Engin Ayaz v Land Baden-Württemberg.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2004:314
Date25 May 2004
Celex Number62002CC0275
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-275/02
Conclusions
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. L. A. GEELHOED
présentées le 25 mai 2004(1)



Affaire C-275/02

Engin Ayaz
contre
Land Baden-Württemberg


[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Stuttgart (Allemagne)]

«Interprétation de l'article 7 de la décision n° 1/80 du conseil d'association CEE-Turquie – Droit de séjour des membres de la famille d'un travailleur turc appartenant au marché régulier de l'emploi – Beau-fils majeur»






I – Introduction 1. Dans la présente affaire, le Verwaltungsgericht Stuttgart (Allemagne) a saisi la Cour d’une question préjudicielle concernant l’interprétation de la décision n° 1/80 du Conseil d’association entre la Communauté économique européenne et la Turquie (2) (ci-après la «décision n° 1/80»). Plus particulièrement, le juge de renvoi souhaite savoir si le beau-fils, âgé de moins de 21 ans, d’un travailleur turc appartenant au marché régulier de l’emploi d’un État membre doit être considéré comme un membre de la famille au sens de l’article 7, première phrase, de cette décision. 2. L’intérêt de l’affaire réside principalement dans le contexte dans lequel cette question est soulevée. Sur le territoire de la Communauté européenne, les travailleurs turcs et les membres de leur famille se voient conférer certains droits par les articles 6 et 7 de la décision n° 1/80, décision qui met en œuvre l’accord d’association entre CEE-Turquie (3) . Ces droits diffèrent fondamentalement de ceux dont les travailleurs communautaires et les membres de leur famille bénéficient au titre des articles 39 CE et suivants et du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (4) , fondé sur l’article 49 du traité CE (devenu après modification, article 40 CE). 3. Le juge de renvoi s’interroge sur l’interprétation de la notion de membre de la famille visée à l’article 7 de la décision n° 1/80. La décision elle-même ne contient aucune définition de ce terme et la Cour n’a pas encore été invitée à se pencher sur le contenu à lui donner. Dans l’arrêt Baumbast et R (5) , la Cour a toutefois reconnu les droits des beaux-enfants d’un travailleur communautaire au titre du règlement n° 1612/68. Le présent litige pose la question de la signification de cet arrêt pour le beau-fils d’un travailleur turc, compte tenu de la différence substantielle existant entre la décision n° 1/80 et le règlement n° 1612/68. 4. En outre, la demande préjudicielle permet de définir de manière plus détaillée le beau-fils ou la belle-fille visés par la décision n° 1/80. Au moment de sa demande de permis de séjour (demande qui a suscité la procédure devant les juridictions nationales), le demandeur était majeur selon le droit allemand, mais n’avait pas encore atteint l’âge de 21 ans. Par la suite, il s’est rendu coupable à plusieurs reprises d’activités délictuelles. II – Cadre juridique A – L’accord d’association CEE-Turquie 5. Au titre de son article 2, paragraphe 1, l’accord d’association a pour objet de promouvoir le renforcement continu et équilibré des relations commerciales et économiques entre les parties, y compris les relations d’emploi, en mettant en place progressivement la libre circulation des travailleurs (article 12) et en éliminant entre elles les restrictions à la liberté d’établissement (article 13) et à la libre prestation des services (article 14), en vue d’améliorer ainsi le niveau de vie du peuple turc et de faciliter ultérieurement l’adhésion de la République turque à la Communauté (quatrième considérant et article 28). 6. Dans ce but, l’accord d’association organise une phase préparatoire pour permettre à la République turque de renforcer son économie avec l’aide de la Communauté (article 3), une phase transitoire pendant laquelle est mise progressivement en place une union douanière entre la République turque et la Communauté et sont rapprochées les politiques économiques de la République turque de celles de la Communauté (article 4), et une phase définitive fondée sur l’union douanière et impliquant le renforcement de la coordination des politiques économiques des parties contractantes (article 5). 7. L’article 6 de l’accord d’association s’énonce comme suit: «Pour assurer l’application et le développement progressif du régime d’association, les Parties contractantes se réunissent au sein d’un Conseil d’association qui agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées par l’accord». Le conseil d’association a donc un pouvoir de décision pour réaliser les objectifs fixés par l’accord et dans les cas prévus par celui-ci (article 22, paragraphe 1, de l’accord d’association). Chacune des deux parties est tenue de prendre les mesures que comporte l’exécution des décisions prises. 8. L’article 9 de l’accord d’association stipule: «Les Parties contractantes reconnaissent que dans le domaine d’application de l’accord, et sans préjudice des dispositions particulières qui pourraient être établies en application de l’article 8, toute discrimination exercée en raison de la nationalité est interdite en conformité du principe énoncé dans l’article 7 du traité instituant la Communauté». B – La décision n°1/80 9. Le 19 septembre 1980, le conseil d’association a adopté la décision n° 1/80. Il est frappant de constater que cette décision n’a jamais été publiée au journal officiel (6) . L’article 6, paragraphe 1, de la décision se lit comme suit: «Sous réserve des dispositions de l’article 7 relatif au libre accès à l’emploi des membres de sa famille, le travailleur turc, appartenant au marché régulier de l’emploi d’un État membre: – a droit, dans cet État membre, après un an d’emploi régulier, au renouvellement de son permis de travail auprès du même employeur, s’il dispose d’un emploi; – a le droit, dans cet Etat membre, après trois ans d’emploi régulier et sous réserve de la priorité à accorder aux travailleurs des États membres de la Communauté, de répondre dans la même profession auprès d’un employeur de son choix à une autre offre, faite à des conditions normales, enregistrée auprès des services de l’emploi de cet État membre; – bénéficie, dans cet État membre, après quatre ans d’emploi régulier, du libre accès à toute activité salariée de son choix.» 10. En l’espèce, l’article 7 est fondamental; il règle la situation du travailleur turc qui occupe un emploi sur le marché régulier de l’emploi d’un État membre. Dans la mesure où les membres de sa famille ont été autorisés à le rejoindre, ils:
ont le droit de répondre, sous réserve de priorité à accorder aux travailleurs des États membres de la Communauté, à toute offre d’emploi lorsqu’ils y résident régulièrement depuis trois ans au moins;
y bénéficient du libre accès à toute activité salariée de leur choix lorsqu’ils y résident régulièrement depuis cinq ans au moins.
Les enfants des travailleurs turcs ayant accompli une formation professionnelle dans le pays d’accueil pourront, indépendamment de leur durée de résidence dans cet État membre, à condition qu’un des parents ait légalement exercé un emploi dans l’État membre intéressé depuis trois ans au moins, répondre dans ledit État membre à toute offre d’emploi. 11. L’article 14, paragraphe 1, se lit comme suit: «Les dispositions de la présente section (7) sont appliquées sous réserve des limitations justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité et de santé publiques.» C – Le règlement n° 1612/68 12. L’article 10 dudit règlement énonce: «1. Ont le droit de s’installer avec le travailleur ressortissant d’un État membre employé sur le territoire d’un autre État membre, quelle que soit leur nationalité: a) son conjoint et leurs descendants de moins de vingt et un ans ou à charge; b) les ascendants de ce travailleur et de son conjoint qui sont à sa charge. 2. Les États membres favorisent l’admission de tout membre de la famille qui ne bénéficie pas des dispositions du paragraphe 1 s’il se trouve à la charge ou vit, dans le pays de provenance, sous le toit du travailleur visé ci-dessus. 3. Pour l’application des paragraphes 1 et 2, le travailleur doit disposer d’un logement pour sa famille, considéré comme normal pour les travailleurs nationaux dans la région où il est employé, sans que cette disposition puisse entraîner de discriminations entre les travailleurs nationaux et les travailleurs en provenance d’autres États membres. 13. Nous citerons encore l’article 11 du règlement: «Le conjoint et les enfants de moins de vingt et un ans ou à charge d’un ressortissant d’un État membre exerçant sur le territoire d’un État membre une activité salariée ou non salariée, ont le droit d’accéder à toute activité salariée sur l’ensemble du territoire de ce même État, même s’ils n’ont pas la nationalité d’un État membre.» III – Les faits A – Les faits du litige au principal 14. M. Engin Ayaz, demandeur dans la procédure principale, est né le 24 septembre 1979; il est célibataire et de nationalité turque. Le 19 mai 1991, il est arrivé de Turquie avec sa mère et est entré sur le territoire allemand pour y vivre avec sa mère et son beau-père. Ce dernier réside régulièrement en Allemagne, en tant que travailleur, depuis les années 80. 15. D’après l’ordonnance de renvoi, la mère n’exerce aucun emploi; elle n’a jamais disposé d’une «Arbeitserlaubnis» ou d’une «Arbeitsgenehmigung (permis de travail)». 16. À l’exception d’une courte interruption de la fin de l’automne 1999 jusqu’au début de l’année 2000, M. Ayaz habite avec sa mère et son beau-père depuis son arrivée en Allemagne dans un domicile commun. Pendant cette période, il a terminé la «Hauptschule» (enseignement professionnel...

