Sadikou Gnandi contra État belge.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:467
Date15 June 2017
Celex Number62016CC0181
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-181/16
62016CC0181

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 15 juin 2017 ( 1 )

Affaire C‑181/16

Sadikou Gnandi

contre

État belge

[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État (Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 2008/115/CE – Retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier – Ordre de quitter le territoire – Délivrance dès le rejet de la demande d’asile et avant épuisement des voies de recours juridictionnelles »

1.

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi que de l’article 5 et de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ( 2 ).

2.

Par sa question préjudicielle, le Conseil d’État (Belgique) demande en substance à la Cour si le principe de non-refoulement et le droit à un recours effectif s’opposent à ce qu’une décision de retour au sens de la directive 2008/115 soit adoptée à l’égard d’un demandeur d’asile dès le rejet de sa demande de protection internationale par la première instance d’examen et donc avant épuisement des voies de recours juridictionnelles à sa disposition contre un tel rejet.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2005/85/CE

3.

L’article 7 de la directive 2005/85/CE du Conseil, du 1er décembre 2005, relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres ( 3 ), dispose :

« 1. Les demandeurs [d’asile] sont autorisés à rester dans l’État membre, aux seules fins de la procédure, jusqu’à ce que l’autorité responsable de la détermination se soit prononcée conformément aux procédures en premier ressort prévues au chapitre III. Ce droit de rester dans l’État membre ne constitue pas un droit à un titre de séjour ( 4 ).

[…] »

4.

L’article 39, paragraphe 1, de cette directive met à la charge des États membres l’obligation d’assurer aux demandeurs d’asile le droit à un recours effectif. Le paragraphe 3 de cette disposition est libellé en ces termes :

« Les États membres prévoient le cas échéant les règles découlant de leurs obligations internationales relatives :

a)

à la question de savoir si le recours prévu en application du paragraphe 1 a pour effet de permettre aux demandeurs de rester dans l’État membre concerné dans l’attente de l’issue du recours ;

b)

à la possibilité d’une voie de droit ou de mesures conservatoires si le recours visé au paragraphe 1 n’a pas pour effet de permettre aux demandeurs de rester dans l’État membre concerné dans l’attente de l’issue de ce recours. […]

[…] »

5.

La directive 2005/85 a été abrogée et remplacée par la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale ( 5 ). L’article 46, paragraphe 5, de cette dernière directive prévoit que « les États membres autorisent les demandeurs à rester sur leur territoire jusqu’à l’expiration du délai prévu pour l’exercice de leur droit à un recours effectif et, si ce droit a été exercé dans le délai prévu, dans l’attente de l’issue du recours ». Cette disposition ne s’applique toutefois pas, ratione temporis, aux faits du litige au principal ( 6 ).

La directive 2008/115

6.

L’article 2, paragraphe 1, de la directive 2008/115 précise que celle-ci s’applique aux ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre.

7.

Aux termes de l’article 3, points 2, 4 et 5, de cette directive :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[…]

2) “séjour irrégulier” : la présence sur le territoire d’un État membre d’un ressortissant d’un pays tiers qui ne remplit pas, ou ne remplit plus, les conditions d’entrée énoncées à l’article 5 du code frontières Schengen, ou d’autres conditions d’entrée, de séjour ou de résidence dans cet État membre ;

[…]

4) “décision de retour” : une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d’un ressortissant d’un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour ;

5) “éloignement” : l’exécution de l’obligation de retour, à savoir le transfert physique hors de l’État membre. »

8.

L’article 5 de la directive 2008/115 impose aux États membres le respect du principe de non-refoulement dans la mise en œuvre de celle-ci.

9.

L’article 6 de cette directive, intitulé « Décision de retour », dispose, à ses paragraphes 1 et 6 :

« 1. Les États membres prennent une décision de retour à l’encontre de tout ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 à 5.

[…]

6. La présente directive n’empêche pas les États membres d’adopter une décision portant sur la fin du séjour régulier en même temps qu’une décision de retour […] dans le cadre d’une même décision ou d’un même acte de nature administrative ou judiciaire, conformément à leur législation nationale, sans préjudice des garanties procédurales offertes au titre du chapitre III ainsi que d’autres dispositions pertinentes du droit communautaire et du droit national. »

10.

