The owners of the cargo lately laden on board the ship "Tatry" contra the owners of the ship "Maciej Rataj".
Jurisdiction | European Union |
ECLI | ECLI:EU:C:1994:289 |
Date | 13 July 1994 |
Celex Number | 61992CC0406 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Procedure Type | Reference for a preliminary ruling |
Docket Number | C-406/92 |
Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 13 juillet 1994. - The owners of the cargo lately laden on board the ship "Tatry" contre the owners of the ship "Maciej Rataj". - Demande de décision préjudicielle: Court of Appeal (England) - Royaume-Uni. - Convention de Bruxelles - Litispendance - Connexité - Relation avec la convention internationale sur la saisie conservatoire des navires de mer. - Affaire C-406/92.
Recueil de jurisprudence 1994 page I-05439
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Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
1. Par le renvoi préjudiciel qui nous occupe aujourd' hui, la Court of Appeal anglaise a posé diverses questions relatives à l' interprétation des articles 21, 22 et 57 de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l' exécution des décisions en matière civile et commerciale, telle que modifiée par la convention d' adhésion de 1978 (ci-après la "convention de Bruxelles").
2. Pour comprendre la portée exacte de ces questions, il est utile de rappeler les faits, assez complexes, de l' affaire au principal (1).
En septembre 1988, la compagnie maritime polonaise Zegluga Polska Spolka Akceyjna (ci-après les "propriétaires du navire") a transporté, du Brésil à Rotterdam et à Hambourg, une cargaison en vrac d' huile de soja à bord d' un navire lui appartenant, le "Tatry". Le transport a été effectué pour le compte de divers expéditeurs, propriétaires de la marchandise, et sur la base de connaissements distincts, mais ayant une teneur analogue. Au moment de la réception des lots d' huile, tant les propriétaires des lots déchargés à Rotterdam que ceux des lots déchargés à Hambourg se sont plaints d' une détérioration due à des infiltrations de diesel et d' autres hydrocarbures.
Le 18 novembre 1988, les propriétaires du navire ont saisi l' Arrondissementsrechtbank de Rotterdam d' une demande tendant à obtenir une déclaration de non-responsabilité eu égard au dommage allégué. Dans cette procédure, les parties défenderesses sont la société néerlandaise Igeb International BV, qui a reçu livraison de l' huile de soja déchargée à Rotterdam pour le compte de divers propriétaires (ci-après le "groupe 1"), et une partie des propriétaires de l' huile déchargée à Hambourg, à savoir les sociétés allemandes Handelsgesellschaft Kurt Nitzer GmbH et Hobum Oele und Fette AG, la société anglaise Bunge & Co. Ltd, ainsi que la société Daehn & Hamann GmbH, consignataire de la cargaison concernée. Les autres propriétaires de cette cargaison, regroupés dans la société anglaise Phillip Brothers Ltd (ci-après "Phibro"), n' ont pas été attraits dans cette procédure (dans la suite des présentes conclusions, les propriétaires de la cargaison déchargée à Hambourg seront collectivement appelés le "groupe 3)". D' autre part, Phibro n' a pas non plus été assignée pour les lots d' huile déchargés à Rotterdam dont elle était également propriétaire et dont la société néerlandaise ICM BV a pris livraison pour son compte (ci-après le "groupe 2").
3. Environ dix mois plus tard, le 14 septembre 1989, le groupe 3 a engagé, au Royaume-Uni, devant la High Court of Justice, Queen' s Bench Division, Admiralty Court, une action in rem (appelée ci-après l' "affaire 2006") dirigée contre les navires "Tatry" et "Maciej Rataj", ce dernier appartenant aux mêmes propriétaires que le "Tatry". L' assignation correspondante a été signifiée le 15 septembre 1989, et la saisie conservatoire du "Maciej Rataj", qui était alors ancré dans le port de Liverpool, a été autorisée le même jour. Ultérieurement, les propriétaires du navire ont obtenu la mainlevée de la saisie moyennant constitution d' une garantie; la procédure a donc continué devant la juridiction anglaise pour ce qui concerne aussi le fond du litige ayant donné lieu à la demande de saisie conservatoire, à savoir l' action en réparation du préjudice résultant de la détérioration alléguée de l' huile de soja déchargée à Hambourg. L' Admiralty Court a fondé cette compétence de fond sur la législation qui a mis en oeuvre, au Royaume-Uni, la convention internationale pour l' unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer, signée à Bruxelles le 10 mai 1952 (2). En droit anglais, il existe un débat sur le point de savoir si, en pareil cas, l' action continue tant in rem que in personam ou seulement in personam.
Toujours le 14 septembre 1989, et devant la même juridiction, une action analogue (appelée ci-après l' "affaire 2007") a également été engagée par le groupe 2; son déroulement a été identique à celui de l' affaire 2006.
