Procedimento penal entablado contra Horst Otto Bickel y Ulrich Franz.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1998:115
Date19 March 1998
Celex Number61996CC0274
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-274/96
EUR-Lex - 61996C0274 - FR 61996C0274

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 19 mars 1998. - Procédure pénale contre Horst Otto Bickel et Ulrich Franz. - Demande de décision préjudicielle: Pretura circondariale di Bolzano, sezione distaccata di Silandro - Italie. - Libre circulation des personnes - Égalité de traitement - Régime linguistique applicable aux procédures pénales. - Affaire C-274/96.

Recueil de jurisprudence 1998 page I-07637


Conclusions de l'avocat général

1 Un ressortissant d'un État membre peut-il se fonder sur le principe de non-discrimination en raison de la nationalité pour se voir reconnaître le droit de demander qu'une procédure pénale engagée à son égard dans un autre État membre se déroule dans une langue autre que la langue officielle de cet État dès lors que certains ressortissants de cet État membre jouissent de ce droit? Telle est la question soulevée dans le cadre des poursuites engagées en Italie contre M. Horst Otto Bickel et M. Ulrich Franz. M. Bickel est un camionneur autrichien poursuivi pour conduite en état d'ébriété; M. Franz est un ressortissant allemand poursuivi pour port d'armes prohibées (un couteau de modèle prohibé) alors qu'il visitait le Haut-Adige en tant que touriste. Les procédures pénales dont ils font l'objet se déroulent à Bolzano, dans la région du Trentin-Haut-Adige, où en raison de la présence d'une forte minorité germanophone l'allemand a le même statut que l'italien. C'est ainsi que les personnes résidant dans la province de Bolzano ont le droit d'opter pour l'allemand en tant que langue de procédure dans le cadre d'une procédure pénale. La question soulevée dans la procédure au principal est de savoir si le droit communautaire exige que ce droit soit étendu à M. Bickel et à M. Franz.

Faits et procédure

2 L'article 6 de la constitution italienne prévoit que la République italienne protège les minorités linguistiques. Pour donner effet à cette disposition, l'article 99 du décret présidentiel n_ 670/92 dispose que, dans la région Trentin-Haut-Adige, la langue allemande est mise sur un pied d'égalité avec la langue italienne, qui est la langue officielle de l'État. L'article 100 du décret prévoit, entre autres, que les citoyens de langue allemande de la province de Bolzano ont le droit d'utiliser leur propre langue dans les rapports avec les organes judiciaires situés dans cette province. Il apparaît que les «citoyens» visés par cette disposition sont des personnes résidant à Bolzano.

3 Le décret présidentiel n_ 574/88 établit d'autres règles encore concernant l'utilisation des langues dans le cadre des rapports entre certains organes judiciaires et les citoyens de la province de Bolzano. Selon l'article 15 de ce décret, une autorité judiciaire est tenue, lorsqu'elle formule des actes de procédure devant être communiqués ou notifiés au suspect ou à l'inculpé, d'«utiliser la langue présumée de ce dernier, identifiée sur la base de son appartenance notoire à un groupe linguistique et sur la base d'autres éléments déjà acquis lors de la procédure». Selon l'article 16, un accusé peut opter pour l'autre langue (l'allemand ou l'italien, selon le cas) au moment de son premier interrogatoire par le juge. Selon l'article 17, un accusé peut, après le premier interrogatoire, décider «que la procédure sera poursuivie dans l'autre langue moyennant la déclaration signée par lui, qu'il remet personnellement ou qu'il fait parvenir par l'intermédiaire de son défenseur à l'organe poursuivant».

4 Le gouvernement italien explique dans ses observations écrites qu'il y a trois minorités linguistiques importantes en Italie, à savoir les minorités allemande, française et slovène. Il n'y a cependant pas un ensemble uniforme de règles protégeant ces minorités; leur protection est régie dans le cadre des règles sur l'autonomie propres aux régions dans lesquelles elles vivent (respectivement, le Trentin-Haut-Adige, le Val d'Aoste et le Frioul-Vénétie Julienne).

