L'Oréal SA, Lancôme parfums et beauté & Cie SNC and Laboratoire Garnier & Cie v Bellure NV, Malaika Investments Ltd and Starion International Ltd.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date18 June 2009

Affaire C-487/07

L'Oréal SA e.a.

contre

Bellure NV e.a.

(demande de décision préjudicielle, introduite par la Court of Appeal

(England & Wales) (Civil Division))

«Directive 89/104/CEE — Marques — Article 5, paragraphes 1 et 2 — Usage dans une publicité comparative — Droit de faire interdire cet usage — Profit indûment tiré de la renommée — Atteinte aux fonctions de la marque — Directive 84/450/CEE — Publicité comparative — Article 3 bis, paragraphe 1, sous g) et h) — Conditions de licéité de la publicité comparative — Profit indûment tiré de la notoriété attachée à une marque — Présentation d'un bien comme une imitation ou une reproduction»

Sommaire de l'arrêt

1. Rapprochement des législations — Marques — Directive 89/104 — Marque renommée — Protection élargie à des produits ou à des services non similaires (article 5, paragraphe 2, de la directive) — Conditions de la protection élargie

(Directive du Conseil 89/104, art. 5, § 2)

2. Rapprochement des législations — Marques — Directive 89/104 — Droit pour le titulaire d'une marque de s'opposer à l'usage par un tiers d'un signe identique ou similaire pour des produits ou services identiques ou similaires — Usage de la marque au sens de l'article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive

(Directives du Conseil 84/450, art. 3 bis, § 1, et 89/104, art. 5, § 1, a))

3. Rapprochement des législations — Publicité trompeuse et publicité comparative — Directive 84/450 — Publicité comparative

(Directive du Conseil 84/450, art. 3 bis, § 1, g) et h))

1. L'article 5, paragraphe 2, de la première directive 89/104 sur les marques doit être interprété en ce sens que l'existence d'un profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, au sens de cette disposition, ne présuppose ni l'existence d'un risque de confusion ni celle d'un risque de préjudice porté à ces caractère distinctif ou renommée ou, plus généralement, au titulaire de celle-ci. Le profit résultant de l'usage par un tiers d'un signe similaire à une marque renommée est tiré indûment par ce tiers desdits caractère distinctif ou renommée lorsque celui-ci tente par cet usage de se placer dans le sillage de la marque renommée afin de bénéficier du pouvoir d'attraction, de la réputation et du prestige de cette dernière, et d'exploiter, sans compensation financière, l'effort commercial déployé par le titulaire de la marque pour créer et entretenir l'image de celle-ci.

(cf. point 50, disp. 1)

2. L'article 5, paragraphe 1, sous a), de la première directive 89/104 sur les marques doit être interprété en ce sens que le titulaire d'une marque enregistrée est habilité à faire interdire l'usage par un tiers, dans une publicité comparative qui ne satisfait pas à toutes les conditions de licéité énoncées à l'article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 84/450 en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative, telle que modifiée par la directive 97/55, d'un signe identique à cette marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque a été enregistrée, même lorsque cet usage n'est pas susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque, qui est d'indiquer la provenance des produits ou services, à condition que ledit usage porte atteinte ou soit susceptible de porter atteinte à l’une des autres fonctions de la marque.

En effet, selon l'article 5, paragraphe 1, première phrase, de la directive 89/104, la marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. En vertu de l'article 5, paragraphe 1, sous a), de cette directive, ce droit exclusif habilite le titulaire à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires, d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée.

Le droit exclusif prévu à l'article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/104 a été octroyé afin de permettre au titulaire de la marque de protéger ses intérêts spécifiques en tant que titulaire de cette marque, c'est-à-dire d'assurer que cette dernière puisse remplir ses fonctions propres et que, dès lors, l'exercice de ce droit doit être réservé aux cas dans lesquels l'usage du signe par un tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque. Parmi ces fonctions figurent non seulement la fonction essentielle de la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service, mais également les autres fonctions de celle-ci, comme notamment celle consistant à garantir la qualité de ce produit ou de ce service, ou celles de communication, d'investissement ou de publicité.

