Peter Svensson and Lena Gustavsson v Ministre du Logement et de l'Urbanisme.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1995:140
Docket NumberC-484/93
Celex Number61993CC0484
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date17 May 1995
EUR-Lex - 61993C0484 - FR 61993C0484

Conclusions de l'avocat général Elmer présentées le 17 mai 1995. - Peter Svensson et Lena Gustavsson contre Ministre du Logement et de l'Urbanisme. - Demande de décision préjudicielle: Conseil d'Etat - Grand-Duché de Luxembourg. - Libre circulation des capitaux - Libre prestation des services - Bonification d'intérêt sur les prêts à la construction - Prêt contracté auprès d'un établissement de crédit non agréé dans l'Etat membre qui octroie la bonification. - Affaire C-484/93.

Recueil de jurisprudence 1995 page I-03955


Conclusions de l'avocat général

++++

Introduction

1 Dans la présente affaire, la Cour a été invitée à apprécier si le droit communautaire s'oppose à ce qu'un État membre refuse à un emprunteur le bénéfice d'une bonification d'intérêt servie par l'État, à valoir sur les intérêts afférents à un prêt contracté en vue de la construction, de l'acquisition ou de l'amélioration d'un logement, au motif que le prêt a été contracté auprès d'un établissement de crédit qui n'est pas établi sur le territoire de l'État membre en cause, alors qu'une telle bonification est accordée dans le cas où le prêt est contracté, dans des circonstances par ailleurs semblables, dans un établissement de crédit établi dans l'État membre en cause.

2 Les époux Peter Svensson et Lena Gustavsson sont des ressortissants suédois et résident avec leurs deux enfants au Luxembourg, où Peter Svensson exerce son activité professionnelle. En vue de la construction de leur maison à usage d'habitation, ils ont souscrit le 10 juin 1990 un prêt auprès du Comptoir d'escompte de Belgique SA à Liège, où cette société est établie. Le 7 octobre 1991, les époux ont introduit une demande auprès des autorités luxembourgeoises en vue d'obtenir une bonification d'intérêt; cette demande a toutefois été rejetée au motif que le prêt n'avait pas été contracté auprès d'un établissement agréé au grand-duché de Luxembourg.

3 Les règles relatives au régime de bonification d'intérêt luxembourgeois se trouvent consignées dans le règlement grand-ducal du 17 juin 1991 (ci-après le règlement), pris en vertu de l'article 14 bis de la loi du 25 février 1979 concernant l'aide au logement, modifié par la loi du 21 décembre 1990. Selon l'article 1er du règlement, une bonification d'intérêt peut être allouée par l'État en vue de la construction, de l'acquisition ou de l'amélioration d'un logement, à condition que le demandeur réside au Luxembourg, ait au moins un enfant à charge et ait

«... contracté auprès d'un établissement de crédit agréé au Grand-Duché de Luxembourg ou auprès des organismes de pension de la sécurité sociale un prêt en vue de la construction, de l'acquisition ou de l'amélioration d'un logement sis sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg et occupé de façon effective et permanente par le requérant».

En réponse à une question de la Cour, le gouvernement luxembourgeois a indiqué que la disposition précitée implique que la bonification d'intérêt ne peut être accordée que si le prêt considéré a été contracté auprès de «banques qui se sont constituées ou établies à Luxembourg soit par la voie d'une filiale, soit par la voie d'une succursale bancaire et qui figurent donc sur le tableau officiel des établissements de crédit agréés au Luxembourg».

4 Les époux Peter Svensson et Lena Gustavsson ont formé un recours à l'encontre du refus d'octroi de la bonification d'intérêt devant le Conseil d'État, Luxembourg; par arrêt du 28 décembre 1993, cette juridiction a sursis à statuer et déféré à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les dispositions du traité de Rome, notamment les articles 67 et 71, s'opposent-elles à ce qu'un État membre soumette l'octroi d'une aide sociale en faveur du logement, notamment une bonification d'intérêt, à la condition que les prêts destinés au financement de la construction, de l'acquisition ou de l'amélioration du logement subventionné aient été contractés auprès d'un établissement de crédit agréé dans cet État membre?»

