Criminal proceedings against AB and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2021:1016
Date16 December 2021
Docket NumberC-203/20
Celex Number62020CJ0203
CourtCourt of Justice (European Union)

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

16 décembre 2021 (*)

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Mandat d’arrêt européen – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Champ d’application – Article 51 – Mise en œuvre du droit de l’Union – Décision-cadre 2002/584/JAI – Compétence de la Cour – Renvoi effectué avant l’émission d’un mandat d’arrêt européen – Recevabilité – Principe ne bis in idem – Article 50 – Notions d’“acquittement” et de “condamnation” – Amnistie dans l’État membre d’émission – Décision définitive d’interruption des poursuites pénales – Révocation de l’amnistie – Annulation de la décision d’interruption des poursuites pénales – Reprise des poursuites – Nécessité d’une décision rendue à la suite d’une appréciation de la responsabilité pénale de la personne concernée – Directive 2012/13/UE – Droit à l’information dans le cadre des procédures pénales – Champ d’application – Notion de “procédure pénale” – Procédure législative pour l’adoption d’une résolution relative à la révocation d’une amnistie – Procédure juridictionnelle de contrôle de la conformité de cette résolution avec la Constitution nationale »

Dans l’affaire C‑203/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Okresný súd Bratislava III (tribunal de district de Bratislava III, Slovaquie), par décision du 11 mai 2020, parvenue à la Cour le 11 mai 2020, dans la procédure pénale contre

AB,

CD,

EF,

NO,

JL,

GH,

IJ,

LM,

PR,

ST,

UV,

WZ,

BC,

DE,

FG,

en présence de :

HI,

Krajská prokuratúra v Bratislave,

LA COUR (troisième chambre),

composée de Mme A. Prechal, présidente de la deuxième chambre, faisant fonction de président de la troisième chambre, MM. J. Passer, F. Biltgen, Mme L. S. Rossi (rapporteure) et M. N. Wahl, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : Mme M. Ferreira, administratrice principale,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 mai 2021,

considérant les observations présentées :

– pour AB, par Mes M. Mandzák, M. Para, Ľ. Hlbočan et Ľ. Kaščák, advokáti,

– pour CD, EF, NO et JL, par Mes M. Krajčí et M. Para, advokáti,

– pour IJ, par Mes M. Totkovič et M. Pohovej, advokáti,

– pour la Krajská prokuratúra v Bratislave, par MM. R. Remeta et V. Pravda, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement slovaque, par Mme B. Ricziová, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par Mme S. Grünheid et M. A. Tokár, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 17 juin 2021,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 3, TUE, de l’article 82 TFUE, des articles 47, 48 et 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte »), de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO 2002, L 190, p. 1), et de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales (JO 2012, L 142, p. 1).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre AB, CD, EF, NO, JL, GH, IJ, LM, PR, ST, UV, WZ, BC, DE et FG (ci-après les « personnes poursuivies »), à l’occasion de laquelle la juridiction de renvoi envisage l’émission d’un mandat d’arrêt européen contre l’une de ces personnes.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La décision-cadre 2002/584

3 L’article 17 de la décision-cadre 2002/584, intitulé « Délais et modalités de la décision d’exécution du mandat d’arrêt européen », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Un mandat d’arrêt européen est à traiter et exécuter d’urgence. »

La directive 2012/13

4 L’article 1er de la directive 2012/13, intitulé « Objet », prévoit :

« La présente directive définit des règles concernant le droit des suspects ou des personnes poursuivies d’être informés de leurs droits dans le cadre des procédures pénales et de l’accusation portée contre eux. Elle définit également des règles concernant le droit des personnes faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen d’être informées de leurs droits. »

5 L’article 2 de cette directive, intitulé « Champ d’application », dispose, à son paragraphe 1 :

« La présente directive s’applique dès le moment où des personnes sont informées par les autorités compétentes d’un État membre qu’elles sont soupçonnées d’avoir commis une infraction pénale ou qu’elles sont poursuivies à ce titre, et jusqu’au terme de la procédure, qui s’entend comme la détermination définitive de la question de savoir si le suspect ou la personne poursuivie a commis l’infraction pénale, y compris, le cas échéant, la condamnation et la décision rendue sur tout appel. »

Le droit slovaque

La Constitution modifiée

6 Aux termes de l’article 86 de l’Ústava Slovenskej republiky (Constitution de la République slovaque), telle que modifiée par l’ústavný zákon č. 71/2017 Z. z. (loi constitutionnelle n° 71/2017), du 30 mars 2017 (ci‑après la « Constitution modifiée ») :

« La Národná rada Slovenskej republiky (Conseil national de la République slovaque) est compétente, notamment, pour :

