Günter Fuß v Stadt Halle.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date25 November 2010

Affaire C-429/09

Günter Fuß

contre

Stadt Halle

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Verwaltungsgericht Halle)

«Politique sociale — Protection de la sécurité et de la santé des travailleurs — Directives 93/104/CE et 2003/88/CE — Aménagement du temps de travail — Sapeurs-pompiers employés dans le secteur public — Article 6, sous b), de la directive 2003/88/CE — Durée maximale hebdomadaire de travail — Dépassement — Réparation du dommage causé du fait de la violation du droit de l’Union — Conditions auxquelles est subordonnée l’existence d’un droit à réparation — Modalités procédurales — Obligation d’introduire une demande préalable auprès de l’employeur — Forme et étendue de la réparation — Temps libre supplémentaire ou indemnité — Principes d’équivalence et d’effectivité»

Sommaire de l'arrêt

1. Politique sociale — Protection de la sécurité et de la santé des travailleurs — Directive 2003/88 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail — Durée maximale hebdomadaire de travail

(Directive du Conseil 93/104, art. 6, point 2; directive du Parlement européen et du Conseil 2003/88, art. 6, b))

2. Droit de l'Union — Droits conférés aux particuliers — Violation par un État membre — Obligation de réparer le préjudice causé aux particuliers — Conditions

(Directive du Conseil 93/104, art. 6, point 2; directive du Parlement européen et du Conseil 2003/88, art. 6, b))

3. Droit de l'Union — Droits conférés aux particuliers — Violation par un État membre — Obligation de réparer le préjudice causé aux particuliers — Modalités de la réparation

(Directive du Conseil 93/104, art. 6, point 2; directive du Parlement européen et du Conseil 2003/88, art. 6, b))

4. Droit de l'Union — Droits conférés aux particuliers — Violation par un État membre — Obligation de réparer le préjudice causé aux particuliers

(Directive du Conseil 93/104, art. 6, point 2; directive du Parlement européen et du Conseil 2003/88)

1. Un travailleur qui a accompli, en qualité de sapeur-pompier employé dans un service d’intervention relevant du secteur public, une durée moyenne hebdomadaire de temps de travail excédant celle prévue à l’article 6, sous b), de la directive 2003/88, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, peut se prévaloir du droit de l’Union pour engager la responsabilité des autorités de l’État membre concerné afin d’obtenir la réparation du dommage subi du fait de la violation de cette disposition.

En effet, l’article 6, sous b), de la directive 2003/88, en ce qu’il impose aux États membres une limite maximale quant à la durée moyenne hebdomadaire de travail dont doit bénéficier chaque travailleur en tant que prescription minimale, constitue une règle de droit social de l’Union revêtant une importance particulière dont la portée ne peut être subordonnée à quelque condition ou restriction que ce soit et qui confère aux particuliers des droits qu’ils peuvent faire valoir directement devant les juridictions nationales. En outre, le non-respect des prescriptions de l’article 6, sous b), de la directive 2003/88 doit être considéré comme constituant une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union dès lors qu'il est intervenu en méconnaissance manifeste de la jurisprudence de la Cour de justice au cours de la période concernée. Il appartient, toutefois, à la juridiction nationale de vérifier s'il existe un lien de causalité directe entre ladite violation de l’article 6, sous b), et le dommage subi par le travailleur, résultant de la perte du temps de repos dont il aurait dû bénéficier si la durée maximale hebdomadaire de temps de travail prévue par cette disposition avait été respectée.

La réparation d’un tel dommage causé à un particulier peut être assurée par un organisme de droit public, lorsque ce dommage a été causé par des mesures d’ordre interne prises par ce dernier en violation du droit de l’Union. Par ailleurs, le droit de l’Union ne s’oppose pas non plus à ce que la responsabilité qui incombe à un tel organisme de droit public de réparer le dommage causé à un particulier par de telles mesures puisse être engagée en plus de celle de l’État membre lui-même.

Ces conclusions sont identiques, que les faits concernés relèvent des dispositions de la directive 93/104, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, telle que modifiée par la directive 2000/34, ou de celles de la directive 2003/88.