5 L'ordonnance de renvoi se réfère surtout aux articles 67 et 71 du traité, concernant les mouvements de capitaux, etc. Ainsi que l'a d'ailleurs montré la procédure devant la Cour, il y a toutefois un doute sur le point de savoir si ce sont ces règles qui sont pertinentes aux fins de la résolution de la question, ou si les dispositions pertinentes ne seraient pas plutôt les règles visées aux articles 59 et suivants, relatifs à la libre prestation des services.

Les règles de droit communautaire pertinentes

6 Selon l'article 59 du traité CEE, les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de la Communauté doivent être supprimées à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation. Aux termes de l'article 59, paragraphe 2, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, peut étendre l'application des règles du traité relatives aux services à des prestataires de services ressortissant d'un État membre et établis à l'intérieur de la Communauté.

Selon l'article 60 du traité, sont considérées comme services au sens du traité les prestations fournies normalement contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives, entre autres, à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes.

En vue de mettre concrètement en oeuvre les règles relatives à la libre circulation des services, le Conseil avait, au moment des faits pertinents au regard de la présente affaire (1), adopté la première directive 77/780/CEE du Conseil, du 12 décembre 1977, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice (JO L 322, p. 30, ci-après «la directive 77/780»). L'article 7, paragraphe 1, de cette directive dispose comme suit:

«En vue de surveiller l'activité des établissements de crédit opérant dans un ou plusieurs États membres, autres que celui de leur siège social, ... les autorités compétentes des États membres concernés collaborent étroitement. Elles se communiquent toutes les informations relatives à la direction, à la gestion et à la propriété de ces établissements de crédit, susceptibles de faciliter leur surveillance et l'examen des conditions de leur agrément, ainsi que toutes les informations susceptibles de faciliter le contrôle de la liquidité et de la solvabilité de ces établissements.»

7 Selon l'article 67 du traité CEE, les États membres suppriment, dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché commun, les restrictions au mouvement des capitaux appartenant à des personnes résidant dans les États membres, ainsi que les discriminations de traitement fondées sur la nationalité ou la résidence des parties, ou sur la localisation du placement.

En vue de la mise en oeuvre de la libre circulation des capitaux, le Conseil a adopté un certain nombre de directives (2). A l'époque pertinente au regard de l'affaire, la libéralisation des mouvements de capitaux était régie par la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en oeuvre de l'article 67 du traité (3) (ci-après la «directive 88/361»). Selon l'article 1er de la directive, les États membres suppriment «les restrictions aux mouvements de capitaux intervenant entre les personnes résidant dans les États membres...». Les autres dispositions de la directive contiennent une série d'exceptions à ce principe. Les mouvements de capitaux libéralisés par la directive concernent, entre autres, les prêts et crédits financiers accordés par des non-résidents à des résidents et inversement, conformément à l'annexe I, catégorie VIII, de la directive.

Quel est l'ensemble de règles pertinent au regard de la réponse à la question?

8 Une législation nationale limitant le bénéfice de la bonification d'intérêt en vue de la construction d'un logement au seul cas où le prêt est contracté dans l'État membre considéré n'implique pas en soi que des transactions transfrontières effectuées avec le capital versé à la suite du prêt soient empêchées ou rendues plus difficiles. La caractéristique essentielle du régime de bonification national décrit dans l'ordonnance de renvoi réside au contraire dans le fait que ce régime rend financièrement moins attrayant de contracter le prêt dans un établissement financier qui n'est pas établi dans l'État membre considéré et ainsi de procéder à un échange de services transfrontières sous la forme d'un prêt au logement. C'est pourquoi il importe peu, à notre sens, d'examiner en l'espèce le rapport entre le régime de bonification national décrit dans l'ordonnance de renvoi et les règles du traité concernant la libre circulation des capitaux.

9 Dans le même ordre d'idées, la Cour a...

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