[...]

i) se prononcer sur l’annulation d’une décision du président [de la République slovaque] adoptée en application de l’article 102, paragraphe 1, sous j), si celle‑ci est contraire aux principes d’un État démocratique et de droit ; la résolution adoptée a une portée générale et est publiée de la même manière qu’une loi,

[...] »

7 L’article 129a de cette Constitution prévoit :

« L’Ústavný súd Slovenskej republiky [(Cour constitutionnelle de la République slovaque)] se prononce sur la constitutionnalité d’une résolution du Conseil national de la République slovaque révoquant une amnistie ou une grâce individuelle adoptée en application de l’article 86, sous i). La Cour constitutionnelle lance d’office une procédure en application de la première phrase [...] »

8 L’article 154f de ladite Constitution énonce :

« (1) Les dispositions de l’article 86, sous i), de l’article 88a et de l’article 129a s’appliquent également à l’article V et à l’article VI de la décision du président du gouvernement de la République slovaque du 3 mars 1998 décrétant une amnistie, publiée sous le numéro 55/1998, à la décision du président du gouvernement de la République slovaque du 7 juillet 1998 décrétant une amnistie, publiée sous le numéro 214/1998 ainsi qu’à la décision du président de la République slovaque du 12 décembre 1997 octroyant une grâce à un prévenu [...]

(2) La révocation des amnisties et grâces en application du paragraphe 1

a) emporte annulation des décisions des autorités publiques dans la mesure où elles ont été adoptées et motivées sur la base des amnisties et grâces mentionnées au paragraphe 1, et

b) fait disparaître les obstacles légaux aux poursuites fondés sur les amnisties et les grâces mentionnées au paragraphe 1 ; la durée de ces obstacles légaux n’est pas intégrée dans le calcul des délais de prescription relatifs aux faits visés par les amnisties et les grâces mentionnées au paragraphe 1. »

La loi sur la Cour constitutionnelle modifiée

9 L’article 48b dans la sixième section du deuxième titre de la troisième partie du zákon č. 38/1993 Z. z. o organizácii Ústavného súdu Slovenskej republiky, o konaní pred ním a o postavení jeho sudcov (loi n° 38/1993 relative à l'organisation, aux règles de procédure et au statut des juges de la Cour constitutionnelle de la République slovaque), telle que modifiée par le zákon č. 72/2017 Z. z. (loi n° 72/2017), du 30 mars 2017 (ci-après la « loi sur la Cour constitutionnelle modifiée »), prévoyait, à ses paragraphes 1 à 3 :

« (1) La Cour constitutionnelle lance d’office la procédure au fond en application de l’article 129a de la Constitution, la procédure débutant le jour de la publication au Zbierka zákonov [(Journal officiel)] de la résolution adoptée par le Conseil national de la République slovaque en application de l’article 86, sous i), de la Constitution.

(2) Seul le Conseil national de la République slovaque est partie à la procédure.

(3) L’autre partie à la procédure est le gouvernement de la République slovaque, représenté par le ministre de la Justice de la République slovaque, si la procédure porte sur une résolution ayant révoqué une amnistie, ou le président de la République slovaque, si la procédure porte sur une résolution ayant révoqué une grâce individuelle. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

10 Les personnes poursuivies ont fait l’objet de poursuites pénales en Slovaquie pour une série d’infractions qui auraient été commises au cours de l’année 1995.

11 Le 3 mars 1998, le président du gouvernement de la République slovaque, qui, en raison de l’expiration du mandat du président de la République slovaque, exerçait, à l’époque, les pouvoirs de celui-ci, a décrété une amnistie couvrant ces infractions (ci-après l’« amnistie de 1998 »).

12 Par décision du 29 juin 2001, l’Okresný súd Bratislava III (tribunal de district de Bratislava III, Slovaquie) a clôturé lesdites poursuites sur le fondement, notamment, de cette amnistie. Cette décision, devenue définitive, a produit, en droit slovaque, les mêmes effets que ceux qu’aurait entraînés un arrêt de relaxe.

13 Le 4 avril 2017 sont entrées en vigueur la loi constitutionnelle 71/2017 ainsi que la loi 72/2017.

14 Par une résolution du 5 avril 2017, le Conseil national de la République slovaque a, sur le fondement de l’article 86, sous i), de la Constitution modifiée, révoqué l’amnistie de 1998.

15 Par un arrêt du 31 mai 2017, l’Ústavný súd Slovenskej republiky (Cour constitutionnelle de la République slovaque) a, en application de l’article 129a de la Constitution modifiée, jugé que cette résolution était conforme à la Constitution.

16 Conformément à l’article 154f, paragraphe 2, de la...

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