Cristiano Marrosu and Gianluca Sardino v Azienda Ospedaliera Ospedale San Martino di Genova e Cliniche Universitarie Convenzionate.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:569
Date20 September 2005
Celex Number62004CC0053
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-180/04

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. M. Poiares Maduro

présentées le 20 septembre 2005 (1)

Affaire C-53/04

Cristiano Marrosu,

Gianluca Sardino

contre

Azienda Ospedaliera Ospedale San Martino di Genova e Cliniche Universitarie Convenzionate

Affaire C-180/04

Andrea Vassallo

contre

Azienda Ospedaliera Ospedale San Martino di Genova e Cliniche Universitarie Convenzionate

[demandes de décision préjudicielle formées par le Tribunale di Genova (Italie)]

«Politique sociale – Directive 1999/70/CE – Clauses 1, sous b), et 5 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée – Emploi dans l’administration publique»





1. Par deux décisions de renvoi distinctes, le Tribunale di Genova (Italie) a saisi la Cour de demandes de décision préjudicielle portant sur l’interprétation de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO L 175, p. 43).

2. Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant MM. Marrosu, Sardino et Vassallo à leur employeur, l’Azienda Ospedaliera Ospedale San Martino di Genova e Cliniche Universitarie Convenzionate (Hôpital San Martino de Gênes et cliniques universitaires conventionnées, ci-après l’«établissement défendeur»), à propos de l’application de la réglementation italienne relative au travail à durée déterminée au cas des administrations publiques.

I – Le contexte juridique et factuel

3. Dans ces deux affaires, les faits sont simples. Si difficulté il y a, elle réside dans la détermination du droit applicable.

A – L’affaire Marrosu et Sardino

4. MM. Marrosu et Sardino ont été employés en qualité d’agents techniques de cuisine auprès de l’établissement défendeur de 1999 à 2002, en vertu d’une série de contrats à durée déterminée. Le dernier contrat de chacun de ces employés a été conclu huit jours après l’expiration de leur précédent contrat. Peu avant l’expiration de ce contrat conclu pour six mois, le directeur général dudit établissement les avisait d’une décision selon laquelle la décision ayant servi de base à leur nouvel engagement «doit être entendue à toutes fins utiles comme une décision de prorogation des contrats à durée déterminée en raison de la persistance des raisons qui ont conduit à les établir». C’est cette décision que les deux agents ont décidé d’attaquer devant le Tribunale di Genova au motif qu’elle violerait le décret législatif n° 368, du 6 septembre 2001, portant mise en œuvre, dans l’ordre juridique italien, de la directive 1999/70 (GURI nº 235, du 9 octobre 2001, p. 4, ci‑après le «décret nº 368»).

5. Si, en effet, aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de ce décret, «le contrat de travail peut être conclu pour une durée déterminée pour des raisons techniques ou des raisons tenant à des impératifs de production, d’organisation ou de remplacement des salariés», l’article 5, paragraphe 3, du même décret prévoit que, «lorsque le travailleur est engagé pour une durée déterminée en application de l’article 1er, dans un délai de dix jours à compter de la date d’expiration d’un contrat dont la durée est inférieure ou égale à six mois […], le deuxième contrat est réputé conclu pour une durée indéterminée».

6. Sur ce fondement, MM. Marrosu et Sardino demandent à la juridiction de renvoi de constater l’existence d’une relation de travail à durée indéterminée à compter du début de la première relation de travail en cours lors de l’entrée en vigueur dudit décret, et, sur la base de la loi n° 300, du 20 mai 1970, relative au statut des travailleurs (GURI nº 131, du 27 mai 1970), de condamner l’employeur au paiement des rémunérations dues et à la réparation du dommage subi.

7. À ces demandes, l’établissement défendeur oppose l’application d’un autre décret législatif, à savoir le décret n° 165, du 30 mars 2001, portant «règles générales relatives à l’organisation du travail dans les administrations publiques» (supplément ordinaire à la GURI nº 106, du 9 mai 2001, ci-après le «décret nº 165»). Il tire notamment argument de son article 36, lequel dispose:

«1. Dans le respect des dispositions relatives au recrutement du personnel visées aux paragraphes précédents, les administrations publiques recourent aux formes contractuelles flexibles de recrutement et d’emploi du personnel prévues par le code civil et par les lois relatives aux relations de travail dans l’entreprise. Les conventions collectives nationales réglementent les contrats à durée déterminée, les contrats de formation et de travail, les autres relations en matière de formation et de travail temporaire […].

