Criminal proceedings against Massimiliano Placanica (C-338/04), Christian Palazzese (C-359/04) and Angelo Sorricchio (C-360/04).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:324
Docket NumberC-360/04,C-338/04,,C-359/04
Celex Number62004CC0338
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date16 May 2006

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMER

présentées le 16 mai 2006 (1)

Affaires jointes C-338/04, C-359/04 et C-360/04

Procuratore della Repubblica

contre

Massimiliano Placanica, Christian Palazzese et Angelo Sorricchio

[demandes de décision préjudicielle formées par le Tribunale di Teramo et par le Tribunale di Larino (Italie)]

«Recevabilité des questions préjudicielles: conditions – Paris par Internet – Nécessité d’une concession et d’une autorisation préalables – Sanctions pénales – Restrictions à la libre prestation des services – Conditions»





I – Introduction

1. «Rien ne va plus». La Cour ne peut éviter plus longtemps d’examiner de façon approfondie les incidences des libertés fondamentales du traité CE sur le secteur des jeux de hasard.

2. C’est la troisième fois qu’elle est appelée à statuer dans ce domaine à l’égard de la législation en vigueur en Italie. Elle l’a fait pour la première fois, à la demande du Consiglio di Stato, par son arrêt du 21 octobre 1999, Zenatti (2), dans lequel elle a déclaré que les dispositions du traité concernant la libre prestation des services ne s’opposaient pas à une législation qui réservait à certains organismes le droit de gérer des paris sur les événements sportifs, telle que la législation italienne, à condition qu’elle soit justifiée par des objectifs de politique sociale visant à limiter les effets nocifs de telles activités et que les restrictions en résultant soient proportionnées à la réalisation de ces objectifs.

3. Les indications ainsi fournies n’ont pas levé les doutes que suscitait le régime juridique de ce pays et ont conduit à un deuxième renvoi préjudiciel, cette fois-ci de la part du Tribunale di Ascoli Piceno, lequel s’est placé, outre sur le plan de la libre prestation des services, sur celui du droit d’établissement. L’arrêt du 6 novembre 2003, Gambelli e.a. (3), a nuancé la décision antérieure en déclarant qu’«[u]ne réglementation nationale qui interdit – sous peine de sanctions pénales – l’exercice d’activités de collecte, d’acceptation, d’enregistrement et de transmission de propositions de paris, notamment sur les événements sportifs, en l’absence de concession ou d’autorisation délivrée par l’État membre concerné, constitue une restriction à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services prévues respectivement aux articles 43 CE et 49 CE», la juridiction de renvoi étant tenue de vérifier si une telle réglementation, au regard de ses modalités concrètes d’application, est justifiée et si les restrictions qu’elle comporte s’avèrent proportionnées à ses objectifs.

4. Les questions préjudicielles formulées par le Tribunale di Larino et par le Tribunale di Teramo offrent à la Cour l’occasion de préciser sa position, au vu du fait que la Corte suprema di cassazione a considéré que le système en question était compatible avec les dispositions communautaires et au vu des circonstances ayant entouré l’octroi des concessions pour la gestion des paris en Italie.

5. Dans ce contexte, le contenu des arrêts précités et des conclusions des avocats généraux m’autorisent, sous réserve d’effectuer des citations ponctuelles, à omettre certains détails pour me concentrer sur l’étude des problèmes encore pendants et de ceux qui se sont présentés depuis lors avec leurs caractéristiques propres.

II – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

6. Selon l’article 3, paragraphe 1, sous c), CE, l’action de la Communauté comporte, en vue d’atteindre les objectifs qu’elle s’est assignés, «un marché intérieur caractérisé par l’abolition, entre les États membres, des obstacles à la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux». Ces trois derniers domaines sont réglementés au titre III de la troisième partie du traité, dont le chapitre 2 est consacré au «droit d’établissement» et le chapitre 3 aux «services».

1. Le droit d’établissement

7. Le contenu de ce principe est énoncé à l’article 43 CE:

«Dans le cadre des dispositions visées ci-après, les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s’étend également aux restrictions à la création d’agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d’un État membre établis sur le territoire d’un État membre.

La liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises, et notamment de sociétés au sens de l’article 48, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d’établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux.»