(cf. points 49, 58-59, 61, 63, 99, disp. 1, 4)

2. Le droit de l’Union s’oppose à une réglementation nationale qui subordonne le droit pour un travailleur relevant du secteur public d’obtenir réparation du dommage subi du fait de la violation, par les autorités de l’État membre concerné, d’une règle du droit de l’Union, tel l’article 6, sous b), de la directive 2003/88, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, à une condition tirée de la notion de faute allant au-delà de la violation suffisamment caractérisée dudit droit. En effet, l’exigence d’une telle condition supplémentaire reviendrait à remettre en cause le droit à réparation qui trouve son fondement dans l’ordre juridique de l’Union.

Ces conclusions sont identiques, que les faits concernés relèvent des dispositions de la directive 93/104, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, telle que modifiée par la directive 2000/34, ou de celles de la directive 2003/88.

(cf. points 67, 70, 99, disp. 2, 4)

3. Le droit de l’Union s’oppose à une réglementation nationale qui subordonne le droit pour un travailleur relevant du secteur public d’obtenir réparation du dommage subi du fait de la violation, par les autorités de l’État membre concerné, de l’article 6, sous b), de la directive 2003/88, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, à la condition qu’une demande préalable ait été adressée à son employeur en vue d’obtenir le respect de cette disposition.

En effet, il appartient aux États membres, en l’absence de dispositions du droit de l’Union en la matière, de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, pour autant que ces modalités respectent les principes d’équivalence et d’effectivité. Or, l’exigence d’une telle demande préalable est contraire au principe d’effectivité.

Le travailleur doit, en effet, être considéré comme la partie faible dans la relation de travail, de sorte qu’il est nécessaire d’empêcher que l’employeur ne dispose de la faculté de lui imposer une restriction de ses droits. Compte tenu de cette situation de faiblesse, un tel travailleur peut être dissuadé de faire valoir explicitement ses droits à l’égard de son employeur dès lors que la revendication de ceux-ci est susceptible de l’exposer à des mesures prises par ce dernier de nature à affecter la relation de travail au détriment de ce travailleur.

Par ailleurs, dans une affaire qui porte sur la violation par un employeur relevant du secteur public d’une disposition du droit de l’Union ayant un effet direct, l’obligation pour les travailleurs concernés d’adresser à leur employeur, afin d’obtenir la réparation du dommage subi du fait de la violation d’une telle disposition, une demande préalable en vue d’obtenir la cessation de cette violation, a pour effet de permettre aux autorités de l’État membre concerné de déplacer systématiquement sur les particuliers la charge de veiller au respect de telles normes, en offrant à ces autorités, le cas échéant, la possibilité de s’exonérer du respect de celles-ci lorsqu’une telle demande n’a pas été introduite. Or, l’article 6, sous b), de la directive 2003/88, loin d’exiger des travailleurs concernés qu’ils demandent à leur employeur de respecter les prescriptions minimales prévues par cette disposition, impose à l’inverse à ce dernier, lorsque le droit interne met en œuvre la dérogation prévue à l’article 22 de la même directive, d’obtenir le consentement individuel, explicitement et librement exprimé, dudit travailleur à la renonciation aux droits conférés par cet article 6, sous b).

En outre, lorsque sont remplies les conditions requises pour que les dispositions d’une directive puissent être invoquées par les particuliers devant les juridictions nationales, toutes les autorités des États membres, y compris les autorités décentralisées, telles que les Länder, les villes ou les communes, le cas échéant, en leur qualité d’employeur public, sont tenues, de ce seul fait, d’en faire application. Dans ces conditions, il ne saurait être raisonnable d’exiger d’un travailleur, qui a subi un dommage du fait de la violation par son employeur des droits conférés par l’article 6, sous b), de la directive 2003/88, qu’il introduise une demande préalable auprès de cet employeur afin d’être en droit d’obtenir la réparation de ce dommage.

Ces conclusions sont identiques, que les faits concernés relèvent des dispositions de la directive 93/104, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, telle que modifiée par la directive 2000/34, ou de celles de la directive 2003/88.

(cf. points 72, 80-81, 83-87, 90, 99, disp. 2, 4)

4. La réparation, à la charge des autorités des États membres, des dommages que ceux-ci ont causés aux particuliers par des violations du droit de l’Union doit être adéquate au préjudice subi. En l’absence de dispositions du droit de l’Union en la matière, il appartient au droit national de l’État membre concerné de déterminer, dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité, d’une part, si le dommage subi par un travailleur qui a accompli une durée moyenne hebdomadaire de temps de travail excédant celle prévue à l’article 6, sous b), de la directive 2003/88, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, du fait de la violation d’une telle règle du droit de l’Union, doit être réparé par l’octroi audit travailleur soit de...

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