Regina contra Secretary of State for Employment, ex parte Nicole Seymour-Smith y Laura Perez.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1998:359
Docket NumberC-167/97
Celex Number61997CC0167
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date14 July 1998
EUR-Lex - 61997C0167 - FR 61997C0167

Conclusions de l'avocat général Cosmas présentées le 14 juillet 1998. - Regina contre Secretary of State for Employment, ex parte Nicole Seymour-Smith et Laura Perez. - Demande de décision préjudicielle: House of Lords - Royaume-Uni. - Travailleurs masculins et féminins - Egalité de rémunération - Egalité de traitement - Indemnité pour licenciement abusif - Notion de rémunération - Droit du travailleur de ne pas être licencié abusivement - Inclusion dans le champ d'application de l'article 119 du traité CE ou de la directive 76/207/CEE - Critère juridique pour établir si une mesure nationale constitue une discrimination indirecte au sens de l'article 119 du traité - Justification objective. - Affaire C-167/97.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-00623


Conclusions de l'avocat général

I - Observations préliminaires

1 Par cinq questions préjudicielles qu'elle a adressées à la Cour, la House of Lords (Royaume-Uni) lui demande d'interpréter l'article 119 du traité CE et les dispositions de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (1).

2 Le litige dans la procédure au principal est apparu parce que deux travailleurs féminins ont été licenciés par leurs employeurs respectifs avant d'avoir accompli deux années d'emploi. La cause du différend est que les travailleurs licenciés sont privés du droit au «licenciement non abusif», qu'une loi britannique reconnaît aux travailleurs, parce qu'ils ne remplissent pas la condition pour bénéficier de ce droit, à savoir l'accomplissement de deux années d'emploi ininterrompu avant le licenciement.

3 La juridiction de renvoi demande si la condition précitée des deux années entre dans le champ d'application de l'article 119 du traité ou dans celui de la directive 76/207, s'il en résulte un traitement discriminatoire indirect pour les travailleurs féminins par rapport aux travailleurs masculins (et, en cas de réponse affirmative, sous quelles conditions un tel traitement peut être justifié objectivement), ainsi que si l'indemnisation, prévue par la loi britannique elle-même, entre autres comme sanction du licenciement abusif ou illégal, constitue une «rémunération» au sens de l'article 119 du traité ou relève de la directive 76/207.

II - Le cadre juridique

A - Le cadre juridique communautaire

4 L'article 119 du traité dispose ce qui suit:

«Chaque État membre assure au cours de la première étape, et maintient par la suite, l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour un même travail.

Par rémunération, il faut entendre, au sens du présent article, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier.

L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique:

a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure,

b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail.»

5 Cet article a été précisé par la directive 75/117/CEE du Conseil, du 10 février 1975, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins (2).

L'article 1er de cette directive prévoit plus précisément que ce principe implique, pour un même travail ou pour un travail auquel est attribuée une valeur égale, l'élimination, dans l'ensemble des éléments et conditions de rémunération, de toute discrimination fondée sur le sexe (3).

6 Un an après l'adoption de cette directive a été arrêtée la directive 76/207 qui, selon son article 1er, vise la mise en oeuvre dans les États membres du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi et les conditions de travail.

7 L'article 2, paragraphe 1, de la directive prévoit que le principe de l'égalité de traitement implique «l'absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l'état matrimonial ou familial».

8 Son article 5 prévoit ce qui suit:

«1. L'application du principe de l'égalité de traitement en ce qui concerne les conditions de travail, y compris les conditions de licenciement, implique que soient assurées aux hommes et aux femmes les mêmes conditions, sans discrimination fondée sur le sexe.

2. A cet effet, les États membres prennent les mesures nécessaires afin que:

a) soient supprimées les dispositions législatives, réglementaires et administratives contraires au principe de l'égalité de traitement;

...»

9 L'article 6 impose aux États membres l'obligation d'introduire dans leur ordre juridique interne les mesures nécessaires pour permettre à toute personne qui s'estime lésée par la non-application à son égard du principe de l'égalité de traitement «de faire valoir ses droits par voie juridictionnelle».

B - Le cadre juridique national

10 Au Royaume-Uni, le droit des travailleurs de ne pas être licenciés abusivement (right not to be unfairly dismissed) a été consacré en premier lieu par l'Industrial Relations Act de 1971. Il l'a été en conformité avec la recommandation n_ 119 de l'Organisation internationale du travail de 1963, selon laquelle le contrat de travail ne doit pas être résilié sans motif valable.

