Republic of Austria v Scheucher-Fleisch GmbH and Others.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date27 October 2011

Affaire C-47/10 P

République d'Autriche

contre

Scheucher-Fleisch GmbH e.a.

«Pourvoi — Aides d’État — Articles 87 CE et 88, paragraphes 2 et 3, CE — Règlement (CE) nº 659/1999 — Décision de ne pas soulever d’objections — Recours en annulation — Conditions de recevabilité — Moyens d’annulation invocables — Notion de ‘partie intéressée’ — Motivation des arrêts — Charge de la preuve — Mesures d’organisation de la procédure devant le Tribunal — Articles 64 et 81 du règlement de procédure du Tribunal»

Sommaire de l'arrêt

1. Recours en annulation — Personnes physiques ou morales — Actes les concernant directement et individuellement — Décision de la Commission constatant la compatibilité d'une aide étatique avec le marché commun sans ouverture de la procédure formelle d'examen — Recours des intéressés au sens de l'article 88, paragraphe 2, CE — Recevabilité — Conditions

(Art. 88, § 2, CE et 230, al. 4, CE; règlement du Conseil nº 659/1999, art. 1er, h), 4, § 3, et 6, § 1)

2. Recours en annulation — Personnes physiques ou morales — Actes les concernant directement et individuellement — Décision de la Commission constatant la compatibilité d'une aide étatique avec le marché commun sans ouverture de la procédure formelle d'examen — Recours des intéressés au sens de l'article 88, paragraphe 2, CE — Identification de l'objet du recours

(Art. 88, § 2, CE et 230, al. 4, CE; règlement de procédure du Tribunal, art. 44, § 1, c); règlement du Conseil nº 659/1999, art. 1er, h), 4, § 3, et 6, § 1)

3. Pourvoi — Moyens — Contrôle par la Cour de l'appréciation des éléments de fait et de preuve — Exclusion sauf cas de dénaturation

(Art. 225 CE; statut de la Cour de justice, art. 58, al. 1)

4. Aides accordées par les États — Projets d'aides — Examen par la Commission — Phase préliminaire et phase contradictoire — Compatibilité d'une aide avec le marché commun — Difficultés d'appréciation — Obligation de la Commission d'ouvrir la procédure contradictoire

(Art. 88, § 2 et 3, CE)

5. Recours en annulation — Personnes physiques ou morales — Actes ne les concernant pas directement et individuellement — Fin de non-recevoir d'ordre public

(Art. 230, al. 4, CE)

6. Pourvoi — Moyens — Contrôle par la Cour de l'appréciation par le Tribunal de la nécessité de compléter les éléments d'information — Exclusion sauf cas de dénaturation

7. Pourvoi — Moyens — Insuffisance de motivation — Recours par le Tribunal à une motivation implicite — Admissibilité — Conditions

(Art. 225 CE; statut de la Cour de justice, art. 36 et 53, al. 1)

1. Dans le domaine des aides d'État, lorsque la Commission adopte une décision de ne pas soulever d’objections au titre de l’article 4, paragraphe 3, du règlement nº 659/1999, relatif à l'application de l'article 88 CE, elle déclare non seulement la mesure compatible avec le marché commun, mais elle refuse également implicitement d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE et à l’article 6, paragraphe 1, du règlement nº 659/1999.

La légalité d’une décision de ne pas soulever d’objections fondée sur l’article 4, paragraphe 3, du règlement nº 659/1999 dépend du point de savoir s’il existe des doutes quant à la compatibilité de l’aide avec le marché commun. Dès lors que de tels doutes doivent donner lieu à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen à laquelle peuvent participer les parties intéressées visées à l’article 1er, sous h), du règlement nº 659/1999, il doit être considéré que toute partie intéressée au sens de cette dernière disposition est directement et individuellement concernée par une telle décision. En effet, les bénéficiaires des garanties de procédure prévues à l’article 88, paragraphe 2, CE et à l’article 6, paragraphe 1, du règlement nº 659/1999 ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester devant le juge de l’Union la décision de ne pas soulever d’objections.

Partant, dans le cadre d'un recours en annulation, la qualité particulière de «partie intéressée» au sens de l’article 1er, sous h), du règlement nº 659/1999, liée à l’objet spécifique du recours, suffit pour individualiser, selon l’article 230, quatrième alinéa, CE, le requérant qui conteste une décision de ne pas soulever d’objections.

