Société de Gestion Industrielle (SGI) v Belgian State.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:26
Date21 January 2010
Celex Number62008CJ0311
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-311/08

Affaire C-311/08

Société de Gestion Industrielle (SGI)

contre

État belge

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le tribunal de première instance de Mons)

«Liberté d’établissement — Libre circulation des capitaux — Fiscalité directe — Législation en matière d’impôt sur le revenu — Détermination du revenu imposable des sociétés — Sociétés se trouvant dans une situation d’interdépendance — Avantage anormal ou bénévole accordé par une société résidente à une société établie dans un autre État membre — Ajout du montant de l’avantage en cause aux bénéfices propres de la société résidente l’ayant accordé — Répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres — Lutte contre l’évasion fiscale — Prévention des pratiques abusives — Proportionnalité»

Sommaire de l'arrêt

1. Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Dispositions du traité — Champ d'application

(Art. 43 CE, 48 CE et 56 CE)

2. Droit communautaire — Principes — Égalité de traitement — Discrimination en raison de la nationalité — Relation entre l'article 12 CE et les articles 43 CE et 56 CE

(Art. 12 CE, 43 CE et 56 CE)

3. Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Législation fiscale — Impôt sur les revenus

(Art. 43 CE et 48 CE)

1. Une réglementation d’un État membre, en vertu de laquelle un avantage anormal ou bénévole est imposé dans le chef de la société résidente lorsque celui-ci a été consenti à une société établie dans un autre État membre, à l’égard de laquelle cette première société se trouve directement ou indirectement dans des liens d’interdépendance, et ne l'est pas lorsque celui-ci a été consenti à une autre société résidente, à l’égard de laquelle cette première société se trouve dans de tels liens, doit être examinée à la lumière des seuls articles 43 CE et 48 CE, dès lors que le litige concerné porte exclusivement sur l'impact de ladite réglementation sur le traitement fiscal d'une société entretenant avec les autres sociétés concernées un lien d'interdépendance caractérisé par l'exercice d'une influence certaine. En effet, si une telle réglementation est susceptible d'affecter également l'exercice d'autres libertés de circulation et, notamment, celle de la libre circulation des capitaux au sens de l'article 56 CE, toutefois, dans une telle situation, les articles 43 CE et 48 CE trouvent à s'appliquer.

(cf. points 30, 36-37)

2. L'article 12 CE n'a vocation à s'appliquer de façon autonome que dans des situations régies par le droit communautaire pour lesquelles le traité CE ne prévoit pas de règles spécifiques de non-discrimination. Or, les articles 43 CE et 56 CE prévoient de telles règles spécifiques de non-discrimination dans les domaines relevant de la liberté d'établissement et de la libre circulation des capitaux.

(cf. points 31-32)

3. L’article 43 CE, lu en combinaison avec l’article 48 CE, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas en principe à une réglementation d’un État membre, en vertu de laquelle un avantage anormal ou bénévole est imposé dans le chef de la société résidente lorsque celui-ci a été consenti à une société établie dans un autre État membre, à l’égard de laquelle cette première société se trouve directement ou indirectement dans des liens d’interdépendance, tandis qu’une société résidente ne saurait être imposée sur un tel avantage lorsque celui-ci a été consenti à une autre société résidente, à l’égard de laquelle cette première société se trouve dans de tels liens.

Une telle différence de traitement fiscal entre les sociétés résidentes en fonction du lieu du siège des sociétés bénéficiant des avantages anormaux ou bénévoles constitue certes une restriction à la liberté d'établissement au sens de l'article 43 CE, lu en combinaison avec l'article 48 CE. En effet, une société résidente pourrait être amenée à renoncer à l’acquisition, à la création ou au maintien d’une filiale dans un autre État membre ou bien à l’acquisition ou au maintien d’une participation substantielle dans une société établie dans ce dernier État, en raison de la charge fiscale frappant, dans une situation transfrontalière, l’octroi des avantages visés par cette réglementation. En outre, une telle réglementation est susceptible de produire un effet restrictif à l’égard des sociétés établies dans d’autres États membres, dès lors qu'une telle société pourrait être amenée à renoncer à l’acquisition, à la création ou au maintien d’une filiale dans l'État membre concerné ou bien à l’acquisition ou au maintien d’une participation substantielle dans une société établie dans ce dernier État, en raison de la charge fiscale frappant, dans cet État, l’octroi des avantages visés par cette réglementation. En tout état de cause, il subsiste, dans une situation transfrontalière, le risque d’une double imposition, car les avantages anormaux ou bénévoles accordés par une société résidente et réintégrés dans les bénéfices propres de celle-ci sont susceptibles d’être soumis à l’impôt dans l’État membre de l’établissement de la société bénéficiaire, dans le chef de celle-ci.

