Nicole Wippel v Peek & Cloppenburg GmbH & Co. KG.

JurisdictionEuropean Union
Date18 May 2004
CourtCourt of Justice (European Union)
Conclusions
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
MME KOKOTT JULIANE
présentées le 18 mai 2004(1)



Affaire C-313/02

Nicole Wippel
contre
Peek & Cloppenburg GmbH & Co. KG


[demande de décision préjudicielle formée par l'Oberster Gerichtshof (Autriche )]

«Politique sociale – Emploi selon les besoins – Interdiction de discriminer les travailleurs à temps partiel – Mêmes conditions de travail pour les travailleurs masculins et féminins – Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs – Interprétation du droit national conforme à la directive avant l'expiration du délai de transposition»






I – Introduction 1. La présente affaire porte sur la notion d’«emploi selon les besoins». Il s'agit essentiellement de savoir si un contrat ne prévoyant pas de durée ni d'horaire de travail fixes et convenus à l'avance viole l'interdiction de discrimination édictée par le droit communautaire. 2. Dans ce contexte, l’Oberster Gerichtshof (Autriche), dans son ordonnance de renvoi, a posé plusieurs questions sur l'interprétation des dispositions de politique sociale du droit communautaire, notamment sur l'interdiction de discriminer les travailleurs à temps partiel par rapport aux travailleurs à temps plein et sur l'interdiction des discriminations fondées sur le sexe. II – Cadre juridique A – Le droit communautaire 3. L'article 141, paragraphe 1, CE dispose: «Chaque État membre assure l'application du principe de l’égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur.» 4. L’article 1er, premier alinéa, de la directive 75/117/CEE du Conseil, du 10 février 1975, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins (2) , dispose: «Le principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins, qui figure à l'article 119 du traité et qui est ci-après dénommé ‘principe de l'égalité des rémunérations’, implique, pour un même travail ou pour un travail auquel est attribuée une valeur égale, l'élimination, dans l'ensemble des éléments et conditions de rémunération, de toute discrimination fondée sur le sexe.» 5. L’article 5, paragraphe 1, de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (3) , dans sa version applicable en l’espèce, dispose: «L'application du principe de l'égalité de traitement en ce qui concerne les conditions de travail, y compris les conditions de licenciement, implique que soient assurées aux hommes et aux femmes les mêmes conditions, sans discrimination fondée sur le sexe» 4 –Entre temps, l’article 5, paragraphe 1, de la directive 76/207 a été remplacé par l’article 3, paragraphe 1, sous c), modifié, de la même directive. La nouvelle version est entrée en vigueur le 5 octobre 2002 conformément à l’article 3 de la directive 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002, (JO L 269, p. 15). Le délai de transposition des modifications court encore jusqu’au 5 octobre 2005. . 6. L’article 2, paragraphe 1, de la directive 97/81/CE du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant l'accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l'UNICE, le CEEP et la CES (5) , dispose: «Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 20 janvier 2000 ou s'assurent au plus tard à cette date que les partenaires sociaux ont mis en place les dispositions nécessaires par voie d'accord, les États membres devant prendre toute disposition nécessaire leur permettant d'être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par la présente directive. […]» 7. L’article 7 de la directive 97/81 dispose: «La présente directive entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes» 6 –La publication au Journal officiel a été effectuée le 20 janvier 1998.. 8. L’accord-cadre sur le travail à temps partiel, qui est annexé à la directive 97/81, a pour objet, conformément à sa clause 1: «a) d'assurer la suppression des discriminations à l'égard des travailleurs à temps partiel et d'améliorer la qualité du travail à temps partiel; b) de faciliter le développement du travail à temps partiel sur une base volontaire et de contribuer à l'organisation flexible du temps de travail d'une manière qui tienne compte des besoins des employeurs et des travailleurs.» 9. La clause 2.1 de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel dispose: «Le présent accord s'applique aux travailleurs à temps partiel ayant un contrat ou une relation de travail définis par la législation, les conventions collectives ou pratiques en vigueur dans chaque État membre.» 