FT v Universitatea „Lucian Blaga” Sibiu and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:810
Docket NumberC-644/19
Date08 October 2020
Celex Number62019CJ0644
CourtCourt of Justice (European Union)
62019CJ0644

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

8 octobre 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 2000/78/CE – Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail – Articles 1er, 2 et 3 – Directive 1999/70/CE – Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée – Clause 4 – Principe de non-discrimination – Mesure adoptée par un établissement universitaire en application du droit national – Maintien du statut d’enseignant titulaire au-delà de l’âge légal de la retraite – Possibilité réservée aux enseignants possédant le titre de directeur de thèse – Enseignants ne possédant pas ce titre – Contrats à durée déterminée – Rémunération inférieure à celle accordée aux enseignants titulaires »

Dans l’affaire C‑644/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Curtea de Apel Alba Iulia (cour d’appel d’Alba Iulia, Roumanie), par décision du 27 mai 2019, parvenue à la Cour le 28 août 2019, dans la procédure

FT

contre

Universitatea « Lucian Blaga » Sibiu,

GS e.a.,

HS,

Ministerul Educaţiei Naţionale,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. N. Wahl, président de chambre, M. F. Biltgen (rapporteur) et Mme L. S. Rossi, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour FT, par Me D. Târşia, avocat,

pour le gouvernement roumain, par Mmes E. Gane et A. Rotăreanu ainsi que par M. S.-A. Purza, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par M. M. van Beek et Mme C. Gheorghiu, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, de l’article 2, paragraphe 2, sous b), et de l’article 3 de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16), ainsi que de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 (ci-après l’« accord-cadre »), qui figure en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO 1999, L 175, p. 43).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant FT à l’Universitatea « Lucian Blaga » Sibiu (ci-après l’« Université »), à GS e.a., à HS ainsi qu’au Ministerul Educaţiei Naţionale (ministère de l’Éducation nationale, Roumanie), au sujet des conditions d’emploi de son poste au sein de l’Université après qu’elle eut atteint l’âge légal de départ à la retraite.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2000/78

3

Ainsi que son article 1er l’énonce, la directive 2000/78 a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement.

4

L’article 2, paragraphes 1 et 2, de cette directive prévoit :

« 1. Aux fins de la présente directive, on entend par “principe de l’égalité de traitement” l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er.

2. Aux fins du paragraphe 1 :

a)

une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er ;

b)

une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une religion ou de convictions, d’un handicap, d’un âge ou d’une orientation sexuelle donnés, par rapport à d’autres personnes, à moins que :

i)

cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires [...] »

5

Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de ladite directive :

« Dans les limites des compétences conférées à la Communauté, la présente directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne :

[...]

c)

les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération ;

[...] »

La directive 1999/70

6

Le considérant 17 de la directive 1999/70 énonce :

« en ce qui concerne les termes employés dans l’accord-cadre, sans y être définis de manière spécifique, cette directive laisse aux États membres le soin de définir ces termes en conformité avec le droit et/ou les pratiques nationales, comme il en est pour d’autres directives adoptées en matière sociale qui emploient des termes semblables, à condition que lesdites définitions respectent le contenu de l’accord-cadre ».

L’accord-cadre

7

La clause 3 de l’accord-cadre est ainsi libellée :

« Aux termes du présent accord, on entend par :

1.

“travailleur à durée déterminée”, une personne ayant un contrat ou une relation de travail à durée déterminée conclu directement entre l’employeur et le travailleur où la fin du contrat ou de la relation de travail est déterminée par des conditions objectives telles que l’atteinte d’une date précise, l’achèvement d’une tâche déterminée ou la survenance d’un événement déterminé ;

2.

“travailleur à durée indéterminée comparable”, un travailleur ayant un contrat ou une relation de travail à durée indéterminée dans le même établissement, et ayant un travail/emploi identique ou similaire, en tenant compte des qualifications/compétences. Lorsqu’il n’existe aucun travailleur à durée indéterminée comparable dans le même établissement, la comparaison s’effectue par référence à la convention collective applicable ou, en l’absence de convention collective applicable, conformément à la législation, aux conventions collectives ou aux pratiques nationales. »

8

La clause 4 de l’accord-cadre, intitulée « Principe de non-discrimination », prévoit, à son point 1 :

« Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives. »

Le droit roumain

9

L’article 118, paragraphes 1 et 2, de la legea no 1/2011 a educației naționale (loi no 1/2011 sur l’éducation nationale), du 5 janvier 2011 (Monitorul Oficial, partie I, no 18 du 10 janvier 2011), dans sa version applicable à l’époque des faits au principal (ci-après la « loi no 1/2011 »), énonce :

« 1. Le système national d’enseignement supérieur se fonde sur les principes suivants :

a)

le principe d’autonomie universitaire ;

[...]

2. Dans l’enseignement supérieur, ne sont pas admises les discriminations fondées sur l’âge, l’ethnie, le genre, l’origine sociale, l’orientation politique ou religieuse, l’orientation sexuelle ou autre type de discrimination à l’exception des mesures affirmatives prévues par la loi. »

10

Aux termes de l’article 123, paragraphe 2, de la loi no 1/2011 :

« L’autonomie universitaire confère à la communauté universitaire le droit d’établir sa propre mission, la stratégie institutionnelle, la structure, les activités, ses propres organisation et fonctionnement, la gestion des ressources matérielles et humaines, dans le strict respect de la législation en vigueur. »

11

L’article 289 de la loi no 1/2011 dispose :

« 1. Le personnel enseignant et les chercheurs sont mis à la retraite à l’âge de 65 ans.

[...]

3. Les sénats des universités étatiques, particulières et confessionnelles, peuvent, sur la base de critères de performance professionnelle et de la situation financière, décider qu’un cadre enseignant ou un chercheur puisse poursuive son activité après la retraite, sur la base d’un contrat à durée déterminée d’un an, avec possibilité de le prolonger annuellement conformément à la charte universitaire, sans limite d’âge. Le sénat de l’université peut décider de conférer le titre honorifique de professeur émérite, pour l’excellence didactique et de recherche, aux cadres enseignants qui ont atteint l’âge de la retraite. Les cadres enseignants retraités peuvent être payés selon le régime du paiement à l’heure.

[...]

6. Par dérogation aux dispositions du paragraphe 1, si les établissements d’enseignement supérieur ne peuvent pas couvrir les heures d’enseignement avec des titulaires, ils peuvent décider du maintien du statut de titulaire dans le domaine de l’enseignement et/ou la recherche, avec tous les droits et les obligations qui en découlent, sur la base de l’évaluation annuelle des performances académiques, au regard d’une méthodologie établie par le sénat de l’université.

7. Le réemploi du personnel enseignant retraité à un poste de personnel enseignant est opéré annuellement, avec maintien des droits et des obligations qui découlent de l’activité d’enseignement réalisée avant la retraite, sur approbation du sénat de l’université, conformément à la méthodologie prévue au paragraphe 6, à condition de suspendre le versement de la...

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