European Commission v Kingdom of Belgium.
Jurisdiction | European Union |
Date | 27 February 2020 |
Court | Court of Justice (European Union) |
ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
27 février 2020 (*)
« Manquement d’État – Article 49 TFUE – Services dans le marché intérieur – Directive 2006/123/CE – Article 25, paragraphes 1 et 2 – Restrictions aux activités pluridisciplinaires des comptables »
Dans l’affaire C‑384/18,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 8 juin 2018,
Commission européenne, représentée par Mme H. Tserepa-Lacombe et M. L. Malferrari, en qualité d’agents,
partie requérante,
contre
Royaume de Belgique, représenté par Mmes L. Van den Broeck, M. Jacobs et C. Pochet, en qualité d’agents, assistées de Mes C. Smits et D. Grisay, avocats, de Mme M. Vossen ainsi que de MM. G. Lievens et F. Haemers,
partie défenderesse,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. M. Vilaras, président de chambre, MM. S. Rodin (rapporteur), D. Šváby, Mme K. Jürimäe et M. N. Piçarra, juges,
avocat général : M. M. Szpunar,
greffier : Mme V. Giacobbo-Peyronnel, administratrice,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 mai 2019,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 octobre 2019,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en interdisant l’exercice conjoint de l’activité de comptable avec celles de courtier, d’agent d’assurances, d’agent immobilier ou toute activité bancaire ou de services financiers, et en permettant aux chambres de l’Institut professionnel des comptables et fiscalistes agréés (ci-après l’« IPCF ») d’interdire l’exercice conjoint de l’activité de comptable avec toute activité artisanale, agricole et commerciale, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 25 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (JO 2006, L 376, p. 36), ainsi que de l’article 49 TFUE.
I. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
2 Les considérants 97 et 101 de la directive 2006/123 énoncent :
« (97) Il y a lieu de prévoir dans la présente directive des règles garantissant un niveau de qualité élevé pour les services et notamment des exigences en matière d’information et de transparence. Ces règles devraient s’appliquer tant à la fourniture de services transfrontaliers entre États membres qu’aux services fournis dans un État membre par un prestataire établi sur son territoire, sans imposer de contraintes non nécessaires aux PME. Elles ne devraient en aucune manière empêcher les États membres d’appliquer, dans le respect de la présente directive et des autres dispositions du droit communautaire, d’autres exigences ou des exigences supplémentaires en matière de qualité.
[...]
(101) Il est nécessaire et dans l’intérêt des destinataires, en particulier des consommateurs, de veiller à ce qu’il soit possible aux prestataires d’offrir des services pluridisciplinaires et à ce que les restrictions à cet égard soient limitées à ce qui est nécessaire pour assurer l’impartialité, l’indépendance et l’intégrité des professions réglementées. Ceci ne porte pas atteinte aux restrictions ou interdictions de mener des activités spécifiques qui visent à assurer l’indépendance dans les cas où un État membre charge un prestataire d’une tâche particulière, notamment dans le domaine du développement urbain ; ceci ne devrait pas non plus affecter l’application des règles de concurrence. »
3 L’article 25 de cette directive, intitulé « Activités pluridisciplinaires », est ainsi libellé :
« 1. Les États membres veillent à ce que les prestataires ne soient pas soumis à des exigences qui les obligent à exercer exclusivement une activité spécifique ou qui limitent l’exercice conjoint ou en partenariat d’activités différentes.
Toutefois, les prestataires suivants peuvent être soumis à de telles exigences :
a) les professions réglementées, dans la mesure où cela est justifié pour garantir le respect de règles de déontologie différentes en raison de la spécificité de chaque profession, et nécessaire pour garantir l’indépendance et l’impartialité de ces professions ;
b) les prestataires qui fournissent des services de certification, d’accréditation, de contrôle technique, de tests ou d’essais, dans la mesure où ces exigences sont justifiées pour garantir leur indépendance et leur impartialité.
2. Lorsque des activités pluridisciplinaires entre les prestataires visés au paragraphe 1, points a) et b), sont autorisées, les États membres veillent à :
a) prévenir les conflits d’intérêts et les incompatibilités entre certaines activités ;
b) assurer l’indépendance et l’impartialité qu’exigent certaines activités ;
c) assurer que les règles de déontologie des différentes activités sont compatibles entre elles, en particulier en matière de secret professionnel.
3. Dans le rapport prévu à l’article 39, paragraphe 1, les États membres indiquent les prestataires soumis aux exigences visées au paragraphe 1 du présent article, le contenu de ces exigences et les raisons pour lesquelles ils estiment qu’elles sont justifiées. »
4 Aux termes du considérant 10 de la directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 2015, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission (JO 2015, L 141, p. 73) :
« Des services directement comparables devraient être traités de la même manière lorsqu’ils sont fournis par l’une des professions relevant de la présente directive. Afin de garantir le respect des droits consacrés par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après dénommée “charte”), les auditeurs, les experts-comptables externes et les conseillers fiscaux, qui, dans certains États membres, ont le droit de défendre ou de représenter un client dans une procédure judiciaire ou d’évaluer la situation juridique d’un client, ne devraient pas être soumis aux obligations de déclaration définies dans la présente directive pour les informations obtenues dans l’exercice de telles fonctions. »
B. Le droit belge
5 L’article 21 du code de déontologie de l’IPCF, dans sa version approuvée par l’arrêté royal du 22 octobre 2013 (Moniteur belge du 21 novembre 2013, p. 86547, ci-après l’« ancien code de déontologie IPCF »), était ainsi libellé :
« § 1er. La profession de comptable IPCF externe est incompatible avec toute activité artisanale, agricole ou commerciale, qu’elle soit exercée directement ou indirectement, individuellement ou en association ou en société, comme indépendant, en tant que gérant, administrateur, dirigeant d’entreprise ou associé actif.
§ 2. Hormis pour les activités mentionnées au § 3, les [Chambres professionnelles de l’IPCF] peuvent, sur demande préalable et écrite d’un comptable IPCF externe, déroger à cette règle pour autant que l’indépendance et l’impartialité du membre ne soient pas mises en péril et que cette activité soit accessoire. Cette décision est toujours révocable par les chambres.
Le Conseil peut en outre toujours prévoir des dérogations via une directive générale pour certaines activités du secteur artisanal, agricole ou commercial, autres que celles mentionnées au § 3. Le Conseil peut également déterminer des directives en vertu desquelles les incompatibilités ne sont temporairement pas d’application en cas de succession. Le comptable IPCF externe, qui tombe sous le couvert des directives fixées par le Conseil, doit en informer la Chambre par écrit.
§ 3. Les activités professionnelles suivantes sont quant à elles toujours considérées comme mettant en péril l’indépendance et l’impartialité du comptable externe : celles de courtier ou d’agent d’assurances, celles d’agent immobilier sauf l’activité de syndic et toutes les activités bancaires et les activités de services financiers pour lesquelles l’inscription auprès de l’Autorité des Services et Marchés Financiers (FSMA) est requise. »
6 L’article 21 du code de déontologie de l’IPCF, dans sa version adoptée par l’arrêté royal du 18 juillet 2017 (Moniteur belge du 14 août 2017, p. 79692, ci-après le « nouveau code de déontologie IPCF »), prévoit :
« § 1er. Sous réserve des activités visées au paragraphe 2, l’exercice d’activités pluridisciplinaires, en tant que personne physique ou en tant que personne morale, est autorisé par les Chambres, sur demande écrite d’un comptable IPCF externe, pour autant que l’indépendance et l’impartialité du membre ne soient pas mises en péril.
§ 2. Les activités professionnelles suivantes, qu’elles soient exercées en tant que personne physique ou en tant que personne morale, sont toujours considérées comme mettant en péril l’indépendance et l’impartialité du comptable IPCF externe : celle de courtier ou d’agent d’assurances, celle d’agent immobilier, sauf l’activité de syndic, ainsi que toutes les activités bancaires et toutes les activités de services financiers pour lesquelles l’inscription auprès de l’Autorité des Services et Marchés Financiers est requise. »
7 L’article 458 du code pénal du 8 juin 1867 (Moniteur belge du 9 juin 1867, p. 3133), dans sa version en vigueur à l’époque des faits (ci-après le « code pénal belge »), prévoit :
« Les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu’on leur confie, qui, hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice (ou devant une commission d’enquête parlementaire) et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punis d’un emprisonnement de huit jours à six mois et d’une amende de cent euros à cinq cents euros. »
II. La procédure précontentieuse
8 Le 17 mars 2015, la Commission a ouvert la procédure EU Pilot...
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