5 Il est constant que les règles en cause ne concernent que les résidents de Bolzano. Les autres citoyens italiens n'ont pas le droit d'opter pour l'usage de l'allemand dans une procédure judiciaire.

6 M. Bickel est un camionneur autrichien de langue maternelle allemande, résidant à Nüziders, en Autriche. Le 15 février 1994, il a été intercepté au volant de son véhicule par une patrouille de police à Castelbello (province de Bolzano), qui lui a dressé une contravention pour conduite en état d'ébriété, réprimée par l'article 186, paragraphe 2, du Codice della Strada (code de la route). Le 24 juillet 1995, le Pretore di Bolzano a rendu un jugement en langue italienne condamnant le défendeur à une amende de 876 000 LIT (se substituant partiellement à cinq jours d'emprisonnement) et à la suspension de son permis de conduire pendant vingt-cinq jours. La notification à partie s'étant avérée impossible, le juge de Bolzano a annulé son jugement le 5 octobre 1995 et rendu une ordonnance sommant l'intéressé à comparaître devant les juridictions ordinaires - en l'espèce, la Pretura circondariale di Bolzano. L'acte d'annulation n'a également été rédigé qu'en italien. Le 21 octobre 1995, le défendeur a été invité, par un avis rédigé en allemand et en italien, à élire domicile en Italie pour les besoins de l'enquête relative à l'infraction incriminée. Le défendeur n'a pas répondu à cette demande. Le 8 mars 1996, une citation à comparaître à une audience fixée le 25 juin 1996 a été notifiée à l'avocat du défendeur. La citation était, pour ce qui est du chef d'inculpation, rédigée en italien. L'audience a été ultérieurement remise au 23 juillet 1996 et les actes d'ajournement ont été rédigés en italien. Le 5 juillet 1996, le défendeur a adressé un document à l'autorité judiciaire dans lequel il déclarait ne pas connaître la langue italienne et demandait que la procédure engagée à son égard se déroule dans sa langue maternelle. A l'audience du 23 juillet 1996, l'avocat du défendeur a réitéré cette demande en se référant au droit communautaire et en sollicitant un renvoi à titre préjudiciel devant la Cour.

7 M. Franz est un ressortissant allemand de langue maternelle allemande, résidant à Peissenberg, en Allemagne. En mai 1995, il s'est rendu dans le Haut-Adige, en tant que touriste. Le 5 juin 1995, à la suite d'un contrôle effectué par des agents des douanes au col de Tubre, il a été poursuivi pour infraction à l'article 4 de la loi n_ 110/75, à savoir pour avoir été trouvé en possession d'un couteau de modèle prohibé. Le 8 mars 1996, une citation à comparaître à une audience préliminaire prévue le 25 juin 1996 a été notifiée au défendeur. Cette audience a été ajournée au 23 juillet 1996; les ordonnances d'ajournement étaient rédigées en italien. Le 1er juillet 1996, le défendeur a adressé un document aux autorités judiciaires dans lequel il déclarait ne pas connaître la langue italienne et demandait que la procédure engagée à son encontre se déroule dans sa langue maternelle.

8 Dans les deux affaires, la Pretura circondariale di Bolzano a déféré à la Cour la question suivante:

«Les principes de non-discrimination, au sens de l'article 6, premier alinéa, du traité, du droit de circuler et de séjourner des citoyens de l'Union, au sens de l'article 8 A du traité, de même que de la libre prestation de services, au sens de l'article 59 du traité, exigent-ils qu'un citoyen de l'Union qui possède la citoyenneté d'un État membre et séjourne dans un autre État membre se voie reconnaître le droit de demander qu'une procédure pénale engagée à son égard se déroule dans une autre langue, quand les ressortissants de cet...

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