To continue reading

Request your trial
13 practice notes
  • Commission of the European Communities v Federal Republic of Germany.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 2 Junio 2005
    ...violación del artículo 8 del CEDH. 49 – Conclusiones presentadas el 25 de mayo de 2004 por el Abogado General Geelhoed en el asunto Ayaz (C‑275/02, sentencia de 30 de septiembre de 2004, Rec. p. I‑8765), punto 84. 50 – A tal respecto, véanse las sentencias del TEDH de 22 de abril de 2004, R......
  • Hava Genc v Land Berlin.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 4 Febrero 2010
    ...las sentencias de 6 de junio de 1995, Bozkurt, C‑434/93, Rec. p. I‑1475, apartados 14, 19 y 20, y de 30 de septiembre de 2004, Ayaz, C‑275/02, Rec. p. I‑8765, apartado 44). 18 Por consiguiente, para comprobar si se cumple el primer requisito establecido en el artículo 6, apartado 1, de la D......
  • Land Baden-Württemberg v Metin Bozkurt.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 8 Julio 2010
    ...7 of Decision No 1/80, see my Opinion in Case C‑484/07 Pehlivan, delivered on the same date as this Opinion, point 29 et seq. 11 – See Case C‑275/02 Ayaz [2004] ECR I‑8765, paragraph 34. 12 – See, inter alia, Case C‑351/95 Kadiman [1997] ECR I‑2133, paragraph 29. The reasoning applied by th......
  • United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland v Council of the European Union.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 17 Julio 2014
    ...à son marché. ( 50 ) Voir, par exemple, arrêts Bozkurt (C‑434/93, EU:C:1995:168, point 20); Birden (C‑1/97, EU:C:1998:568, point 24); Ayaz (C‑275/02, EU:C:2004:570, point 44); Genc (C‑14/09, EU:C:2010:57, point 17), et Dülger (C‑451/11, EU:C:2012:504, point ( 51 ) Article 12 de l’accord d’a......
  • Request a trial to view additional results

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT