Deutsche Lufthansa AG v Flughafen Frankfurt-Hahn GmbH.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date21 November 2013
62012CJ0284

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

21 novembre 2013 ( *1 )

«Aides d’État — Articles 107 TFUE et 108 TFUE — Avantages octroyés par une entreprise publique exploitant un aéroport à une compagnie aérienne à bas prix — Décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen de cette mesure — Obligation des juridictions des États membres de se conformer à l’appréciation de la Commission opérée dans cette décision concernant l’existence d’une aide»

Dans l’affaire C‑284/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Oberlandesgericht Koblenz (Allemagne), par décision du 30 mai 2012, parvenue à la Cour le 7 juin 2012, dans la procédure

Deutsche Lufthansa AG

contre

Flughafen Frankfurt-Hahn GmbH,

en présence de:

Ryanair Ltd,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. J. L. da Cruz Vilaça, G. Arestis, J.‑C. Bonichot et A. Arabadjiev (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 avril 2013,

considérant les observations présentées:

pour Deutsche Lufthansa AG, par Me A. Martin-Ehlers, Rechtsanwalt,

pour Flughafen Frankfurt-Hahn GmbH, par Me T. Müller-Heidelberg, Rechtsanwalt,

pour Ryanair Ltd, par Me G. Berrisch, Rechtsanwalt,

pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze et Mme K. Petersen, en qualité d’agents,

pour le gouvernement belge, par MM. T. Materne et J.‑C. Halleux, en qualité d’agents, assistés de Me A. Lepièce, avocate,

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. Noort et C. Wissels, en qualité d’agents,

pour le gouvernement polonais, par MM. B. Majczyna et M. Szpunar, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. V. Di Bucci et T. Maxian Rusche, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 27 juin 2013,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 107 TFUE et 108 TFUE.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Deutsche Lufthansa AG (ci-après «Lufthansa») à Flughafen Frankfurt-Hahn GmbH (ci-après «FFH»), exploitant de l’aéroport de Francfort-Hahn (Allemagne), au sujet de la cessation et de la récupération des aides d’État que FFH aurait octroyées à Ryanair Ltd (ci-après «Ryanair»).

Le cadre juridique

3

L’article 3 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO L 83, p. 1), intitulé «Clause de suspension», est libellé comme suit:

«Toute aide devant être notifiée en vertu de l’article 2, paragraphe 1, n’est mise à exécution que si la Commission a pris, ou est réputée avoir pris, une décision l’autorisant.»

4

L’article 4 de ce règlement, intitulé «Examen préliminaire de la notification et décisions de la Commission», prévoit à ses paragraphes 2 à 4:

«2. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée ne constitue pas une aide, elle le fait savoir par voie de décision.

3. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée, pour autant qu’elle entre dans le champ de l’article [107, paragraphe 1, TFUE], ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide que cette mesure est compatible avec le marché commun [...]

4. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide d’ouvrir la procédure prévue à l’article [108, paragraphe 2, TFUE] (ci-après dénommée ‘décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen’).»

5

L’article 6 dudit règlement, intitulé «Procédure formelle d’examen», énonce à son paragraphe 1:

«La décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen récapitule les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une évaluation préliminaire, par la Commission, de la mesure proposée visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide, et expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun. La décision invite l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois. [...]»

6

L’article 7 du même règlement, intitulé «Décisions de la Commission de clore la procédure formelle d’examen», dispose:

«1. Sans préjudice de l’article 8, la procédure formelle d’examen est clôturée par voie de décision conformément aux paragraphes 2 à 5 du présent article.

2. Lorsque la Commission constate que la mesure notifiée, le cas échéant après modification par l’État membre concerné, ne constitue pas une aide, elle le fait savoir par voie de décision.

3. Lorsque la Commission constate, le cas échéant après modification par l’État membre concerné, que les doutes concernant la compatibilité de la mesure notifiée avec le marché commun sont levés, elle décide que l’aide est compatible avec le marché commun [...]

4. La Commission peut assortir sa décision positive de conditions [...] et d’obligations [...]

5. Lorsque la Commission constate que l’aide notifiée est incompatible avec le marché commun, elle décide que ladite aide ne peut être mise à exécution [...]

6. Les décisions prises en application des paragraphes 2, 3, 4 et 5 doivent l’être dès que les doutes visés à l’article 4, paragraphe 4, sont levés. La Commission s’efforce autant que possible d’adopter une décision dans un délai de dix-huit mois à compter de l’ouverture de la procédure. [...]

[...]»

7

L’article 11 du règlement no 659/1999, intitulé «Injonction de suspendre ou de récupérer provisoirement l’aide», prévoit:

«1. La Commission peut, après avoir donné à l’État membre concerné la possibilité de présenter ses observations, arrêter une décision enjoignant à l’État membre de suspendre le versement de toute aide illégale, jusqu’à ce qu’elle statue sur la compatibilité de cette aide avec le marché commun [...]

2. La Commission peut, après avoir donné à l’État membre concerné la possibilité de présenter ses observations, arrêter une décision enjoignant à l’État membre de récupérer provisoirement toute aide versée illégalement, jusqu’à ce qu’elle statue sur la compatibilité de cette aide avec le marché commun [...]

[...]»

8

L’article 12 de ce règlement, intitulé «Non-respect d’une injonction», dispose:

«Dans le cas où l’État membre omet de se conformer à une injonction de suspension ou de récupération, la Commission est habilitée, tout en examinant le fond de l’affaire sur la base des informations disponibles, à saisir directement la [Cour] afin qu’elle déclare que ce non-respect constitue une violation du traité.»

9

Aux termes de l’article 13 dudit règlement, intitulé «Décisions de la Commission»:

«1. L’examen d’une éventuelle aide illégale débouche sur l’adoption d’une décision au titre de l’article 4, paragraphes 2, 3 ou 4. Dans le cas d’une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, la procédure est clôturée par voie de décision au titre de l’article 7 [...]

2. Dans le cas d’une éventuelle aide illégale et sans préjudice de l’article 11, paragraphe 2, la Commission n’est pas liée par le délai fixé à l’article 4, paragraphe 5, à l’article 7, paragraphe 6, et à l’article 7, paragraphe 7.

[...]»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

10

FFH, exploitant de l’aéroport civil de Francfort-Hahn, était détenue, jusqu’au mois de janvier 2009, à 65 % par Fraport AG, à 17,5 % par le Land de Rhénanie-Palatinat et à 17,5 % par le Land de Hesse. Fraport AG est une société anonyme cotée en bourse et détenue majoritairement par la République fédérale d’Allemagne, le Land de Hesse et la ville de Francfort-sur-le-Main.

11

FFH a généré des pertes annuelles de plusieurs millions d’euros depuis le début de son activité. Au 31 décembre 2011, ces pertes étaient d’un montant d’environ 197 millions d’euros. Celles-ci étaient prises en charge, jusqu’en 2009, par Fraport AG sur la base d’un accord de transfert des résultats. Le 1er janvier 2009, Fraport AG a cependant vendu ses parts au Land de Rhénanie-Palatinat au prix symbolique d’un euro. Ce transfert aurait été motivé par l’impossibilité d’introduire une taxe sur les passagers aux fins de diminuer les pertes générées par l’aéroport de Francfort-Hahn, en raison de l’intention de Ryanair de quitter l’aéroport si une telle taxe avait été introduite.

12

Ryanair est une compagnie aérienne à bas coûts qui représente plus de 95 % du trafic de passagers de l’aéroport de Francfort-Hahn. Selon le barème des redevances de cet aéroport de 2001, les compagnies aériennes l’utilisant devaient payer une redevance de 4,35 euros par passager partant. Cependant, aucune redevance de décollage, d’approche, d’atterrissage ou d’utilisation de l’infrastructure de l’aéroport n’a été facturée à Ryanair, puisque cette dernière a utilisé exclusivement des avions qui, conformément audit barème, lui donnaient droit à exemption, à savoir des avions dont le poids au décollage est compris entre 5,7 et 90 tonnes.

13

Le barème des redevances de l’aéroport de Francfort-Hahn de 2006 repose sur une grille établie en fonction du nombre de passagers transportés par an par une compagnie aérienne à partir de cet aéroport, la fourchette étant comprise entre 5,35 euros pour un nombre inférieur à 100 000 passagers par an et 2,24 euros à partir de 3 millions de passagers. Ce barème subordonne, en...

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