Kiriaki Angelidaki and Others v Organismos Nomarchiakis Autodioikisis Rethymnis (C-378/07), Charikleia Giannoudi v Dimos Geropotamou (C-379/07) and Georgios Karabousanos and Sofoklis Michopoulos v Dimos Geropotamou (C-380/07).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:686
Docket NumberC-378/07,C-380/07
Celex Number62007CC0378
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date04 December 2008

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Juliane Kokott

présentées le 4 décembre 2008 (1)

Affaires jointes C-378/07 à C-380/07

Kyriaki Angelidaki e.a.

[demandes de décisions préjudicielles formées par le Monomeles Protodikeio Rethymnis (Grèce)]

«Travail à durée déterminée – Directive 1999/70/CE – Accord-cadre sur les contrats de travail à durée déterminée – Service public – Contrats de travail isolés et contrats de travail à durée déterminée successifs – Raisons objectives – Mesures de prévention d’abus – Mesures légales équivalentes – Clause de non-régression – Sanctions – Interdiction de transformer des contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée – Interprétation conforme à la directive»





I – Introduction

1. La Cour est à nouveau saisie d’un litige acharné concernant la protection des travailleurs employés pour une durée déterminée dans la fonction publique grecque. Cette fois, cependant, l’intérêt porte sur un problème qui, au mieux, n’a été qu’effleuré dans les affaires Adeneler e.a. (2) et Vassilakis e.a. (3) déjà jugées: les dispositions en vigueur en Grèce, relatives au travail à durée déterminée dans le secteur public, sont-elles contraires à la clause de non-régression, inscrite dans le droit communautaire? Il semblerait que l’interprétation – demandée ici à la Cour ? de cette interdiction présente un intérêt dépassant le seul cas de la République hellénique.

2. Le litige porte en particulier sur la disposition grecque selon laquelle, dans le secteur public, des contrats de travail à durée déterminée ne peuvent pas être transformés en contrats à durée indéterminée; désormais, cette disposition est même inscrite dans la Constitution hellénique. La juridiction de renvoi et certaines parties à l’instance estiment, quant à elles, que le droit grec antérieur était bien plus favorable aux travailleurs à durée déterminée que le droit actuellement en vigueur; ils contestent par conséquent la compatibilité du nouveau droit avec des exigences du droit communautaire, et notamment avec la clause de non‑régression.

3. Lors de la réponse aux trois demandes de décisions préjudicielles, le très critiqué arrêt Mangold (4) peut également présenter quelque intérêt. Nous précisons néanmoins d’emblée qu’il n’est pas question, en l’espèce, des passages controversés de cet arrêt relatifs à l’interdiction de la discrimination en fonction de l’âge ni, plus particulièrement, de la justification dogmatique de cette interdiction ou encore de ses conséquences sur les litiges entre particuliers.

II – Cadre juridique

A – Droit communautaire

4. Le cadre juridique pertinent de cette affaire est la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (5). Cette directive met en œuvre l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée (ci-après l’«accord-cadre») conclu le 18 mars 1999 entre trois organisations interprofessionnelles à vocation générale, cet accord‑cadre est joint à la directive en tant qu’annexe.

5. L’accord-cadre sur le travail à durée déterminée se veut être une nouvelle contribution vers un meilleur équilibre entre «la flexibilité du temps de travail et la sécurité des travailleurs» (6). Il repose, d’une part, sur la reconnaissance du fait que «les contrats à durée indéterminée sont et resteront la forme générale de relations d’emploi entre employeurs et travailleurs» (7). D’autre part, l’accord-cadre reconnaît néanmoins que les contrats de travail à durée déterminée «sont une caractéristique de l’emploi dans certains secteurs, occupations et activités qui peuvent convenir à la fois aux travailleurs et aux employeurs» (8). L’accord-cadre repose en outre sur la considération générale suivante: «l’utilisation des contrats de travail à durée déterminée basée sur des raisons objectives est un moyen de prévenir les abus» (9).

6. La clause 1 de l’accord-cadre en définit l’objet comme suit:

«Le présent accord-cadre a pour objet:

a) d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination;

b) d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.»

7. Concernant le champ d’application de l’accord-cadre, sa clause 2 précise en son point 1:

«Le présent accord s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre.»