L’article 8 de ladite directive, intitulé « Éloignement », prévoit, à son paragraphe 3 :

« Les États membres peuvent adopter une décision ou un acte distinct de nature administrative ou judiciaire ordonnant l’éloignement. »

11.

L’article 9, paragraphe 1, de la même directive, intitulé « Report de l’éloignement », dispose :

« Les États membres reportent l’éloignement :

a)

dans le cas où il se ferait en violation du principe de non-refoulement,

ou

b)

tant que dure l’effet suspensif accordé conformément à l’article 13, paragraphe 2. »

12.

L’article 12, paragraphe 1, de la directive 2008/115 énonce :

« Les décisions de retour […] sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles.

[…] »

13.

Aux termes de l’article 13, paragraphes 1 et 2, de cette directive :

« 1. Le ressortissant concerné d’un pays tiers dispose d’une voie de recours effective pour attaquer les décisions liées au retour visées à l’article 12, paragraphe 1, devant une autorité judiciaire ou administrative compétente ou une instance compétente composée de membres impartiaux et jouissant de garanties d’indépendance.

2. L’autorité ou l’instance visée au paragraphe 1 est compétente pour réexaminer les décisions liées au retour visées à l’article 12, paragraphe 1, et peut notamment en suspendre temporairement l’exécution, à moins qu’une suspension temporaire ne soit déjà applicable en vertu de la législation nationale. »

Le droit belge

14.

L’article 39/70, premier alinéa, de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, l’établissement, le séjour et l’éloignement des étrangers (ci-après la « loi du 15 décembre 1980 »), prévoit :

« Sauf accord de l’intéressé, aucune mesure d’éloignement du territoire ou de refoulement ne peut être exécutée de manière forcée à l’égard de l’étranger pendant le délai fixé pour l’introduction du recours et pendant l’examen de celui-ci. »

15.

L’article 52/3, paragraphe 1, premier et second alinéas, de cette loi énonce :

« Lorsque le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides [ci-après le “CGRA”] ne prend pas en considération la demande d’asile ou refuse de reconnaître le statut de réfugié ou d’octroyer le statut de protection subsidiaire à l’étranger et que celui-ci séjourne de manière irrégulière dans le Royaume, le ministre ou son délégué doit délivrer sans délai un ordre de quitter le territoire motivé par un des motifs prévus à l’article 7, alinéa 1er, 1° à 12°. […]

Lorsque le Conseil du contentieux des étrangers [ci-après le “CCE”] rejette le recours de l’étranger contre une décision prise par le [CGRA] en application de l’article 39/2, § 1er, 1°, et que l’étranger séjourne de manière irrégulière dans le Royaume, le ministre ou son délégué décide sans délai de prolonger l’ordre de quitter le territoire prévu à l’alinéa ler. […] »

16.

L’article 75, paragraphe 2, de l’arrêté royal du 8 octobre 1981 concernant l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers (ci-après l’« arrêté royal du 8 octobre 1981 »), dispose :

« Si le [CGRA] refuse de reconnaître le statut de réfugié et de protection subsidiaire à l’étranger ou ne prend pas en considération la demande d’asile, le ministre ou son délégué donne à l’intéressé un ordre de quitter le territoire, conformément à l’article 52/3, § 1er, de la loi [du 15 décembre 1980]. »

17.

L’article 111 de cet arrêté royal prévoit :

« Si un recours de pleine juridiction est introduit auprès du [CCE] conformément à la procédure ordinaire […], l’administration communale délivre à l’intéressé un document conforme au modèle figurant à l’annexe 35, sur instruction du ministre ou de son délégué, si ce recours est dirigé contre une décision qui entraîne l’éloignement du Royaume.

Ce document est valable trois mois à compter de la date de délivrance et est ensuite prorogé de mois en mois jusqu’à ce qu’il soit statué sur le recours visé à l’alinéa précédent. »

18.

L’annexe 35 dudit arrêté royal, intitulée « Document spécial de séjour », précise que celui ou celle à qui ce document...

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