Arkady Romanovich Rotenberg v Council of the European Union.

JurisdictionEuropean Union
Date30 November 2016
CourtGeneral Court (European Union)
62014TJ0720

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

30 novembre 2016 ( *1 )

«Politique étrangère et de sécurité commune — Mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’Ukraine — Gel des fonds — Restrictions en matière d’admission aux territoires des États membres — Personne physique soutenant activement ou mettant en œuvre des actions compromettant ou menaçant l’Ukraine — Personne physique tirant avantage des décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée — Droits de la défense — Obligation de motivation — Erreurs manifestes d’appréciation — Droit de propriété — Liberté d’entreprise — Droit au respect de la vie privée — Proportionnalité»

Dans l’affaire T‑720/14,

Arkady Romanovich Rotenberg, demeurant à Saint-Petersbourg (Russie), représenté initialement par M. D. Pannick, QC, Mme M. Lester, barrister, et M. M. O’Kane, solicitor, puis par M. Pannick, Mme Lester, M. S. Hey, Mmes H. Brunskill, solicitors, et Z. Al-Rikabi, barrister, et enfin par M. Pannick, Mmes Lester et Al-Rikabi,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. J.-P. Hix et B. Driessen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle, d’une part, de la décision 2014/145/PESC du Conseil, du 17 mars 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 16), telle que modifiée, premièrement, par la décision 2014/508/PESC du Conseil, du 30 juillet 2014 (JO 2014, L 226, p. 23), deuxièmement, par la décision (PESC) 2015/432 du Conseil, du 13 mars 2015 (JO 2015, L 70, p. 47), troisièmement, par la décision (PESC) 2015/1524 du Conseil, du 14 septembre 2015 (JO 2015, L 239, p. 157), et, quatrièmement, par la décision (PESC) 2016/359 du Conseil, du 10 mars 2016 (JO 2016, L 67, p. 37), et, d’autre part, du règlement (UE) no 269/2014 du Conseil, du 17 mars 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 6), tel que mis en œuvre, premièrement, par le règlement d’exécution (UE) no 826/2014 du Conseil, du 30 juillet 2014 (JO 2014, L 226, p. 16), deuxièmement, par le règlement d’exécution (UE) 2015/427 du Conseil, du 13 mars 2015 (JO 2015, L 70, p. 1), troisièmement, par le règlement d’exécution (UE) 2015/1514 du Conseil, du 14 septembre 2015 (JO 2015, L 239, p. 30), et, quatrièmement, par le règlement d’exécution (UE) 2016/353 du Conseil, du 10 mars 2016 (JO 2016, L 67, p. 1), en ce que ces actes concernent le requérant,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de M. G. Berardis (rapporteur), président, Mme V. Tomljenović et M. D. Spielmann, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 29 juin 2016,

rend le présent

Arrêt

Faits à l’origine du litige

1

Le 17 mars 2014, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 16).

2

À la même date, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 6).

3

Par la suite, le Conseil a adopté, le 25 juillet 2014, la décision 2014/499/PESC modifiant la décision 2014/145 (JO 2014, L 221, p. 15), et le règlement (UE) no 811/2014 modifiant le règlement no 269/2014 (JO 2014, L 221, p. 11), afin notamment d’amender les critères en application desquels des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes pouvaient être visés par les mesures restrictives en cause.

4

L’article 2, paragraphes 1 et 2, de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2014/499 (ci-après la « décision 2014/145 modifiée »), se lit comme suit :

« 1. Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant :

a)

à des personnes physiques qui sont responsables d’actions ou de politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, ou la stabilité ou la sécurité en Ukraine, ou qui font obstruction à l’action d’organisations internationales en Ukraine, à des personnes physiques qui soutiennent activement ou mettent en œuvre de telles actions ou politiques, et à des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes qui leur sont associés ;

b)

à des personnes morales, des entités ou des organismes qui soutiennent matériellement ou financièrement des actions qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine ;

c)

à des personnes morales, des entités ou des organismes de Crimée ou de Sébastopol dont la propriété a été transférée en violation du droit ukrainien, ou à des personnes morales, entités ou organismes qui ont bénéficié d’un tel transfert ; ou

d)

à des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes qui apportent un soutien matériel ou financier actif aux décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée ou de la déstabilisation de l’est de l’Ukraine, ou qui tirent avantage de ces décideurs,

de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent, dont la liste figure en annexe.