(cf. points 57-58, 65, disp. 2)

3. L'article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 84/450 en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative, telle que modifiée par la directive 97/55, doit être interprété en ce sens qu’un annonceur qui mentionne de manière explicite ou implicite, dans une publicité comparative, que le produit qu'il commercialise constitue une imitation d'un produit portant une marque notoirement connue présente «un bien ou un service comme une imitation ou une reproduction», au sens de cet article 3 bis, paragraphe 1, sous h).

En effet, l'objet spécifique de la condition posée à l’article 3 bis, paragraphe 1, sous h), de la directive 84/450 consiste à interdire à l'annonceur de faire apparaître, dans la publicité comparative, le fait que le produit ou le service qu'il commercialise constitue une imitation ou une reproduction du produit ou du service de marque. À cet égard, ne sont pas seulement interdits les messages publicitaires renvoyant explicitement à l'idée d'imitation ou de reproduction, mais également ceux qui, compte tenu de la présentation globale et du contexte économique de l’espèce, sont aptes à transmettre implicitement cette idée au public destinataire.

Est sans pertinence à cet égard la question de savoir si le message publicitaire signale qu'il s’agit d'une imitation du produit portant une marque protégée dans son ensemble ou seulement de l'imitation d'une caractéristique essentielle de celui-ci.

Dès lors qu’une publicité comparative qui présente les produits de l'annonceur comme une imitation d'un produit portant une marque est qualifiée par la directive 84/450 de contraire à une concurrence loyale et donc d'illicite, le profit réalisé par l'annonceur grâce à une telle publicité est le fruit d’une concurrence déloyale et doit, par conséquent, être considéré comme indûment tiré de la notoriété attachée à cette marque au sens dudit article 3 bis, paragraphe 1, sous g).

(cf. points 75-76, 79-80, disp. 3)







ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

18 juin 2009 (*)

«Directive 89/104/CEE – Marques – Article 5, paragraphes 1 et 2 – Usage dans une publicité comparative – Droit de faire interdire cet usage – Profit indûment tiré de la renommée – Atteinte aux fonctions de la marque – Directive 84/450/CEE – Publicité comparative – Article 3 bis, paragraphe 1, sous g) et h) – Conditions de licéité de la publicité comparative – Profit indûment tiré de la notoriété attachée à une marque – Présentation d’un bien comme une imitation ou une reproduction»

Dans l’affaire C‑487/07,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (Royaume-Uni), par décision du 22 octobre 2007, parvenue à la Cour le 5 novembre 2007, dans la procédure

L’Oréal SA,

Lancôme parfums et beauté & Cie SNC,

Laboratoire Garnier & Cie

contre

Bellure NV,

Malaika Investments Ltd, agissant sous le nom commercial «Honey pot cosmetic & Perfumery Sales»,

Starion International Ltd,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. M. Ilešič (rapporteur), A. Tizzano, A. Borg Barthet et E. Levits, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 novembre 2008,

considérant les observations présentées:

– pour L’Oréal SA, Lancôme parfums et beauté & Cie SNC et Laboratoire Garnier & Cie, par MM. H. Carr et D. Anderson, QC, ainsi que par Mme J. Reid, barrister, mandatés par Baker & McKenzie LLP,

– pour Malaika Investments Ltd et Starion International Ltd, par M. R. Wyand, QC, ainsi que par MM. H. Porter et T. Moody-Stuart, solicitors,

– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme T. Harris, puis par M. L. Seeboruth, en qualité d’agents, assistés de M. S. Malynicz, barrister,

– pour le gouvernement français, par M. G. de Bergues ainsi que par Mmes A.-L. During et B. Beaupère-Manokha, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement néerlandais, par Mme C. Wissels, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement polonais, par Mmes A. Rutkowska et K. Rokicka, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement portugais, par M. L. Inez Fernandes et Mme I. Vieira da Silva, en qualité d’agents,

– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. W. Wils et H. Krämer, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 février 2009,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 5, paragraphes 1 et 2, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), ainsi que de l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 84/450/CEE du Conseil, du 10 septembre 1984, en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative (JO L 250, p. 17), telle que modifiée par la directive 97/55/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 octobre 1997 (JO L 290, p. 18, ci-après la «directive 84/450»).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un recours formé par L’Oréal SA, Lancôme parfums et beauté & Cie SNC ainsi que par Laboratoire Garnier & Cie (ci-après, ensemble...

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