10. La clause 3.1 de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel définit le travailleur à temps partiel comme étant un salarié dont la durée normale de travail, calculée sur une base hebdomadaire ou en moyenne sur une période d'emploi pouvant aller jusqu'à un an, est inférieure à celle d'un travailleur à temps plein comparable. 11. La clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel prévoit, entre autres choses, ce qui suit: «1. Pour ce qui concerne les conditions d'emploi, les travailleurs à temps partiel ne sont pas traités d'une manière moins favorable que les travailleurs à temps plein comparables au seul motif qu'ils travaillent à temps partiel, à moins qu'un traitement différent soit justifié par des raisons objectives. 2. Lorsque c'est approprié, le principe du pro rata temporis s'applique.» 12. À la clause 6 de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel, il est indiqué, entre autres choses, ce qui suit: «1. Les États membres et/ou les partenaires sociaux peuvent maintenir ou introduire des dispositions plus favorables que celles prévues dans le présent accord. […] 4. Le présent accord est sans préjudice de dispositions communautaires plus spécifiques, et notamment des dispositions communautaires relatives à l'égalité de traitement et des chances entre hommes et femmes. 5. La prévention et le traitement des litiges et plaintes résultant de l'application du présent accord sont traités conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales.» 13. Outre les dispositions précitées, il convient également de mentionner la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs (7) , qui a été adoptée à l’occasion de la réunion du Conseil européen du 9 décembre 1989 à Strasbourg et dont les passages pertinents sont les suivants: «5. Tout emploi doit être justement rémunéré. Il convient à cet effet que, selon des modalités propres à chaque pays :
soit assurée aux travailleurs une rémunération équitable, c'est-à-dire une rémunération suffisante pour leur permettre d'avoir un niveau de vie décent ;
les travailleurs soumis à un régime de travail autre que le contrat à temps plein et à durée indéterminée bénéficient d'un salaire de référence équitable ;
[…] 7. La réalisation du marché intérieur doit conduire à une amélioration des conditions de vie et de travail des travailleurs dans la Communauté européenne. Ce processus s'effectuera par un rapprochement dans le progrès de ces conditions, notamment pour la durée et l'aménagement du temps de travail et les formes de travail autres que le travail à durée indéterminée telles que le travail à durée déterminée, le travail à temps partiel, le travail intérimaire, le travail saisonnier. […] 9. Les conditions de travail de tout salarié de la Communauté européenne doivent être précisées soit dans la loi, soit dans une convention collective, soit dans un contrat de travail selon des modalités propres à chaque pays. […] Selon les modalités propres à chaque pays 10. Tout travailleur de la Communauté européenne a droit à une protection sociale adéquate et doit bénéficier, quel que soit son statut et quelle que soit la taille de l'entreprise dans laquelle il travaille, de prestations de sécurité sociale d'un niveau suffisant. [...]» B – Le droit national 14. Dans le droit national autrichien, ce sont particulièrement les dispositions du Gleichbehandlungsgesetz (loi sur l'égalité de traitement, ci-après le «GlBG» et l'Arbeitszeitgesetz (loi sur le temps de travail, ci-après l’ «AZG»), du 6 juin 1994 (8) qui sont importantes. 15. Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, du GlBG, toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe est interdite, notamment en ce qui concerne la formation de la relation de travail, la fixation de la rémunération et les autres conditions de travail. Les discriminations sur le plan de la fixation de la rémunération confèrent aux travailleurs le droit au paiement de la différence par l'employeur (voir article 2a, paragraphe 2, du GlBG). 16. L'article 3 de l'AZG fixe en principe la durée normale du travail à quarante heures par semaine et huit heures par jour. 17. En ce qui concerne l'horaire normal de travail, l'article 19c de l'AZG dispose: «(1) Les horaires correspondant à la durée normale du travail et leur modification doivent faire l’objet d’un accord, à moins qu’ils n’aient été fixés par des normes issues de la négociation collective. (2) Par dérogation au paragraphe 1, l’employeur peut modifier les horaires correspondant à la durée normale du travail si 1. la modification est objectivement justifiée par...

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