8. L’article 46, paragraphe 1, CE prévoit différentes réserves:

«Les prescriptions du présent chapitre et les mesures prises en vertu de celles-ci ne préjugent pas l’applicabilité des dispositions législatives, réglementaires et administratives prévoyant un régime spécial pour les ressortissants étrangers, et justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique.

[…]»

9. Pour l’exercice de ce droit, l’article 48 CE assimile les personnes morales aux personnes physiques:

«Les sociétés constituées en conformité de la législation d’un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de la Communauté sont assimilées, pour l’application des dispositions du présent chapitre, aux personnes physiques ressortissantes des États membres.

Par sociétés, on entend les sociétés de droit civil ou commercial, y compris les sociétés coopératives, et les autres personnes morales relevant du droit public ou privé, à l’exception des sociétés qui ne poursuivent pas de but lucratif.»

2. La libre prestation des services

10. Le principe général est énoncé à l’article 49, premier alinéa, CE:

«Dans le cadre des dispositions visées ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de la Communauté sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation.

[…]»

11. Il convient encore de citer les dispositions de l’article 50 CE:

«Au sens du présent traité, sont considérées comme services les prestations fournies normalement contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes.

Les services comprennent notamment:

a) des activités de caractère industriel;

b) des activités de caractère commercial;

c) des activités artisanales;

d) les activités des professions libérales.

Sans préjudice des dispositions du chapitre relatif au droit d’établissement, le prestataire peut, pour l’exécution de sa prestation, exercer, à titre temporaire, son activité dans le pays où la prestation est fournie, dans les mêmes conditions que celles que ce pays impose à ses propres ressortissants.»

12. L’article 55 CE renvoie à certaines dispositions qui régissent le droit d’établissement:

«Les dispositions des articles 45 à 48 inclus sont applicables à la matière régie par le présent chapitre.»

B – La réglementation italienne

13. La législation nationale coïncide dans une large mesure avec celle examinée dans l’affaire Gambelli e.a.; il convient toutefois de la rappeler et de l’actualiser.

1. Les concessions et les autorisations pour exercer l’activité en question

14. L’article 88 du texte unique des lois en matière de sécurité publique (Testo Unico delle Leggi di Publica Sicurezza, ci-après le «TULPS») (4), dans la rédaction de l’article 37, paragraphe 4, de la loi de finances (Legge financiaria) pour 2001 (5), énonce que l’autorisation pour la gestion de paris est accordée exclusivement aux concessionnaires et aux personnes habilitées par un ministère ou une autre entité à laquelle la loi réserve la faculté d’organiser des paris. Dès lors, quiconque souhaite exercer une activité dans le domaine des paris publics doit obtenir une concession et une autorisation, que le TULPS appelle «autorisation de police».

a) Les concessions

15. Le contrôle des jeux de hasard appartient à l’État, par l’intermédiaire du Ministero dell’Economia e delle Finanze (ministère de l’Économie et des Finances), qui a recours à cet effet à l’Amministrazione Autonoma dei Monopoli di Stato (administration autonome des monopoles de l’État, ci-après l’«AAMS») (6).

16. Toutefois, cette exclusivité étatique connaît deux exceptions, établies en faveur du Comitato olimpico nazionale italiano (comité olympique national italien, ci-après le «CONI») et de l’Unione italiana per l’incremento delle razze equine (union italienne pour l’amélioration des races équines, ci-après l’«UNIRE») (7), habilités à organiser les paris (8) et à en confier la gestion à des tiers dans leurs domaines de contrôle respectifs (9).

17. L’octroi des concessions par ces organismes est subordonné à des règles spécifiques, qui ont évolué au fil du temps. Initialement, le choix des bénéficiaires était conditionné par la transparence de l’actionnariat des intéressés; c’est la raison pour laquelle les sociétés de capitaux étaient soumises à diverses restrictions, puisque les actions assorties d’un droit de vote devaient être émises au nom de personnes physiques ou de sociétés en nom collectif ou en commandite simple et ne pouvaient être transférées par simple endossement (10); les sociétés cotées en bourse ne pouvaient dès lors intervenir dans ce secteur.

18. Actuellement, l’article 22, paragraphe 11, de la loi de finances (Legge financiaria) pour 2003 (11) permet à toute personne morale de participer aux appels d’offres, sans aucune limitation quant à sa forme.

b) Les autorisations de police

19. Pour opérer dans le secteur des paris, il faut obtenir, outre la concession...

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