2. En tout état de cause, la violation de dispositions impératives en matière de recrutement ou d’emploi par les administrations publiques ne saurait conduire à l’établissement de contrats de travail à durée indéterminée avec lesdites administrations publiques, sans préjudice de la responsabilité et des sanctions qu’elles peuvent encourir. Le travailleur concerné a droit à la réparation du dommage découlant de la prestation de travail effectuée en violation de décisions impératives. Les administrations sont tenues de récupérer les sommes payées à ce titre auprès des dirigeants responsables lorsque la violation est intentionnelle ou qu’elle résulte d’une faute grave.»

8. Ainsi, les litiges au principal semblent se nouer autour d’un conflit relatif à la législation nationale applicable. Selon la juridiction de renvoi, il convient toutefois de prendre également en considération un conflit de nature constitutionnelle. D’une part, elle constate que, par une décision du 13 mars 2003, la Corte costituzionale a confirmé la conformité de l’article 36, paragraphe 2, du décret n° 165 aux articles 3 et 97 de la Constitution italienne protégeant l’égalité devant la loi et l’impartialité de l’administration. Cependant, d’autre part, cette juridiction relève que cette décision a été rendue sans tenir compte des dispositions constitutionnelles garantissant le respect, dans l’ordre juridique italien, des engagements découlant de l’ordre juridique communautaire. Or, admettre l’application de ce décret aux faits de l’espèce soulève, à ses yeux, la question du respect de la directive 1999/70.

9. Rappelons que cette directive, fondée sur l’article 139, paragraphe 2, CE, «vise à mettre en œuvre l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée […], conclu le 18 mars 1999 entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP)». Considérant que «les contrats de travail à durée indéterminée sont la forme générale de relations de travail», cet accord-cadre a notamment pour objet «d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs». À cet effet, il comporte une clause 5 relative aux «mesures visant à prévenir l’utilisation abusive» ainsi libellée:

«1. Afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n’existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d’une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l’une ou plusieurs des mesures suivantes:

a) des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail;

b) la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs;

c) le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail.

2. Les États membres, après consultation des partenaires sociaux et/ou les partenaires sociaux, lorsque c’est approprié, déterminent sous quelles conditions les contrats ou relations de travail à durée déterminée:

a) sont considérés comme ‘successifs’;

b) sont réputés conclus pour une durée indéterminée.»

10. Dans ces conditions, le Tribunale di Genova s’interroge et pose à la Cour la question préjudicielle suivante:

«La directive 1999/70/CE [article 1er, ainsi que les clauses 1, sous b), et 5 de l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée] doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation interne (antérieure à la transposition de ladite directive) qui différencie les contrats de travail conclus avec l’administration publique de ceux passés avec des employeurs privés, en excluant les premiers de la protection conférée par l’établissement d’une relation de travail à durée indéterminée en cas de violation de règles impératives en matière de contrats à durée déterminée successifs?»

B – L’affaire Vassallo

11. M. Vassallo était employé en qualité de cuisinier auprès du même établissement hospitalier. Cette relation de travail était fondée sur deux contrats à durée déterminée successifs, le premier couvrant la période allant du 5 juillet 2001 au 4 janvier 2002, le second, conclu avec effet à compter du 1er janvier 2002, prolongeant cette période jusqu’au 11 juillet 2002. À l’expiration de ce contrat, M. Vassallo a introduit, devant le Tribunale di Genova, un recours afin de contester la résiliation de son contrat. Il demande à être regardé comme ayant bénéficié au terme de son contrat initial d’un contrat à durée indéterminée. Les moyens de ce recours sont en tous points semblables à ceux présentés dans le contexte de l’affaire Marrosu et Sardino.

12. Cependant, les décisions de renvoi font apparaître un dissentiment entre les juges du Tribunale di Genova sur l’état du droit applicable. Le juge saisi de l’affaire Marrosu et Sardino semble considérer que le décret n° 368 ayant transposé la directive 1999/70 prévaut en toute circonstance sur les dispositions antérieures du décret n° 165. Au contraire, le juge de l’affaire Vassallo paraît exclure que, en l’état du droit italien...

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