2. Aucun fond ni aucune ressource économique n’est, directement ou indirectement, mis à la disposition des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes dont la liste figure à l’annexe, ou mis à leur profit. »

5

Les modalités de ce gel de fonds sont définies aux paragraphes suivants du même article.

6

L’article 1er, paragraphe 1, sous a) et b), de la décision 2014/145 modifiée proscrit l’entrée ou le passage en transit sur le territoire des États membres des personnes physiques répondant à des critères en substance identiques à ceux énoncés à l’article 2, paragraphe 1, sous a) et d), de cette même décision.

7

Le règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement no 811/2014 (ci-après le « règlement no 269/2014 modifié »), impose l’adoption des mesures de gel de fonds et définit les modalités de ce gel en des termes identiques, en substance, à ceux de la décision 2014/145 modifiée. En effet, l’article 3, paragraphe 1, sous a) à d), de ce règlement reprend pour l’essentiel l’article 2, paragraphe 1, sous a) à d), de ladite décision.

8

Le 30 juillet 2014, au vu de la gravité de la situation en Ukraine, le Conseil a adopté, d’une part, la décision 2014/508/PESC modifiant la décision 2014/145 (JO 2014, L 226, p. 23), et, d’autre part, le règlement d’exécution (UE) no 826/2014 mettant en œuvre le règlement no 269/2014 (JO 2014, L 226, p. 16) (ci-après les « actes de juillet 2014 »).

9

Par ces deux actes, le nom du requérant, M. Arkady Romanovich Rotenberg, a été ajouté, respectivement, à la liste annexée à la décision 2014/145 modifiée et à celle figurant à l’annexe I du règlement no 269/2014 modifié (ci-après les « listes en cause »), aux motifs suivants (ci-après la « première motivation ») :

« M. Rotenberg est une connaissance de longue date du président Poutine et son ancien sparring-partner en judo.

Il a développé sa fortune sous la présidence de M. Poutine. Il a été favorisé par des décideurs russes dans l’octroi d’importants contrats par l’État russe ou des entreprises publiques. Ses sociétés se sont vu attribuer notamment plusieurs contrats très lucratifs pour les préparatifs des Jeux Olympiques de Sotchi.

Il s’agit d’un actionnaire important de Giprotransmost, société qui s’est vu attribuer par une entreprise publique russe un marché public portant sur la réalisation de l’étude de faisabilité relative à la construction d’un pont entre la Russie et la République autonome de Crimée annexée illégalement, consolidant ainsi son intégration dans la Fédération de Russie, ce qui compromet davantage la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine. »

10

Le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne du 31 juillet 2014 un avis à l’attention des personnes et entités faisant l’objet des actes de juillet 2014.

11

Cet avis indiquait, notamment, que les personnes et entités concernées pouvaient adresser au Conseil une demande de réexamen de la décision par laquelle leurs noms avaient été inscrits sur les listes annexées aux actes de juillet 2014, en y joignant des pièces justificatives.

12

Par lettres datées des 4, 17 septembre et 2 octobre 2014, le requérant a introduit auprès du Conseil une demande d’accès aux informations et aux documents justifiant l’inscription de son nom sur les listes en cause et une demande de réexamen de cette inscription (ci-après la « demande de réexamen »).

13

Par lettre du 16 octobre 2014, le Conseil a répondu aux demandes du requérant visées au point 12 ci-dessus. Il a notamment indiqué que la demande de réexamen était en cours de traitement et que le requérant pouvait avoir accès à certains documents, qui se trouvaient joints à ladite lettre.

14

Par lettre du 19 décembre 2014, le Conseil a rejeté la demande de réexamen, a permis au requérant d’avoir accès à d’autres documents et lui a notifié le nouveau projet de...

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