Åklagaren v Hans Åkerberg Fransson.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:340
Date12 June 2012
Celex Number62010CC0617
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑617/10
62010CC0617

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO CRUZ VILLALÓN

présentées le 12 juin 2012 ( 1 )

Affaire C‑617/10

Åklagaren

contre

Hans Åkerberg Fransson

[demande de décision préjudicielle formée par le Haparanda tingsrätt (Suède)]

«Champ d’application de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Article 51 de la charte — Application du droit de l’Union par les États membres — Régime de sanction national applicable aux manquements à la réglementation en matière de TVA — Article 50 de la charte — Ne bis in idem comme principe général du droit de l’Union — Cumul de sanctions administrative et pénale — Définition de la notion de ‘mêmes faits’ — Interprétation de la charte à la lumière de la convention européenne des droits de l’homme — Article 4 du protocole no 7 de la convention européenne des droits de l’homme — Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme — Détermination des droits fondamentaux de l’Union à partir des traditions constitutionnelles communes aux États membres»

Table des matières

I – Introduction

II – Cadre juridique

A – Cadre juridique de l’Union

B – Convention européenne des droits de l’homme

C – Cadre juridique national

III – Les faits et la procédure devant la juridiction nationale

IV – La procédure devant la Cour

V – Compétence de la Cour

A – Approche générale

1. Une «situation» abstraite: «mise en œuvre» du droit de l’Union par les États membres

2. Une proposition d’interprétation: une relation de principe et d’exception

3. Un principe: un intérêt spécifique de l’Union

4. Un type d’argumentation: les catégories et les cas particuliers

B – La réponse, en l’espèce, au problème de la compétence

1. Le droit fondamental en question

2. Un domaine d’exercice particulier de la puissance publique: le pouvoir de sanction

3. La portée du transfert de la garantie du ne bis in idem des États à l’Union

4. Conclusion: un cas de figure qui ne relève pas de la situation de «mise en œuvre du droit de l’Union»

VI – Les questions préjudicielles

A – Les deuxième, troisième, quatrième et cinquième questions préjudicielles

1. Reformulation et recevabilité

2. Analyse des deuxième, troisième et quatrième questions préjudicielles

a) L’article 4 du protocole no 7 de la CEDH et la jurisprudence de la Cour de Strasbourg y afférente

i) Signature et ratification de l’article 4 du protocole no 7 de la CEDH

ii) La jurisprudence de la Cour de Strasbourg relative à l’article 4 du protocole no 7 de la CEDH

b) Le principe ne bis in idem en droit de l’Union: l’article 50 de la charte et son interprétation à la lumière de l’article 4 du protocole no 7 de la CEDH

i) Une interprétation partiellement autonome de l’article 50 de la charte: limites d’une interprétation à la lumière exclusive de la CEDH

ii) L’article 50 de la charte et la double sanction administrative et pénale

c) L’article 50 de la charte appliqué à la présente espèce

B – La première question préjudicielle

1. L’indice «clair» comme critère d’application de la CEDH par la juridiction nationale

2. L’indice «clair» comme critère d’application de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne par la juridiction nationale

VII – Conclusion

I – Introduction

1.

Derrière l’apparente simplicité de l’affaire, à savoir la sanction du manquement à des obligations fiscales par un pêcheur opérant dans le golfe de Botnie, la présente question préjudicielle soulève deux problèmes particulièrement délicats qui suscitent une certaine perplexité.

2.

Le premier de ces problèmes concerne sa recevabilité, car, compte tenu du caractère manifestement interne de l’affaire, la reconnaissance de la compétence de la Cour pour résoudre une question de droits fondamentaux suppose que l’État membre considère cette affaire comme un cas de mise en œuvre du droit de l’Union au sens actuel de l’article 51, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «charte»).

3.

L’autre problème, qui porte sur le fond, concerne l’applicabilité du principe ne bis in idem en cas de cumul du pouvoir de sanction administrative et du ius puniendi de l’État membre dans la répression d’un même comportement, ce qui nous ramène, en définitive, à l’article 50 de la charte.

