Europese Gemeenschap v Otis NV and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:388
Date26 June 2012
Celex Number62011CC0199
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑199/11
62011CC0199

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO CRUZ VILLALÓN

présentées le 26 juin 2012 ( 1 )

Affaire C‑199/11

Europese Gemeenschap, optredend via de Europese Commissie

contre

Otis NV,

General Technic-Otis Sàrl (GTO),

Kone Belgium NV,

Kone Luxembourg Sàrl,

Schindler NV,

Schindler Sàrl,

ThyssenKrupp Liften Ascenseurs NV,

ThyssenKrupp Ascenseurs Luxembourg Sàrl

[demande de décision préjudicielle formée par le rechtbank van koophandel te Brussel (Belgique)]

«Représentation de l’Union européenne devant les juridictions nationales — Compétences attribuées à la Commission — Article 282 CE — Comportement anticoncurrentiel formellement constaté par la Commission — Action en responsabilité extracontractuelle pour dommages exercée par la Commission au nom de l’Union — Pouvoirs de sanction de la Commission en matière de concurrence — Article 47 de la charte — Indépendance du judiciaire — Étendue du contrôle juridictionnel des juridictions de l’Union et des juridictions nationales — Égalité des armes»

1.

Saisi d’une action en réparation formée par la Commission européenne, au nom de l’Union, contre plusieurs fabricants d’ascenseurs, le rechtbank van koophandel te Brussel (Belgique) a soumis à la Cour une demande de décision préjudicielle portant sur deux questions relatives, d’une part, à la représentation en justice de l’Union devant les juridictions nationales et, d’autre part, à l’indépendance du judiciaire et à l’égalité des armes entre les parties à une procédure civile dans laquelle l’Union est demanderesse à une action en responsabilité extracontractuelle.

2.

Sur la question de la représentation en justice, la juridiction de renvoi souhaite savoir si c’est à la Commission qu’il appartient de représenter l’Union, bien que les dommages subis découlent de contrats signés par différentes institutions et organes de l’Union. La Cour doit donc se prononcer sur la portée dans le temps et sur la teneur des articles 282 du traité instituant la Communauté européenne et 335 TFUE, au regard de procédures intentées devant les juridictions nationales avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.

3.

Plus singulière et comparativement plus complexe apparaît la question de l’indépendance du judiciaire et de l’égalité des armes, et donc de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La Cour est appelée à résoudre la question de savoir si l’Union a, d’une certaine manière, vocation à former une demande en réparation devant les juridictions nationales lorsque le préjudice subi a pour origine un comportement anticoncurrentiel constaté par l’une des institutions de l’Union. Les parties défenderesses au principal font valoir que la Commission, en tant qu’auteur d’une décision contraignante constatant une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE (actuellement article 101, paragraphe 1, TFUE), agit comme un requérant privilégié qui dénature le pouvoir juridictionnel du juge national, ainsi que le rapport de forces équilibré qui doit régner entre les parties à la procédure.

I – Cadre juridique

4.

L’article 282 du traité CE disposait:

«Dans chacun des États membres, la Communauté possède la capacité juridique la plus large reconnue aux personnes morales par les législations nationales; elle peut notamment acquérir ou aliéner des biens immobiliers et mobiliers et ester en justice. À cet effet, elle est représentée par la Commission.»

5.

Au 1er décembre 2009, avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, l’article 282 CE a été remplacé par l’actuel article 335 TFUE, selon lequel:

«Dans chacun des États membres, l’Union possède la capacité juridique la plus large reconnue aux personnes morales par les législations nationales; elle peut notamment acquérir ou aliéner des biens immobiliers et mobiliers et ester en justice. À cet effet, elle est représentée par la Commission. Toutefois, l’Union est représentée par chacune des institutions, au titre de leur autonomie administrative, pour les questions liées à leur fonctionnement respectif.»

6.

L’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «charte»), intitulé: «Droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial», dispose:

«Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.»

7.

Le règlement (CE) no 1/2003, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] ( 2 ), prévoit, à son article 16, intitulé: «Application uniforme du droit communautaire de la concurrence», ce qui suit:

«1. Lorsque les autorités de concurrence des États membres statuent sur des accords, des décisions ou des pratiques relevant de l’article 81 [CE] ou 82 [CE] qui font déjà l’objet d’une décision de la Commission, elles ne peuvent prendre de décisions qui iraient à l’encontre de la décision adoptée par la Commission. Elles doivent également éviter de prendre des décisions qui iraient à l’encontre de la décision envisagée dans une procédure intentée par la Commission. À cette fin, la juridiction nationale peut évaluer s’il est nécessaire de suspendre sa procédure. Cette obligation est sans préjudice des droits et obligations découlant de l’article 234 du traité.