Aux termes de l’article 1er, sous h), du règlement nº 659/1999, il faut entendre par «partie intéressée» notamment toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, c’est-à-dire en particulier les entreprises concurrentes du bénéficiaire de cette aide. Il s’agit, en d’autres termes, d’un ensemble indéterminé de destinataires, ce qui n’exclut pas qu’un concurrent indirect du bénéficiaire de l’aide puisse être qualifié de «partie intéressée», pour autant qu’il fait valoir que ses intérêts pourraient être affectés par l’octroi de l’aide et qu’il démontre, à suffisance de droit, que l’aide risque d’avoir une incidence concrète sur sa situation

(cf. points 42-44, 132)

2. Dans le domaine des aides d'État, lorsqu’un requérant demande l’annulation d’une décision de ne pas soulever d’objections, il met en cause essentiellement le fait que la décision prise par la Commission à l’égard de l’aide en cause a été adoptée sans que cette institution ouvre la procédure formelle d’examen, violant ce faisant ses droits procéduraux. Afin qu’il soit fait droit à sa demande d’annulation, le requérant peut invoquer tout moyen de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée, aurait dû susciter des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun. L’utilisation de tels arguments ne saurait pour autant avoir pour conséquence de transformer l’objet du recours ni d’en modifier les conditions de recevabilité. Au contraire, l’existence de doutes sur cette compatibilité est précisément la preuve qui doit être apportée pour démontrer que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen visée à l’article 88, paragraphe 2, CE ainsi qu’à l’article 6, paragraphe 1, du règlement nº 659/1999, relatif à l'application de l'article 88 CE.

(cf. point 50)

3. Dans le cadre d'un pourvoi, la Cour n’est pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits. Dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit ainsi que les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour. Une dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves.

(cf. points 58-59)

4. Dans le domaine des aides d'État, lorsque la phase préliminaire d’examen visée à l’article 88, paragraphe 3, CE n’a pas permis de surmonter toutes les difficultés soulevées par l’appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché commun, la Commission a le devoir de s’entourer de tous les avis nécessaires et d’ouvrir, à cet effet, la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE. La notion de difficultés sérieuses revêtant un caractère objectif, l’existence de telles difficultés doit être recherchée non seulement dans les circonstances de l’adoption de l’acte attaqué, mais également dans les appréciations sur lesquelles s’est fondée la Commission.

Dans le cas où la compatibilité ou l’incompatibilité de l’aide en cause est susceptible d’être directement affectée par une discordance entre deux textes au niveau du droit national, ladite discordance peut objectivement susciter des doutes quant à la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun.

La Commission est tenue de prendre en compte une éventuelle discordance apparente entre deux textes nationaux, à savoir une loi et des directives administratives, notamment s’il appert qu’un régime d’aides inclut, au niveau de la loi qui l'institue, une limitation qui suscite des doutes sérieux concernant sa compatibilité avec le marché commun.

(cf. points 70-71, 79-80, 85)

5. Le critère qui subordonne la recevabilité d’un recours introduit par une personne physique ou morale contre une décision dont elle n’est pas le destinataire à la condition qu’elle soit directement et individuellement concernée par cette décision, fixé à l’article 230, quatrième alinéa, CE, constitue une fin de non-recevoir d’ordre public que les juridictions communautaires peuvent à tout moment examiner, même d’office, y compris en prenant des mesures pour être plus complètement informées.

(cf. points 97-98)

6. Le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi. Le caractère probant ou non des pièces de la procédure relève de son appréciation souveraine des faits, qui échappe au contrôle de la Cour dans le cadre du pourvoi, sauf en cas de dénaturation des éléments de preuve présentés au Tribunal ou lorsque l’inexactitude matérielle des constatations effectuées par ce dernier ressort des documents versés au dossier.

Dès lors, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir adressé aux parties, avant la tenue de l’audience et lors de cette dernière, une série de questions détaillées aux fins de compléter les éléments d’information dont il disposait déjà et d’avoir tiré certaines conclusions des réponses données par les parties à ces questions dans le cadre de moyens valablement soulevés par celles-ci.

De même, il ne saurait lui être reproché, au stade du pourvoi, de ne pas avoir adopté d’autres...

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