Toutefois, au vu de la nécessité de sauvegarder la répartition équilibrée du pouvoir d'imposition entre les États membres et de celle de prévenir l'évasion fiscale, prises ensemble, une telle réglementation poursuit des objectifs légitimes compatibles avec le traité et relevant de raisons impérieuses d’intérêt général et est propre à garantir la réalisation de ces objectifs. En effet, permettre aux sociétés résidentes de transférer leurs bénéfices sous la forme d’avantages anormaux ou bénévoles vers des sociétés entretenant un lien d’interdépendance avec celles-ci et établies dans d’autres États membres risquerait de compromettre une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres. Cela serait susceptible de compromettre le système même de la répartition du pouvoir d’imposition entre les États membres, puisque, au gré du choix opéré par les sociétés se trouvant dans des liens d’interdépendance, l’État membre de la société accordant des avantages anormaux ou bénévoles serait contraint de renoncer à son droit d’imposer, en tant qu’État de résidence de cette société, les revenus de celle-ci, au profit, éventuellement, de l’État membre du siège de la société bénéficiaire. En prévoyant l’imposition d’un avantage anormal ou bénévole dans le chef de la société résidente ayant consenti cet avantage à une société établie dans un autre État membre, la réglementation permet à l’État concerné d’exercer sa compétence fiscale en relation avec les activités réalisées sur son territoire.

Par ailleurs, permettre aux sociétés résidentes de consentir des avantages anormaux ou bénévoles à des sociétés entretenant un lien d’interdépendance avec celles-ci et établies dans d’autres États membres, sans prévoir aucune mesure fiscale correctrice, comporte le risque que, au moyen des constructions artificielles, des transferts de revenus soient organisés au sein des sociétés se trouvant dans une situation d’interdépendance en direction de celles établies dans des États membres appliquant les taux d’imposition les plus faibles ou dans les États membres où ces revenus ne seraient pas imposés.

Il appartient cependant à la juridiction de renvoi de vérifier qu'une telle réglementation ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis par celle-ci, pris ensemble. À cet égard, une législation nationale qui se fonde sur un examen d’éléments objectifs et vérifiables pour déterminer si une transaction présente le caractère d’une construction artificielle à des fins fiscales doit être considérée comme n’allant pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs relatifs à la nécessité de sauvegarder la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres et à celle de prévenir l’évasion fiscale, pris ensemble, lorsque, en premier lieu, dans chaque cas où existe un soupçon qu’une transaction dépasse ce que les sociétés concernées auraient convenu dans des circonstances de pleine concurrence, le contribuable est mis en mesure, sans être soumis à des contraintes administratives excessives, de produire des éléments concernant les éventuelles raisons commerciales pour lesquelles cette transaction a été conclue. En second lieu, lorsque la vérification de tels éléments aboutit à la conclusion que la transaction en cause dépasse ce que les sociétés concernées auraient convenu dans des circonstances de pleine concurrence, la mesure fiscale correctrice doit se limiter à la fraction qui dépasse ce qui aurait été convenu en l’absence d’une situation d’interdépendance entre celles-ci. Dans ces conditions, sous réserve des vérifications à effectuer par la juridiction nationale sur ces deux derniers points, lesquels concernent l’interprétation et l’application du droit national, une telle réglementation nationale est proportionnée par rapport à l’ensemble des objectifs poursuivis par celle-ci.

(cf. points 44-45, 53, 55, 63-64, 67, 69-72, 75-76 et disp.)







SGI

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

21 janvier 2010 (*)

«Liberté d’établissement – Libre circulation des capitaux – Fiscalité directe – Législation en matière d’impôt sur le revenu − Détermination du revenu imposable des sociétés − Sociétés se trouvant dans une situation d’interdépendance − Avantage anormal ou bénévole accordé par une société résidente à une société établie dans un autre État membre − Ajout du montant de l’avantage en cause aux bénéfices propres de la société résidente l’ayant accordé − Répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres − Lutte contre l’évasion fiscale − Prévention des pratiques abusives − Proportionnalité»

Dans l’affaire C‑311/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le tribunal de première instance de Mons (Belgique), par décision du 19 juin 2007, parvenue...

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