2. Lorsque les autorités de concurrence des États membres statuent sur des accords, des décisions ou des pratiques relevant de l’article 81 [CE] ou 82 [CE] qui font déjà l’objet d’une décision de la Commission, elles ne peuvent prendre de décisions qui iraient à l’encontre de la décision adoptée par la Commission.»

II – Les faits et la procédure

8.

Après avoir reçu plusieurs plaintes, la Commission a ouvert en 2004 une enquête pour établir l’existence de pratiques anticoncurrentielles émanant des quatre principaux fabricants européens d’ascenseurs et d’escaliers mécaniques, Kone, Otis, Schindler et ThyssenKrupp. L’enquête a débouché sur la décision du 21 février 2007, en vertu de laquelle les quatre entreprises citées ont été sanctionnées pour quatre lourdes infractions à l’article 81, paragraphe 1, CE (actuellement article 101 TFUE) ( 3 ).

9.

Les sociétés affectées ont formé devant le Tribunal un recours en annulation, qui a donné lieu aux arrêts de rejet du 13 juillet 2011 ( 4 ). Le Tribunal a rejeté tous les moyens d’annulation invoqués par les requérantes, à l’exception de celui avancé par ThyssenKrupp sur le montant de l’amende, qui a été partiellement accueilli et a entraîné une réduction de la sanction ( 5 ).

10.

Le 20 juin 2008, la Commission, représentant à l’époque la Communauté européenne, a saisi les juridictions belges d’une demande par laquelle elle réclamait aux sociétés concernées, à titre de réparation, le montant de 7061688 euros. La Commission faisait valoir que la Communauté européenne avait subi un préjudice financier en Belgique et au Luxembourg en raison des pratiques anticoncurrentielles illégalement convenues entre les sociétés défenderesses. La Communauté européenne avait en effet conclu plusieurs marchés d’installation, d’entretien et de rénovation d’ascenseurs et d’escaliers mécaniques dans différents bâtiments des institutions européennes ayant leur siège dans ces deux pays, dont le prix aurait été supérieur à celui du marché en raison de l’entente déclarée illégale par la Commission.

11.

Les sociétés mises en cause ont répondu à la demande en contestant la capacité de la Commission à agir en tant que représentante de la Communauté européenne. Les défenderesses ont également invoqué le défaut d’impartialité de la juridiction belge et l’infraction au principe de l’égalité des armes, en raison de la position particulière que la Commission occupe dans le cadre d’une procédure d’infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE (actuellement article 101, paragraphe 1, TFUE).

12.

Au vu des arguments opposés par les défenderesses, le rechtbank van koophandel te Brussel a décidé de soumettre une question préjudicielle à la Cour.

III – La question préjudicielle et la procédure devant la Cour

13.

Le 28 avril 2011 a été enregistrée au greffe de la Cour la demande de décision préjudicielle du rechtbank van koophandel te Brussel, qui pose les questions suivantes:

«1)

a)

Aux termes de l’article 282 CE, devenu article 335 TFUE, l’Union est représentée par la Commission; l’article 335 TFUE, d’une part, et les articles 103 et 104 du règlement financier, d’autre part, disposent que, pour ce qui concerne les questions administratives liées à leur fonctionnement, les institutions concernées représentent l’Union, ce qui peut impliquer que les institutions elles-mêmes soient habilitées, exclusivement ou non, à ester en justice; il ne fait pas de doute que, pour des entrepreneurs notamment, le fait d’obtenir des prix exagérés à la suite de la formation d’un cartel relève de la notion de fraude; en droit belge prévaut le principe ‘lex specialis generalibus derogat’; dans la mesure où ce principe vaut également en droit européen, ne convient-il pas de considérer que l’initiative d’engager une procédure (sauf lorsque la Commission est elle-même le pouvoir adjudicateur) appartient aux institutions concernées?

b)

Question subsidiaire: la Commission ne doit-elle pas, pour le moins, disposer d’un mandat de représentation de la part des institutions pour défendre leurs intérêts en justice?

2)

a)

L’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme...

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