Commission of the European Communities v Council of the European Union.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2007:393
CourtCourt of Justice (European Union)
Date28 June 2007
Docket NumberC-440/05
Celex Number62005CC0440
Procedure TypeRecours en annulation - fondé

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. JÁN MAZÁK

présentées le 28 juin 2007 (1)

Affaire C‑440/05

Commission des Communautés européennes

contre

Conseil de l’Union européenne

«Recours en annulation – Article 47 UE – Décision‑cadre 2005/667/JAI – Transport – Pollution causée par les navires – Protection de l’environnement – Sanctions pénales – Compétence communautaire – Base légale – Article 80, paragraphe 2, CE»





I – Introduction

1. Par son recours, introduit en application de l’article 35, paragraphe 6, UE, la Commission des Communautés européennes demande l’annulation de la décision‑cadre 2005/667/JAI du Conseil, du 12 juillet 2005, visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de la pollution causée par les navires (2) (ci‑après la «décision‑cadre») au motif que, en violation de l’article 47 UE, les mesures qu’elle renferme concernant le rapprochement des législations pénales des États membres auraient dû être adoptées sur le fondement du traité CE et non sur celui du titre VI du traité UE.

2. La présente affaire porte donc sur la répartition des compétences entre le premier et le troisième pilier de l’Union européenne, ainsi que sur celle entre la Communauté et les États membres dans le domaine du droit pénal – domaine généralement perçu comme relevant des prérogatives de puissance publique d’un État et de sa souveraineté – et donc d’une importance capitale en droit institutionnel.

3. Elle fait suite à l’arrêt du 13 septembre 2005, Commission/Conseil (3), par lequel vous avez annulé la décision‑cadre 2003/80/JAI du Conseil, du 27 janvier 2003, relative à la protection de l’environnement par le droit pénal (4), au motif que les mesures en cause, qui obligeaient les États membres à prévoir des sanctions pénales pour sanctionner des infractions au droit de l’environnement, auraient pu valablement être adoptées sur le fondement de l’article 175 CE.

4. Cet arrêt laisse cependant ouvertes les délicates questions sur les circonstances dans lesquelles la Communauté est compétente pour exiger des États membres de prévoir des sanctions pénales et sur l’étendue exacte de l’exercice de cette compétence.

5. Sur ces questions, la Commission et le Parlement européen, d’une part, et le Conseil de l’Union européenne et les 20 États membres intervenants en l’espèce, d’autre part, ont exprimé des vues diamétralement opposées quant aux effets de cet arrêt.

6. En deux mots, la Commission et le Parlement, qui ont également exposé leurs points de vue sur les conséquences de cet arrêt, respectivement dans une communication (5) et dans une résolution (6), l’interprètent en ce sens que le raisonnement suivi par la Cour dépasse le domaine de la protection de l’environnement et confirme que le législateur communautaire est normalement compétent pour adopter, dans le cadre du premier pilier, toute mesure en relation avec le droit pénal des États membres en vue de garantir la pleine effectivité d’une politique communautaire. Il faut ajouter que, dans la logique de cette interprétation, la Commission a déjà déposé des propositions de directives obligeant les États membres à prévoir des sanctions pénales dans leurs droits internes (7).

7. Par opposition, tous les États membres ayant présenté des observations dans le cadre de la présente procédure considèrent que les constatations de la Cour dans l’arrêt Commission/Conseil, précité, doivent faire l’objet d’une interprétation stricte, ne concernant que la seule politique de l’environnement, et que, en tout état de cause, la Communauté n’a pas compétence pour définir la nature et le niveau des sanctions pénales que les États membres doivent prévoir.

8. C’est donc dans le contexte de cette controverse qu’il vous est demandé, en l’espèce, d’éclairer votre arrêt Commission/Conseil sur la question de la délimitation exacte de la compétence de la Communauté en matière de droit pénal.

II – Cadre juridique et contexte

9. La décision‑cadre a été adoptée le 12 juillet 2005 sur le fondement du titre VI du traité de l’UE, plus spécialement des articles 31, paragraphe 1, sous a), UE et 34, paragraphe 2, sous b), UE.

10. Citant le naufrage du pétrolier Prestige, son préambule expose que la lutte contre la pollution causée par les navires, de façon intentionnelle ou par négligence grave, constitue l’une des priorités de l’Union et que, à cet effet, il convient de parvenir à un rapprochement des législations des États membres (deuxième et troisième considérants).

11. Comme le rapporte son quatrième considérant, ce rapprochement doit être réalisé par un mécanisme de «double texte» constitué, d’une part, de la décision‑cadre et, d’autre part, de la directive 2005/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la pollution causée par les navires et à l’introduction de sanctions en cas d’infractions (8) (ci‑après la «directive»), la décision‑cadre devant compléter la directive au moyen de règles détaillées dans le domaine pénal.

