Dilexport Srl v Amministrazione delle Finanze dello Stato.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1998:174
Docket NumberC-343/96
Celex Number61996CC0343
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date28 April 1998
EUR-Lex - 61996C0343 - FR 61996C0343

Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 28 avril 1998. - Dilexport Srl contre Amministrazione delle Finanze dello Stato. - Demande de décision préjudicielle: Pretura circondariale di Bolzano - Italie. - Impositions intérieures contraires à l'article 95 du traité - Répétition de l'indu - Règles nationales de procédure. - Affaire C-343/96.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-00579


Conclusions de l'avocat général

1 Le Pretore di Bolzano (Italie) pose à la Cour de justice six questions préjudicielles à propos de l'incidence des normes et principes du droit communautaire sur le régime juridique national - loi italienne n_ 428, du 29 décembre 1990 (1) (ci-après la «loi n_ 428») - relatif au remboursement de certaines recettes fiscales indûment perçues par l'administration italienne.

Les faits, la procédure et la teneur des questions préjudicielles

2 La société requérante a payé à l'administration italienne, le 12 mars 1988, la somme de 6 945 756 LIT au titre de l'impôt sur la consommation correspondant à un lot de bananes importées par l'intermédiaire du bureau de douane du Brenner.

3 Estimant qu'il s'agissait d'un impôt indûment payé, parce qu'incompatible avec le droit communautaire, Dilexport Srl a présenté une demande de remboursement à l'administration en 1991. N'ayant pas obtenu de réponse favorable, elle a saisi le Pretore di Bolzano, territorialement compétent, d'un recurso per ingiunzione, au titre de l'article 633 du code italien de procédure civile, afin d'obtenir le remboursement de la somme en question.

4 Avant de statuer, le Pretore a saisi la Cour de justice des questions préjudicielles suivantes:

«1) Le droit communautaire doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à l'introduction par un État membre d'une réglementation telle que celle instaurée par l'article 29 de la loi italienne n_ 428 du 29 décembre 1990, laquelle subordonne le remboursement d'impôts perçus en violation du droit communautaire à des délais de prescription ou de forclusion et à des conditions de preuve différentes et plus restrictives que celles qui sont prévues par les règles générales de droit civil? En particulier, s'agissant du principe selon lequel les conditions de l'exercice du droit au remboursement définies par les lois nationales `ne doivent pas être moins favorables que celles qui concernent des recours semblables de nature interne', que faut-il entendre par la formule `des recours semblables de nature interne'?

2) Les principes fondamentaux de l'ordre juridique communautaire s'opposent-ils à ce qu'un État membre introduise - de manière limitée et à l'égard d'un secteur précis uniquement, constitué par une catégorie homogène de prélèvements fiscaux, secteur qui englobe pour l'essentiel des prélèvements qui intéressent l'ordre juridique communautaire - une réglementation spéciale et dérogatoire destinée à restreindre et à limiter le droit à la répétition de l'indu, dérogeant ainsi aux conditions générales prévues pour la répétition de l'indu par l'article 2033 du code civil? En particulier, le principe de non-discrimination peut-il être compris de manière restrictive et, par conséquent, peut-il être considéré comme respecté par la réglementation d'un État membre, du genre de celle prévue à l'article 29, deuxième alinéa, de la loi n_ 428 du 29 décembre 1990, au seul motif que les conditions de remboursement des prélèvements fiscaux intéressant le droit communautaire qui y sont prévues, bien qu'étant restrictives par rapport à la réglementation générale de droit commun, apparaissent toutefois moins sévères par rapport aux conditions spéciales de remboursement prévues au troisième alinéa de ce même article?

3) Les principes fondamentaux de l'ordre juridique communautaire ci-dessus rappelés s'opposent-ils à ce qu'un État membre - à la suite de plusieurs arrêts de la Cour ayant déclaré incompatibles avec le droit communautaire différentes taxes en matière de droits de douane à l'importation, d'impôts de fabrication, d'impôts de consommation, de surtaxe sur le sucre et de droits d'État - adopte des dispositions de procédure, telles que celles introduites par l'article 29 de la loi n_ 428 du 29 décembre 1990, qui réduisent précisément la possibilité d'agir en remboursement des taxes ci-dessus mentionnées lorsqu'elles ont été indûment perçues en violation du droit communautaire?

