João Filipe Ferreira da Silva e Brito and Others v Estado português.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:565
Date09 September 2015
Celex Number62014CJ0160
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-160/14
62014CJ0160

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

9 septembre 2015 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Rapprochement des législations — Maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements — Notion de transfert d’établissement — Obligation d’introduire une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267, troisième alinéa, TFUE — Violation alléguée du droit de l’Union imputable à une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’un recours de droit interne — Législation nationale subordonnant le droit à réparation du préjudice subi en raison d’une telle violation à l’annulation préalable de la décision ayant occasionné ce préjudice»

Dans l’affaire C‑160/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par les Varas Cíveis de Lisboa (Portugal), par décision du 31 décembre 2013, parvenue à la Cour le 4 avril 2014, dans la procédure

João Filipe Ferreira da Silva e Brito e.a.

contre

Estado português,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), président de chambre, M. K. Lenaerts, vice‑président de la Cour, faisant fonction de juge de la deuxième chambre, MM. J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev et C. Lycourgos, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 février 2015,

considérant les observations présentées:

pour M. Ferreira da Silva e Brito e.a., par Mes C. Góis Coelho, S. Estima Martins et R. Oliveira, advogados,

pour le gouvernement portugais, par M. L. Inez Fernandes et Mme A Fonseca Santos, en qualité d’agents,

pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

pour le gouvernement français, par MM. G. de Bergues, D. Colas et F.‑X. Bréchot, en qualité d’agents,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme F. Varrone, avvocato dello Stato,

pour la Commission européenne, par MM. J. Enegren, M. França, M. Konstantinidis et M. Kellerbauer, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 juin 2015,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2001/23/CE du Conseil, du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements (JO L 82, p. 16), de l’article 267, troisième alinéa, TFUE ainsi que de certains principes généraux du droit de l’Union.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Ferreira da Silva e Brito ainsi que 96 autres personnes à l’Estado português (État portugais) au sujet d’une violation alléguée du droit de l’Union, qui serait imputable au Supremo Tribunal de Justiça (Cour suprême).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

La directive 2001/23 a procédé à la codification de la directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements (JO L 61, p. 26), telle que modifiée par la directive 98/50/CE du Conseil, du 29 juin 1998 (JO L 201, p. 88).

4

Aux termes du considérant 8 de la directive 2001/23:

«La sécurité et la transparence juridiques ont requis une clarification de la notion de transfert à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice. Cette clarification n’a pas modifié le champ d’application de la directive 77/187/CEE telle qu’elle a été interprétée par la Cour de justice.»

5

L’article 1er, paragraphe 1, sous a) et b), de la directive 2001/23 dispose:

«a)

La présente directive est applicable à tout transfert d’entreprise, d’établissement ou de partie d’entreprise ou d’établissement à un autre employeur résultant d’une cession conventionnelle ou d’une fusion.

b)

Sous réserve du point a) et des dispositions suivantes du présent article, est considéré comme transfert, au sens de la présente directive, celui d’une entité économique maintenant son identité, entendue comme un ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d’une activité économique, que celle‑ci soit essentielle ou accessoire.»

6

L’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de ladite directive prévoit:

«Les droits et les obligations qui résultent pour le cédant d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant à la date du transfert sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire.»

Le droit portugais

7

L’article 13 de la loi no 67/2007 adoptant le régime de responsabilité civile extracontractuelle de l’État et des autres entités publiques (Lei no 67/2007 – Aprova o Regime da Responsabilidade Civil Extracontratual do Estado e Demais Entidades Públicas), du 31 décembre 2007 (Diário da República, 1re série, no 251, du 31 décembre 2007, p. 91117), telle que modifiée par la loi no 31/2008, du 17 juillet 2008 (Diário da República, 1re série, no 137, du 17 juillet 2008, p. 4454, ci‑après le «RRCEE»), prévoit:

«1. Sans préjudice des situations de condamnation pénale injuste et de privation injustifiée de liberté, l’État est civilement responsable des dommages qui découlent de décisions juridictionnelles manifestement inconstitutionnelles ou illégales ou injustifiées en raison d’une erreur manifeste d’appréciation des circonstances factuelles.