4.

La perplexité que suscite cette affaire résulte de la première question posée par la juridiction de renvoi qui soulève un problème comparativement plus simple en soi que les précédents. La question concerne la portée du principe de primauté du droit de l’Union au regard d’une exigence posée par la juridiction nationale de dernière instance, à savoir l’existence d’une indication ou d’un indice «clair» pour écarter le droit national. La perplexité tient au fait, d’une part, que l’exigence d’un «indice clair» semble aujourd’hui ancrée dans la jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la «Cour de Strasbourg») et, d’autre part, que cette évolution ne simplifie pas, mais complique au contraire la réponse concernant la portée du principe ne bis in idem en droit de l’Union.

5.

Concernant le problème de la recevabilité, je proposerai à la Cour de se déclarer incompétente dans la mesure où l’État membre ne met pas en œuvre le droit de l’Union au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la charte. Comme je tenterai de l’expliquer, il me semble qu’un examen attentif des circonstances de l’affaire plaide en faveur de cette approche. Toutefois, il est tout à fait possible que la Cour doive pour cela reprendre certaines des thèses que j’ai élaborées au sujet de cette question litigieuse. Je dois admettre que ces thèses ne s’inscrivent pas dans le sillage de la jurisprudence rendue à ce jour.

6.

À titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour s’estimerait compétente pour répondre sur le fond, je lui proposerai une définition autonome du principe ne bis in idem en droit de l’Union. Comme je tenterai de l’expliquer, la règle figurant à l’article 52, paragraphe 3, de la charte, selon laquelle le sens et la portée des droits contenus dans la charte sont «les mêmes» que les droits correspondants de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la «CEDH»), soulève des difficultés particulières s’agissant du principe en cause.

7.

Enfin, pour ce qui est de l’exigence relative à l’existence d’un «indice clair» dans la CEDH et en droit de l’Union, je proposerai une interprétation qui soit compatible avec le principe de primauté.

II – Cadre juridique

A – Cadre juridique de l’Union

8.

Le principe ne bis in idem figure à l’article 50 de la charte, dont le libellé est rédigé comme suit:

«Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi.»

9.

L’article 273 de la directive 2006/112/CE, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ( 2 ), dispose:

«Les États membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, sous réserve du respect de l’égalité de traitement des opérations intérieures et des opérations effectuées entre États membres par des assujettis, et à condition que ces obligations ne donnent pas lieu dans les échanges entre les États membres à des formalités liées au passage d’une frontière.

[…]»

B – Convention européenne des droits de l’homme

10.

Sous l’intitulé «Droit à ne pas être jugé ou puni deux fois», l’article 4 du protocole no 7 de la CEDH énonce ce qui suit:

«1.

Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État.

2.

Les dispositions du paragraphe précédent n’empêchent pas la réouverture du procès, conformément à la loi et à la procédure pénale de l’État concerné, si des faits nouveaux ou nouvellement révélés ou un vice fondamental dans la procédure précédente sont de nature à affecter le jugement intervenu.

3.

Aucune dérogation n’est autorisée au présent article au titre de l’article 15 de la convention.»

C – Cadre juridique national

11.

Les articles 1er et 4 du chapitre 5 de la loi no 324 de 1990 relative à l’impôt sur le revenu (Taxeringslagen) prévoient les dispositions essentielles relatives au régime de sanctions fiscales en Suède:

«Article 1er

Si, au cours de la procédure, le contribuable communique autrement que par oral des informations inexactes en vue de la détermination du montant de l’impôt, une sanction spéciale (fiscale) est infligée. Il en va de même si le contribuable communique de telles informations dans le cadre d’une procédure fiscale contentieuse et que lesdites informations sont rejetées après examen au fond.

Les informations sont réputées inexactes si elles sont manifestement fausses ou que le contribuable a omis de communiquer des informations obligatoires, nécessaires à la détermination du montant de l’impôt. Toutefois, des informations ne peuvent considérées comme inexactes si elles constituent, avec les autres pièces communiquées, une base suffisante pour rendre une juste décision. De même, des informations...

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