4) Une loi semblable à celle qui vient d'être citée - prétendument introduite pour assurer la conformité de la législation nationale à la jurisprudence de la Cour de justice - approuvée avec plus de trois ans et demi de retard par rapport auxdits arrêts de la Cour, entraînant de plus un enrichissement indu de l'État retardataire, n'est-elle pas incompatible avec le droit communautaire et notamment avec ce qui est affirmé en matière de preuves non admises dans l'arrêt du 9 novembre 1983, San Giorgio (199/82, Rec. p. 3595)? En particulier, une interprétation et une application de l'article 29 précité, fondées sur l'affirmation selon laquelle - `l'incorporation des impôts de consommation étant un fait constant' - la preuve par présomption est une preuve suffisante pour établir que le transfert a eu lieu et donc pour rejeter la demande de remboursement, ne sont-elles pas également incompatibles avec le droit communautaire?

5) En conséquence, est-il licite au regard du droit communautaire que le juge national ou son expert technique constate le transfert d'impôt en employant de telles présomptions simples, qui seraient prétendument des preuves libres caractéristiques, excluant ainsi systématiquement les demandes de remboursement, comme cela se produit en pratique, de sorte que l'administration débitrice n'admet jamais être tenue de rembourser?

6) Une règle telle que celle contenue aux quatrième et huitième alinéas de l'article 29 précité, qui impose des formalités procédurales (par exemple, une obligation de notification à certains services précis de cette même autorité débitrice) qui n'ont jamais été prévues dans les précédents cas de remboursement envisagés par la réglementation générale en la matière, peut-elle être imposée et, en toute hypothèse, peut-elle être interprétée comme ayant un effet rétroactif?»

Le cadre juridique national et le cadre juridique communautaire

5 L'article 29 de la loi n_ 428 (2) contient, sous le titre «Remboursement des taxes reconnues incompatibles avec les règles communautaires», les dispositions suivantes:

- le paragraphe 1 étend le délai quinquennal de forclusion institué par l'article 91 du texte unique des dispositions législatives douanières à toutes les actions en restitution de sommes payées à l'occasion d'opérations en douane; ce délai de forclusion est néanmoins réduit à trois ans, à l'instar du délai de prescription prévu par l'article 84 du même texte, à partir du quatre-vingt-dixième jour après l'entrée en vigueur de la loi (3);

- le paragraphe 2 dispose que «les droits de douane à l'importation, les impôts de fabrication, les impôts de consommation, la surtaxe sur le sucre et les droits d'État encaissés en application de dispositions nationales incompatibles avec les règles communautaires sont remboursés, à moins que la charge y relative ait été répercutée sur d'autres sujets»;

- le paragraphe 4 dispose que les demandes de remboursement des droits et impositions visés aux paragraphes 2 et 3 doivent, lorsque ces sommes ont contribué à déterminer les revenus de l'entreprise, être communiquées, sous peine d'irrecevabilité, au bureau des impôts qui a reçu la déclaration de revenus de l'exercice correspondant;

- le paragraphe 7 ajoute que le paragraphe 2 s'applique même si le remboursement porte sur des sommes versées antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi (à savoir le 27 janvier 1991);

- d'après le paragraphe 8, le paragraphe 4 s'applique à compter de l'exercice fiscal en cours à la date d'entrée en vigueur de la loi.

6 L'impôt spécial sur la consommation de bananes originaires d'autres États membres, que l'entreprise demanderesse a payé et dont elle demande le remboursement, a été déclaré incompatible avec le droit communautaire, parce que contraire à l'article 95, deuxième alinéa, du traité CEE, par l'arrêt du 7 mai 1987, Commission/Italie (4). L'arrêt Co-Frutta (5), de la même date, a confirmé que cette disposition du traité s'oppose à un impôt de consommation frappant certains fruits importés dès lors qu'il est susceptible de protéger la production nationale de fruits, et que l'article 95 du traité est applicable à tous les produits en provenance des États membres, y compris ceux qui, originaires de pays tiers, ont été mis en libre pratique dans les États membres.

L'examen des différentes questions préjudicielles

7 J'aborderai l'analyse des questions préjudicielles en les regroupant en fonction de leur contenu, même si le résultat ne coïncide pas totalement avec l'ordre dans lequel elles ont été présentées dans l'ordonnance de renvoi:

a) en premier lieu, la dualité de régimes juridiques applicables au droit à la répétition de l'indu (première et deuxième questions);

b) en deuxième lieu, les problèmes d'ordre temporel - c'est-à-dire les délais de prescription et de forclusion ainsi que la rétroactivité - découlant de l'application de la loi n_ 428 au remboursement de l'impôt (troisième question);

c) en troisième lieu, le recours aux présomptions en tant que moyen de preuve pour apprécier la répercussion de la charge de l'impôt sur des tiers (quatrième et cinquième questions);

d) finalement, l'exigence que les demandes de remboursement soient communiquées à l'administration fiscale (sixième question).

Sur les première et deuxième questions préjudicielles

8 Les deux premières questions posées par la juridiction de renvoi se rapportent au contenu de la norme interne en tant que telle - c'est-à-dire indépendamment de sa portée dans le...

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