Enfin, le groupe 1, qui n' a introduit aucune demande auprès des juridictions anglaises, a saisi l' Arrondissementsrechtbank de Rotterdam, le 29 septembre 1989, d' une demande visant à obtenir l' indemnisation du préjudice résultant de la détérioration des marchandises déchargées aux Pays-Bas (3).
4. Dans l' affaire 2006, les propriétaires du navire ont soutenu que la juridiction anglaise devait se dessaisir en faveur du tribunal néerlandais en application de l' article 21 de la convention de Bruxelles, au motif qu' une demande ayant le même objet et la même cause était déjà pendante entre les mêmes parties aux Pays-Bas. A titre subsidiaire, pour le cas où la disposition concernant la litispendance ne serait pas reconnue applicable, ils estimaient que l' Admiralty Court devait surseoir à statuer et, éventuellement, se dessaisir en application de l' article 22 de la même convention, en raison de la connexité certaine des affaires pendantes devant les tribunaux anglais et néerlandais. La litispendance a été contestée par le groupe 3, qui estimait qu' il n' y avait pas identité de parties et d' objet entre les deux affaires, mais qui en a cependant admis la connexité.
Dans l' affaire 2007, au contraire, les propriétaires du navire ont reconnu que le tribunal anglais était effectivement le premier saisi, mais lui ont demandé de surseoir à statuer et, éventuellement, de se dessaisir en application du seul article 22 de la convention de Bruxelles relatif à la connexité, ce qui a été contesté, en revanche, par le groupe 2.
5. En première instance, l' Admiralty Court a rejeté l' exception de litispendance soulevée par les propriétaires du navire et, tout en admettant la connexité des procédures anglaise et néerlandaise, n' a pas estimé devoir surseoir à statuer en application de l' article 22 de la convention de Bruxelles dans les procédures engagées devant elle. Les propriétaires du navire se sont pourvus devant la Court of Appeal contre cette décision.
Dans le cadre de cette procédure, le groupe 3 a fait valoir que les articles 21 et 22 de la convention de Bruxelles n' étaient pas applicables au cas d' espèce, dans la mesure où la compétence de la juridiction anglaise était fondée sur la convention sur la saisie, dont l' application est préservée, à titre de "matière particulière", par l' article 57 de la convention de Bruxelles elle-même.
Dans ces conditions, la juridiction du second degré, estimant que la solution du litige dépendait de l' interprétation des articles 21, 22 et 57 de la convention de Bruxelles, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour plusieurs questions préjudicielles portant, en substance, sur les points suivants:
"a) aux fins de l' applicabilité de l' article 21, comment convient-il d' entendre l' exigence d' identité de parties dans le cas de demandes formées devant des juridictions d' États contractants différents et ayant le même objet et la même cause?
b) dans le cas d' un transport maritime de marchandises, une demande tendant à l' indemnisation du dommage prétendument subi par la marchandise pendant le transport, qui est formée par les propriétaires de ces marchandises et commencée sous la forme d' une action in rem à l' encontre du navire sur lequel le transport a été effectué, fait-elle intervenir les mêmes parties et a-t-elle le même objet et la même cause, au sens de l' article 21, qu' une demande in personam précédemment formée par le propriétaire du navire en rapport avec le même dommage? En particulier, la réponse à cette question peut-elle être différente selon que l' affaire, commencée in rem, continue tant in rem que in personam ou seulement in personam, à la suite de la constitution en justice du propriétaire du navire?
c) la dérogation prévue par l' article 57 en faveur des conventions spéciales implique-t-elle, lorsque la compétence d' un juge est tirée des dispositions d' une telle convention, l' inapplicabilité des articles 21 et 22 relatifs à la litispendance et à la connexité?
d) en quoi consiste la notion de 'demandes connexes' de l' article 22, troisième alinéa?
e) dans le cas d' un transport maritime de marchandises, se trouve-t-on en présence d' un cas de litispendance, au sens de l' article 21, lorsque le propriétaire du navire forme, dans un État contractant, une demande tendant à obtenir une déclaration de non-responsabilité à l' égard des titulaires de droits sur la marchandise déchargée dans un état prétendument détérioré et que les propriétaires de la marchandise forment ensuite, dans un autre État contractant, une autre demande, tendant à obtenir réparation du préjudice, à l' encontre du propriétaire du navire (4)?"
L' articulation des rapports entre la convention de Bruxelles et les conventions relatives à des matières particulières
6. Nous nous proposons de commencer par examiner la troisième question posée par le juge de renvoi ° c' est-à-dire la question relative aux rapports entre la convention de Bruxelles et les conventions relatives à des matières particulières, tels qu' ils sont organisés par l' article 57 de la première ° dans la mesure où une réponse négative à cette question pourrait, en fait, rendre les autres purement théoriques.
7. Comme on le sait, l' article 57 établit, en ce qui concerne les accords présents et futurs...
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