Commission of the European Communities v Federal Republic of Germany.

JurisdictionEuropean Union
Date18 July 2007
CourtCourt of Justice (European Union)

Affaire C-490/04

Commission des Communautés européennes

contre

République fédérale d'Allemagne

«Recours en manquement — Recevabilité — Article 49 CE — Libre prestation des services — Détachement de travailleurs — Restrictions — Cotisation à la caisse nationale de congés payés — Traduction de documents — Déclaration concernant le lieu d'affectation des travailleurs détachés»

Sommaire de l'arrêt

1. Recours en manquement — Procédure précontentieuse — Objet

(Art. 226 CE)

2. Recours en manquement — Droit d'action de la Commission — Délai d'exercice

(Art. 226 CE)

3. Recours en manquement — Preuve du manquement — Charge incombant à la Commission

(Art. 226 CE)

4. Libre prestation des services — Restrictions — Détachement de travailleurs

(Art. 49 CE)

5. Libre prestation des services — Restrictions — Détachement de travailleurs

(Art. 49 CE)

1. L'objectif de la procédure précontentieuse prévue à l'article 226 CE est de donner à l'État membre concerné l'occasion de se conformer à ses obligations découlant du droit communautaire ou de faire utilement valoir ses moyens de défense à l'encontre des griefs formulés par la Commission.

(cf. point 25)

2. Les règles énoncées à l'article 226 CE doivent trouver application sans que la Commission soit tenue au respect d'un délai déterminé, sous réserve des hypothèses dans lesquelles une durée excessive de la procédure précontentieuse prévue par cette disposition est susceptible d'augmenter, pour l'État mis en cause, la difficulté de réfuter les arguments de la Commission et de violer ainsi les droits de la défense. Il appartient à l'État membre intéressé d'apporter la preuve d'une telle incidence.

(cf. point 26)

3. Dans le cadre d'une procédure en manquement engagée en vertu de l'article 226 CE, il incombe à la Commission d'établir l'existence du manquement allégué. C'est elle qui doit apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par cette dernière de l'existence de ce manquement, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque.

En outre, la portée des dispositions législatives, réglementaires ou administratives nationales doit s'apprécier compte tenu de l'interprétation qu'en donnent les juridictions nationales.

(cf. points 48-49)

4. Ne manque pas aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 49 CE un État membre imposant aux employeurs étrangers occupant des travailleurs sur le territoire national de traduire dans la langue de cet État membre certains documents devant être conservés sur le lieu de travail pendant toute la durée de l'occupation effective des travailleurs détachés.

L'obligation ainsi imposée constitue certes une restriction à la libre prestation des services en ce qu'elle entraîne des frais ainsi que des charges administratives et financières supplémentaires pour les entreprises établies dans un autre État membre, de sorte que ces dernières ne se trouvent pas sur un pied d'égalité, du point de vue de la concurrence, avec les employeurs établis dans l'État membre d'accueil et qu'elles peuvent ainsi être dissuadées de fournir des prestations dans cet État membre.

Cette obligation peut toutefois être justifiée par un objectif d'intérêt général lié à la protection sociale des travailleurs dès lors qu'elle permet aux autorités compétentes de l'État membre d'accueil d'accomplir les contrôles nécessaires pour garantir le respect des dispositions nationales en la matière. Dans la mesure où elle n'impose la traduction que de quelques documents seulement et n'entraîne pas une charge administrative ou financière lourde pour l'employeur, elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif de protection sociale poursuivi.

(cf. points 66, 68-72, 76)

5. Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 49 CE un État membre imposant aux entreprises de travail temporaire étrangères de déclarer non seulement la mise à disposition d'un travailleur au profit d'une entreprise utilisatrice dans l'État membre concerné, mais aussi le lieu d'affectation de ce travailleur ainsi que toute modification relative à ce lieu, tandis que les entreprises du même type établies dans cet État membre ne sont pas soumises à cette obligation supplémentaire.

(cf. points 85, 89 et disp.)








ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

18 juillet 2007 (*)

«Recours en manquement – Recevabilité – Article 49 CE – Libre prestation des services – Détachement de travailleurs – Restrictions – Cotisation à la caisse nationale de congés payés – Traduction de documents – Déclaration concernant le lieu d’affectation des travailleurs détachés»

Dans l’affaire C‑490/04,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 29 novembre 2004,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. E. Traversa, G. Braun et H. Kreppel, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. W.-D. Plessing, M. Lumma et Mme C. Schulze-Bahr, en qualité d’agents, assistés de Me T. Lübbig, Rechtsanwalt,

partie défenderesse,

soutenue par:

République française, représentée par M. G. de Bergues et Mme O. Christmann, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LA COUR (première chambre),

composée de MM. P. Jann, président de chambre, R. Schintgen, A. Tizzano (rapporteur), M. Ilešič et E. Levits, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 novembre 2006,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 décembre 2006,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en édictant une réglementation en vertu de laquelle:

– les entreprises étrangères sont tenues de cotiser à la caisse de congés allemande même si les travailleurs bénéficient pour l’essentiel d’une protection comparable conformément à la législation de l’État d’établissement de leur employeur [article 1er, paragraphe 3, de la loi sur le détachement des travailleurs (Arbeitnehmer-Entsendegesetz), du 26 février 1996 (BGBl. 1996 I, p. 227, ci-après l’«AEntG»)];

– les entreprises étrangères sont tenues de faire traduire en allemand le contrat de travail ou les documents nécessaires conformément au droit du pays d’origine du travailleur dans le cadre de la directive 91/533/CEE du Conseil, du 14 octobre 1991, relative à l’obligation de l’employeur d’informer le travailleur des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail (JO L 288, p. 32), les fiches de paie, les documents qui prouvent l’horaire de travail et le paiement des salaires ainsi que tout autre document exigé par les autorités allemandes (article 2 de l’AEntG);

– les entreprises étrangères de travail temporaire sont tenues de déclarer non seulement chaque mise à disposition d’un travailleur au profit d’une entreprise utilisatrice en Allemagne, mais aussi chaque emploi qui lui a été confié par cette dernière sur un chantier (article 3, paragraphe 2, de l’AEntG),

la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 49 CE.

Le cadre juridique

Le droit communautaire

Le traité CE

2 L’article 49 CE dispose:

«Dans le cadre des dispositions visées ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de la Communauté sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation.

[...]»

La directive 96/71/CE

3 En vertu de son article 1er, paragraphe 1, la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1996, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services (JO L 18, p. 1), «s’applique aux entreprises établies dans un État membre qui, dans le cadre d’une prestation de services transnationale, détachent des travailleurs [...] sur le territoire d’un État membre».

4 Aux termes de l’article 3 de cette directive, intitulé «Conditions de travail et d’emploi»:

«1. Les États membres veillent à ce que, quelle que soit la loi applicable à la relation de travail, les entreprises visées à l’article 1er paragraphe 1 garantissent aux travailleurs détachés sur leur territoire les conditions de travail et d’emploi concernant les matières visées ci-après qui, dans l’État membre sur le territoire duquel le travail est exécuté, sont fixées:

– par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives

et/ou

– par des conventions collectives ou sentences arbitrales déclarées d’application générale au sens du paragraphe 8, dans la mesure où elles concernent les activités visées en annexe:

[...]

b) la durée minimale des congés annuels payés;

[...]

d) les conditions de mise à disposition des travailleurs, notamment par des entreprises de travail intérimaire;

[...]

[...]»

5 L’article 4 de ladite directive, intitulé «Coopération en matière d’information», dispose:

«1. Aux fins de la mise en œuvre de la présente directive, les États membres, conformément aux législations et/ou pratiques nationales, désignent un ou plusieurs bureaux de liaison ou une ou plusieurs instances nationales compétentes.

2. Les États membres prévoient une coopération entre les administrations publiques qui, conformément à la législation nationale, sont compétentes pour la surveillance des conditions de travail et d’emploi visées à l’article 3. Cette coopération consiste en particulier à répondre aux demandes d’informations motivées de ces administrations publiques relatives à la mise à disposition transnationale de travailleurs, y compris en ce qui concerne des abus manifestes ou des cas d’activités transnationales présumées illégales.

[...]»

Le droit national

6 À la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé notifié à la République fédérale...

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