2. La demande d’indemnisation doit être fondée sur l’annulation préalable de la décision dommageable par la juridiction compétente.»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

8

Le 19 février 1993, Air Atlantis SA (ci‑après «AIA»), société fondée en 1985 et active dans le secteur du transport aérien non régulier (vols charters), a été dissoute. Dans ce cadre, les requérants au principal ont fait l’objet d’un licenciement collectif.

9

À partir du 1er mai 1993, TAP, société qui était le principal actionnaire d’AIA, a commencé à opérer une partie des vols qu’AIA s’était engagée à effectuer pendant la période allant du 1er mai au 31 octobre 1993. TAP a également effectué un certain nombre de vols charters, marché sur lequel elle n’était pas active jusqu’alors, dans la mesure où les routes concernées étaient desservies auparavant par AIA. À cette fin, TAP a utilisé une partie de l’équipement qu’AIA utilisait pour ses activités, en particulier quatre avions. TAP a également pris à sa charge le paiement des loyers correspondant aux contrats de crédit‑bail relatifs à ces avions et a repris les équipements de bureau appartenant à AIA et que cette dernière utilisait dans ses locaux situés à Lisbonne et à Faro (Portugal), ainsi que d’autres biens mobiliers. En outre, TAP a recruté un certain nombre d’anciens salariés d’AIA.

10

Par la suite, les requérants au principal ont saisi le Tribunal do Trabalho de Lisboa (tribunal du travail de Lisbonne) d’une action dirigée contre le licenciement collectif dont ils avaient fait l’objet, en demandant à être réintégrés au sein de TAP et à obtenir le paiement de leurs rémunérations.

11

Par un jugement du Tribunal do Trabalho de Lisboa, rendu le 6 février 2007, il a été fait partiellement droit au recours formé contre ledit licenciement collectif, cette juridiction ayant ordonné la réintégration des requérants au principal dans les catégories correspondantes ainsi que le paiement d’indemnités. Le Tribunal do Trabalho de Lisboa a conclu, en l’espèce, à l’existence d’un transfert d’établissement, à tout le moins partiel, dans la mesure où l’identité de l’établissement avait été conservée et où ses activités avaient été poursuivies, TAP s’étant substituée à l’ancien employeur dans les contrats de travail.

12

Il a été fait appel de ce jugement devant le Tribunal da Relação de Lisboa (cour d’appel de Lisbonne) qui, par un arrêt du 16 janvier 2008, a annulé le jugement rendu en première instance, en ce qu’il avait condamné TAP à réintégrer les requérants au principal et à leur payer des indemnités, au motif que le droit d’exercer un recours contre le licenciement collectif concerné était expiré.

13

Les requérants au principal se sont alors pourvus en cassation devant le Supremo Tribunal de Justiça qui, par un arrêt du 25 février 2009, a jugé que ledit licenciement collectif n’était entaché d’aucune illégalité. Cette juridiction a relevé qu’il ne suffit pas qu’une activité commerciale soit «simplement poursuivie» pour qu’il puisse être conclu au transfert d’un établissement, étant donné qu’il est également nécessaire que l’identité de l’établissement soit conservée. Or, en l’espèce, lorsque TAP a opéré les vols en question au cours de l’été 1993, elle n’aurait pas utilisé une «entité» de même identité que l’«entité» qui appartenait auparavant à AIA. En l’absence d’identité entre les deux «entités» concernées, il ne saurait être conclu à l’existence d’un transfert d’établissement.

14

Le Supremo Tribunal de Justiça a également considéré qu’il n’y avait eu aucun passage de clientèle d’AIA à TAP. En outre, selon cette juridiction, AIA possédait un établissement lié à un certain bien, en l’occurrence une licence, qui n’était pas transférable, ce qui aurait rendu impossible le transfert d’établissement, dans la mesure...

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