J.K. v TP S.A.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2023:9
Date12 January 2023
Docket NumberC-356/21
Celex Number62021CJ0356
CourtCourt of Justice (European Union)
62021CJ0356

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

12 janvier 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail – Directive 2000/78/CE – Article 3, paragraphe 1, sous a) et c) – Conditions d’accès aux activités non salariées – Conditions d’emploi et de travail – Interdiction des discriminations fondées sur l’orientation sexuelle – Entrepreneur indépendant travaillant sur la base d’un contrat d’entreprise – Rupture et non-renouvellement d’un contrat – Liberté de choisir un contractant »

Dans l’affaire C‑356/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd Rejonowy dla m. st. Warszawy w Warszawie (tribunal d’arrondissement de la ville de Varsovie, Pologne), par décision du 16 mars 2021, parvenue à la Cour le 7 juin 2021, dans la procédure

J. K.

contre

TP S.A.,

en présence de :

PTPA,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme A. Prechal, présidente de chambre, Mme M. L. Arastey Sahún (rapporteure), MM. F. Biltgen, N. Wahl et J. Passer, juges,

avocat général : Mme T. Ćapeta,

greffier : Mme M. Siekierzyńska, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 31 mai 2022,

considérant les observations présentées :

pour J.K., par Me P. Knut, adwokat, Me M. R. Oyarzabal Arigita, abogada, et Me B. Van Vooren, advocaat,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, Mmes E. Borawska-Kędzierska et A. Siwek-Ślusarek, en qualité d’agents,

pour le gouvernement belge, par Mmes C. Pochet, L. Van den Broeck et M. Van Regemorter, en qualité d’agents,

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman et P. Huurnink, en qualité d’agents,

pour le gouvernement portugais, par Mmes C. Alves, P. Barros da Costa et A. Pimenta, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par M. D. Martin et Mme A. Szmytkowska, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 8 septembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, sous a) et c), ainsi que de l’article 17 de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant J. K. (ci-après le « requérant ») à TP S.A. au sujet d’une demande d’indemnisation du préjudice résultant du refus de cette société de renouveler le contrat d’entreprise qu’elle avait conclu avec le requérant pour un motif fondé, selon ce dernier, sur son orientation sexuelle.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les considérants 9, 11 et 12 de la directive 2000/78 énoncent :

« (9)

L’emploi et le travail constituent des éléments essentiels pour garantir l’égalité des chances pour tous et contribuent dans une large mesure à la pleine participation des citoyens à la vie économique, culturelle et sociale, ainsi qu’à l’épanouissement personnel.

[...]

(11)

La discrimination fondée sur la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle peut compromettre la réalisation des objectifs du traité CE, notamment un niveau d’emploi et de protection sociale élevé, le relèvement du niveau et de la qualité de la vie, la cohésion économique et sociale, la solidarité et la libre circulation des personnes.

(12)

À cet effet, toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle dans les domaines régis par la présente directive doit être interdite dans la Communauté. Cette interdiction de discrimination doit également s’appliquer aux ressortissants de pays tiers, mais elle ne vise pas les différences de traitement fondées sur la nationalité et est sans préjudice des dispositions en matière d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers et à leur accès à l’emploi et au travail. »

4

L’article 1er de cette directive, intitulé « Objet », prévoit :

« La présente directive a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, [le] handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement. »

5

L’article 2 de ladite directive, intitulé « Concept de discrimination », dispose, à son paragraphe 5 :

« La présente directive ne porte pas atteinte aux mesures prévues par la législation nationale qui, dans une société démocratique, sont nécessaires à la sécurité publique, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé et à la protection des droits et libertés d’autrui. »

6

L’article 3 de la même directive, intitulé « Champ d’application », prévoit, à son paragraphe 1, sous a) et c) :

« Dans les limites des compétences conférées à la Communauté, la présente directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne :

a)

les conditions d’accès à l’emploi, aux activités non salariées ou au travail, y compris les critères de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d’activité et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle, y compris en matière de promotion ;

[...]

c)

les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération ».

7

L’article 17 de la directive 2000/78, intitulé « Sanctions », énonce :

« Les États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions nationales adoptées en application de la présente directive et prennent toute mesure nécessaire pour assurer la mise en œuvre de celles-ci. Les sanctions ainsi prévues qui peuvent comprendre le versement d’indemnité à la victime, doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. Les États membres notifient ces dispositions à la Commission au plus tard le 2 décembre 2003 et toute modification ultérieure les concernant dans les meilleurs délais. »

Le droit polonais

8

L’article 4 de l’ustawa o wdrożeniu niektórych przepisów Unii Europejskiej w zakresie równego traktowania (loi sur la transposition de certaines dispositions du droit de l’Union européenne en matière d’égalité de traitement), du 3 décembre 2010 (Dz. U. no 254, position 1700), dans sa version consolidée (Dz. U. de 2016, position 1219) (ci-après la « loi sur l’égalité de traitement »), dispose :

« La présente loi s’applique en ce qui concerne :

[...]

2) les conditions d’accès et d’exercice d’une activité économique ou professionnelle, y compris, notamment, dans le cadre d’une relation de travail ou d’un travail en vertu d’un contrat de droit civil ;

[...] »

9

L’article 5 de cette loi prévoit :

« La présente loi ne s’applique pas [au] :

[...]

3) [libre] choix du contractant, pour autant que ce choix ne soit pas fondé sur le sexe, la race, l’origine ethnique ou la nationalité ;

[...] »

10

Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, point 2, de ladite loi :

« Est interdite toute inégalité de traitement des personnes physiques fondée sur le sexe, la race, l’origine ethnique, la nationalité, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle en ce qui concerne :

[...]

2) les conditions d’accès et d’exercice d’une activité économique ou professionnelle, y compris, notamment, dans le cadre d’une relation de travail ou d’un travail en vertu d’un contrat de droit civil ».

11

L’article 13 de la même loi énonce :

« 1. Toute personne victime d’une violation du principe d’égalité de traitement a droit à une indemnisation.

2. Les dispositions de [l’ustawa – Kodeks cywilny (loi portant code civil), du 23 avril 1964,] [...] s’appliquent en cas de violation du principe d’égalité de traitement. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

12

Entre l’année 2010 et l’année 2017, le requérant a conclu, dans le cadre de son activité économique indépendante, une série de contrats d’entreprise consécutifs de courte durée avec TP, une société qui exploite une chaîne de télévision publique à l’échelle nationale en Pologne et dont l’actionnaire unique est le Trésor public.

13

Sur la base de ces contrats, le requérant a assuré des périodes de service hebdomadaires au sein de la rédaction de la régie et de la promotion du programme 1 de TP, au cours desquelles il a préparé des montages audiovisuels, des bandes-annonces ou des feuilletons pour les émissions d’autopromotion de TP. W. S., le directeur de la rédaction de la régie et de la promotion de ce programme 1, ainsi que le superviseur direct du requérant, répartissait les périodes de service entre ce dernier et une autre journaliste exerçant les mêmes activités que lui, de telle sorte que chacun d’entre eux effectuait deux périodes de service hebdomadaires par mois.

14

À partir du mois d’août 2017, une réorganisation des structures internes de TP a été envisagée, dans le cadre de laquelle les tâches du requérant devaient être transférées à une nouvelle unité, à savoir l’agence pour la création, la régie et la publicité.

15

Lors d’une réunion de travail qui s’est déroulée vers la fin du mois d’octobre 2017, il a été indiqué que le requérant figurait parmi...

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