux mois d’août et d’octobre 1996, ADM Company ainsi que les sociétés Kyowa Hakko Kogyo Co. Ltd (ci-après ‘Kyowa’), Sewon Corp. Ltd, Cheil Jedang Corp. (ci-après ‘Cheil’) et Ajinomoto Co. Inc., ont été inculpées par les autorités américaines pour avoir formé une entente ayant consisté à fixer les prix de la lysine et à répartir les volumes de vente de ce produit entre juin 1992 et juin 1995. À la suite d’accords conclus avec le ministère de la Justice américain, ces entreprises se sont vu imposer des amendes par le juge saisi du dossier, à savoir une amende de 10 millions de dollars des États-Unis (USD) pour Kyowa Hakko Kogyo et Ajinomoto, une amende de 70 millions de USD pour ADM Company et une amende de 1,25 million de USD pour Cheil. Le montant de l’amende imposée à Sewon Corp. s’élevait, selon cette dernière, à 328 000 USD. Par ailleurs, trois dirigeants d’ADM Company ont été condamnés à des peines d’emprisonnement et à des amendes pour leur rôle dans l’entente.

4 En juillet 1996, Ajinomoto a, sur la base de la communication 96/C 207/04 de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes […] proposé à la Commission de coopérer avec elle pour établir l’existence d’un cartel sur le marché de la lysine et ses effets dans l’Espace économique européen (EEE).»

12. Il ressort en outre de l’arrêt attaqué que, à la suite du signalement par Ajinomoto, la Commission a ouvert une enquête administrative pour vérifier d’éventuelles violations de l’article 85, paragraphe 1, du traité CE. Au terme de l’enquête, la Commission a adopté la décision attaquée, par laquelle:

– elle a constaté à la charge de plusieurs entreprises, parmi lesquelles ADM Company et ADM Ingredients, une violation de l’article 85, paragraphe 1, du traité et de l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE consistant à avoir participé «à des accords sur les prix, les volumes de vente et l’échange d’informations individuelles sur les volumes de vente de lysine synthétique, couvrant l’ensemble de l’EEE» (article 1er) (9);

– et elle a infligé à ADM Company et ADM Ingredients, solidairement responsables, une amende de 47 300 000 euros (article 2).

13. Dans la motivation de la décision, la Commission a établi que, à partir du 23 juin 1992 et jusqu’au 27 juin 1995, ADM Company et ADM Ingredients avaient pris part avec les producteurs asiatiques de lysine à une série d’accords étendus au commerce mondial de la lysine. Ces accords étaient destinés, en substance, a) à réguler le marché de la lysine par la fixation des prix et la répartition des volumes de vente et b) à coordonner le comportement des entreprises participantes de sorte à garantir le succès des initiatives adoptées par elles en matière de prix et de volumes de vente (points 50 à 234 de la décision attaquée).

14. Pour ce qui concerne l’aspect le plus important duquel nous sommes appelés à discuter dans la présente affaire, à savoir le calcul des amendes infligées aux deux sociétés, la Commission a fait expressément référence aux dispositions figurant dans les lignes directrices (point 255 de la décision).

15. La Commission a ainsi prévu de fixer le montant de base de l’amende en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction.

16. Pour ce qui concerne le premier aspect, la Commission a qualifié la violation commise par les entreprises sur le marché de la lysine d’infraction très grave (points 257 à 302 de la décision attaquée).

17. En particulier, elle a retenu que pour déterminer les montants de base des amendes en fonction de la gravité il était nécessaire de tenir compte i) de la capacité effective des entreprises concernées à causer un préjudice important au marché de la lysine dans l’EEE et ii) de la nécessité de faire en sorte que le montant de l’amende ait un caractère suffisamment dissuasif.

18. À cette fin, la Commission a divisé les entreprises en deux groupes en fonction de leurs tailles respectives. La comparaison a été effectuée sur la base du chiffre d’affaires global et du chiffre...

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