11 A l'époque où les faits dans la procédure au principal se sont déroulés, le droit des travailleurs de ne pas être licenciés abusivement était réglé par les articles 54 à 80 de l'Employment Protection (Consolidation) Act de 1978 (ci-après la «loi de 1978»), telle qu'elle a été modifiée en 1985 (4).

12 Plus précisément, l'article 54 de la loi prévoit que tout salarié auquel cet article s'applique a le droit de ne pas être licencié abusivement par son employeur.

13 Selon l'article 57, pour déterminer si un licenciement est ou non abusif, l'employeur doit indiquer le motif du licenciement et il doit préciser si ce motif est un de ceux qui sont cités dans la loi ou un autre motif grave, permettant le licenciement (paragraphe 1).

Les motifs visés dans la loi peuvent concerner les aptitudes ou les qualifications du travailleur, son comportement, le fait qu'il était en surnombre ou qu'il ne pouvait légalement pas occuper son emploi (paragraphe 2). De toute façon, certains motifs, tels que la grossesse et l'activité syndicale, sont considérés comme directement irrecevables par la loi.

Dès lors que les conditions du paragraphe 1 sont remplies, la question de savoir si le licenciement est ou non abusif doit être appréciée en fait, en tenant compte des circonstances concrètes, notamment la taille et les moyens de l'entreprise, conformément à l'équité (paragraphe 3).

14 Aux termes de l'article 68, lorsque l'Industrial Tribunal compétent constate le bien-fondé du recours du travailleur licencié, il a la possibilité d'infliger trois types de sanctions, après concertation avec le requérant. Plus précisément:

a) Il peut rendre une ordonnance de réintégration (reinstatement) du travailleur dans l'emploi dont il a été licencié, si c'est ce que ce travailleur a demandé. L'employeur est tenu de considérer le travailleur comme n'ayant jamais été licencié. La juridiction détermine les droits du travailleur. Elle oblige en particulier l'employeur à verser au travailleur toutes les sommes que celui-ci aurait régulièrement perçues s'il n'avait pas été licencié (article 69, paragraphe 2).

b) Si la réintégration n'est pas possible, la juridiction peut obliger l'employeur, son successeur ou son associé à réengager le travailleur licencié (reengagement) dans un emploi comparable à celui dont il avait été licencié ou dans un autre emploi approprié; elle fixe en même temps les différents droits du travailleur, tels que sa rémunération, ses droits pendant la durée du licenciement, son ancienneté dans le nouvel emploi, le moment auquel l'employeur doit se conformer à sa décision, etc. (article 69, paragraphe 4).

c) Enfin, si ces solutions ne s'avèrent pas adéquates ou efficaces, la juridiction peut allouer une indemnisation pour licenciement abusif (article 68, paragraphe 2).

15 Dans ce dernier cas, l'indemnisation comprend, en gros, les éléments suivants: premièrement, une indemnité de base destinée à se substituer à la rémunération dont le travailleur a été privé du fait de son licenciement (article 73); deuxièmement, un montant compensatoire, que la juridiction juge raisonnable et équitable de verser au travailleur, eu égard aux circonstances, du fait du dommage subi par le travailleur, pour autant que ce dommage peut être imputé à l'employeur (article 74).

16 Il faudra plus particulièrement faire remarquer que, dans certains cas, la loi prévoit le paiement d'une indemnité complémentaire majorée. Selon l'article 71, paragraphe 3, de tels cas sont, en particulier:

«un licenciement discriminatoire au sens de la Sex Discrimination Act 1975 (loi concernant les discriminations fondées sur le sexe), interdit en vertu de cette loi» [sous b)], ainsi que:

un licenciement discriminatoire, interdit par le Race Relations Act 1976 (loi relative aux relations entre les races) [sous c)].

17 Le droit au licenciement non abusif est toutefois subordonné à une condition de temps importante. En effet, l'article 64 de la loi, telle qu'elle a été modifiée par l'Unfair Dismissal (Variation of Qualifying Period) Order 1985 (5) (arrêté modifiant la durée d'emploi requise pour avoir accès au droit à la protection contre le licenciement abusif), dispose que l'article 54 n'est pas applicable aux...

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