12. En conséquence, la décision‑cadre fait obligation aux États membres de prévoir des sanctions pénales en cas de rejets dans la mer de substances polluantes par des navires, qui doivent être considérés ‑ en application de la décision‑cadre lue ensemble avec la directive ‑ comme des infractions pénales.

13. L’article 1er de la décision‑cadre renvoie à l’article 2 de la directive pour les définitions.

14. L’article 2 de la décision‑cadre exige que chaque État membre prenne les mesures nécessaires pour qu’une infraction, au sens des articles 4 et 5 de la directive (9), soit considérée comme une infraction pénale.

15. L’article 3 dispose que le fait d’inciter à commettre une infraction ou de s’en rendre complice est en lui‑même punissable.

16. L’article 4 de la décision‑cadre oblige chaque État membre à veiller à ce que les infractions visées aux articles 2 et 3 soient passibles de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives et, en outre, fixe la nature et le niveau des sanctions. À cet égard, il fixe les échelles maximales des peines privatives de liberté pour différentes infractions.

17. L’article 5 oblige chaque État membre à prendre les mesures nécessaires pour que les personnes morales puissent être tenues pour responsables des infractions prévues par la décision‑cadre dans les conditions qu’il précise.

18. L’article 6 édicte les sanctions contre les personnes morales et en précise la nature et les plafonds.

19. L’article 7 de la décision‑cadre est relatif à la compétence juridictionnelle.

20. Les articles 8 et 9 traitent, respectivement, de la notification à la Commission et aux autres États membres d’informations relatives à la commission d’une infraction et de la désignation de points de contact.

21. Enfin, les articles 10 à 12 précisent le champ d’application territorial, la mise en œuvre et la date d’entrée en vigueur de la décision‑cadre.

22. Pour sa part, la directive, qui invoque dans son préambule la politique communautaire en matière de sécurité maritime et la protection de l’environnement, a été adoptée sur le fondement de l’article 80, paragraphe 2, CE, figurant sous le titre V relatif aux transports. L’article 80, paragraphe 2, CE dispose:

«Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, pourra décider si, dans quelle mesure et par quelle procédure des dispositions appropriées pourront être prises pour la navigation maritime et aérienne.»

23. Tant lors de l’adoption de la directive que de celle de la décision‑cadre, la Commission s’est opposée à la base légale retenue par le Conseil pour obliger les États membres à sanctionner les rejets de substances polluantes par les navires et elle a affirmé que, là aussi, l’article 80, paragraphe 2, CE constituait la base légale appropriée.

24. Par opposition, le cinquième considérant de la décision‑cadre indique que, fondée sur l’article 34 UE, elle constitue l’instrument approprié pour faire obligation aux États membres de prévoir des sanctions pénales.

III – Procédure devant la Cour

25. Par ordonnance du président de la Cour du 25 avril 2006, la République portugaise, le Royaume de Belgique, la République de Finlande, la République française, la République slovaque, la République de Malte, la République de Hongrie, le Royaume de Danemark, le Royaume de Suède, l’Irlande, la République tchèque, la République hellénique, la République d’Estonie, le Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord, la République de Lettonie, la République de Lituanie, le Royaume des Pays‑Bas, la République d’Autriche et la République de Pologne, d’une part, le Parlement, d’autre part, ont été admis à intervenir respectivement en soutien des conclusions du Conseil et de la Commission. En outre, par ordonnance du président de la Cour du 28 septembre 2006, la République de Slovénie a été admise à intervenir en soutien des conclusions du Conseil.

26. Contrairement à plusieurs des États membres intervenants, ni la Commission ni le Conseil, seules parties au litige, n’ont demandé à être entendus en audience. Par conséquent, s’estimant suffisamment informée par les nombreuses observations écrites qui lui ont été soumises, la Cour a décidé, en application de l’article 44 bis de son règlement de procédure, qu’il n’y avait pas lieu d’ouvrir de procédure orale.

IV – Principaux moyens des parties

27. La Commission conteste la légalité de la décision‑cadre au motif que les mesures de droit pénal qu’elle prévoit en ses articles 1er à 10 auraient dû être adoptées sur le fondement de l’article 80, paragraphe 2, CE sur la politique commune des transports de la Communauté et que, par conséquent, en raison de son indivisibilité, l’ensemble de la décision‑cadre méconnaît l’article 47 UE.

28. Selon la Commission, cela découle des principes dégagés par votre arrêt Commission/Conseil, précité, qui dépassent le domaine de la protection de l’environnement dont il était question et qui s’appliquent intégralement à d’autres politiques...

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