8. Aux termes de la définition donnée par la clause 3, point 1, constitue un «travailleur à durée déterminée», au sens de l’accord-cadre:

«une personne ayant un contrat ou une relation de travail à durée déterminée conclu directement entre l’employeur et le travailleur où la fin du contrat ou de la relation de travail est déterminée par des conditions objectives telles que l’atteinte d’une date précise, l’achèvement d’une tâche déterminée ou la survenance d’un événement déterminé».

9. La clause 5 de l’accord-cadre porte sur les mesures visant à prévenir l’utilisation abusive de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs:

«1. Afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n’existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d’une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l’une ou plusieurs des mesures suivantes:

a) des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail;

b) la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs;

c) le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail.

2. Les États membres, après consultation des partenaires sociaux et/ou les partenaires sociaux, lorsque c’est approprié, déterminent sous quelles conditions les contrats ou relations de travail à durée déterminée:

a) sont considérés comme ‘successifs’;

b) sont réputés conclus pour une durée indéterminée.»

10. Enfin, la clause 8 de l’accord-cadre, intitulée «Dispositions sur la mise en œuvre», stipule:

«1. Les États membres et/ou les partenaires sociaux peuvent maintenir ou introduire des dispositions plus favorables pour les travailleurs que celles prévues dans le présent accord.

[…]

3. La mise en oeuvre du présent accord ne constitue pas une justification valable pour la régression du niveau général de protection des travailleurs dans le domaine couvert par le présent accord.

[…]»

11. La directive 1999/70 laisse aux États membres le soin de définir en conformité avec leur droit et/ou leurs pratiques nationales les termes employés dans l’accord-cadre sans y être définis de manière spécifique, à condition que lesdites définitions respectent le contenu de l’accord‑cadre (10). Il s’agit ainsi de prendre en compte la situation dans chaque État membre et les circonstances de secteurs et d’occupations particuliers, y compris les activités de nature saisonnière (11).

12. En vertu de l’article 2, premier alinéa, de la directive 1999/70, les États membres ont l’obligation «[de mettre en vigueur] les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 10 juillet 2001» ou de s’assurer, au plus tard à cette date, «que les partenaires sociaux ont mis en place les dispositions nécessaires par voie d’accord». En vertu de l’article 2, deuxième alinéa, les États membres peuvent, si nécessaire et après consultation des partenaires sociaux, pour tenir compte de difficultés particulières ou d’une mise en œuvre par convention collective, disposer au maximum d’une année supplémentaire. La République hellénique a bénéficié d’une telle prorogation du délai d’un an, jusqu’au 10 juillet 2002 (12).

B – Droit national

13. En ce qui concerne le droit hellénique, il convient d’attirer l’attention, d’une part, sur les décrets présidentiels spécialement adoptés pour transposer la directive 1999/70 et, d’autre part, sur l’article 103 de la Constitution hellénique, ainsi que sur diverses dispositions des lois nos 2190/1994, 3250/2004 (13) et 2112/1920.

1. Les décrets présidentiels adoptés aux fins de la transposition de la directive 1999/70

14. Le décret présidentiel nº 81/2003 (14), entré en vigueur le 2 avril 2003, porte «[d]ispositions sur les travailleurs titulaires de contrats à durée déterminée»; en vertu de son article 2, paragraphe 1, il s’appliquait initialement aux «salariés en contrats ou relations de travail à durée déterminée». Le champ d’application a cependant été restreint, par le décret présidentiel ultérieur nº 180/2004 (15) entré en vigueur le 23 août 2004, aux relations de travail du secteur privé (16).

15. C’est par le décret présidentiel nº 164/2004 (17), entré en vigueur le 19 juillet 2004, qu’ont finalement été adoptées des dispositions concernant les travailleurs à durée déterminée du secteur public. Son champ d’application est ainsi fixé par son article 2, paragraphe 1:

«Les dispositions du présent décret sont applicables au personnel du secteur public […] ainsi qu’au personnel des entreprises communales et municipales employé sur la base d’un contrat ou d’une relation de travail salarié à durée déterminée ou sur la base d’un contrat d’entreprise ou de toute autre forme de contrat ou relation de travail qui dissimule un lien de subordination.»

16. Concernant la licéité de contrats successifs dans le secteur public, l’article 5 du décret présidentiel nº 164/2004 contient, entre autres, les dispositions suivantes:

«1. Sont interdits les contrats successifs conclus et...

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