Société de Gestion Industrielle (SGI) v Belgian State.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:545
Date10 September 2009
Celex Number62008CC0311
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-311/08

CONCLUSIONS DE MME KOKOTTT – AFFAIRE C-311/08

SGI

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Juliane Kokott

présentées le 10 septembre 2009 (1)

Affaire C‑311/08

Société de Gestion Industrielle (SGI)

contre

État belge

[demande de décision préjudicielle formée par le tribunal de première instance de Mons (Belgique)]

«Fiscalité directe – Liberté d’établissement – Libre circulation des capitaux – Traitement fiscal d’un avantage anormal ou bénévole consenti par une société résidente à une société ayant son siège dans un autre État membre à l’égard de laquelle la première société se trouve dans des liens d'interdépendance – Préservation d’une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres – Lutte contre des pratiques abusives»





I – Introduction

1. Une opération par laquelle une société consent des avantages anormaux ou bénévoles à une société à l’égard de laquelle elle se trouve dans des liens d'interdépendance peut influencer la base d’imposition des sociétés intéressées. La société qui consent l’avantage peut diminuer ses revenus ou procéder à une déduction équivalente à titre de frais d’exploitation, réduisant ainsi sa charge fiscale. En revanche, il y a lieu de s’attendre à ce que l’opération accroisse la base d’imposition de la société bénéficiaire.

2. Si les sociétés qui participent à l’opération sont établies dans des États membres différents, l’octroi d’un avantage anormal ou bénévole peut donc entraîner un déplacement de la matière imposable d’un État à un autre.

3. La réglementation belge appliquée dans l’affaire au principal s’oppose à un tel effet. Partant du principe dit «de pleine concurrence» («arm’s length principle»), elle rectifie à des fins fiscales l’octroi de tels avantages entre des sociétés interdépendantes – surtout si la société favorisée a son siège à l’étranger. Le tribunal de grande instance de Mons (Belgique) demande donc si une telle disposition est compatible avec la liberté d’établissement et la libre circulation des capitaux.

4. Il convient, dans cet exercice, de vérifier si une éventuelle restriction des libertés fondamentales est justifiée. Les États membres intéressés à la procédure et la Commission des Communautés européennes se réfèrent à ce sujet, d’une part, à la préservation d’une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres et, d’autre part, à la lutte contre les pratiques abusives. La présente affaire offre donc l’occasion d’observer de plus près le lien entre ces motifs justificatifs.

II – Cadre juridique

A – Le modèle de convention de l’OCDE

5. Le principe de pleine concurrence trouve l’expression suivante à l’article 9 du modèle de convention de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) visant à éviter la double imposition en matière d’impôts sur le revenu:

«1. Lorsque

a) une entreprise d’un État contractant participe directement ou indirectement à la direction, au contrôle ou au capital d’une entreprise de l’autre État contractant, ou que

b) les mêmes personnes participent directement ou indirectement à la direction, au contrôle ou au capital d’une entreprise d’un État contractant et d’une entreprise de l’autre État contractant,

et que, dans l’un et l’autre cas, les deux entreprises sont, dans leurs relations commerciales ou financières, liées par des conditions convenues ou imposées, qui diffèrent de celles qui seraient convenues entre des entreprises indépendantes, les bénéfices qui, sans ces conditions, auraient été réalisés par l’une des entreprises mais n’ont pu l’être en fait à cause de ces conditions, peuvent être inclus dans les bénéfices de cette entreprise et imposés en conséquence.

2. Lorsqu’un État contractant inclut dans les bénéfices d'une entreprise de cet État – et impose en conséquence – des bénéfices sur lesquels une entreprise de l’autre État contractant a été imposée dans cet autre État, et que les bénéfices ainsi inclus sont des bénéfices qui auraient été réalisés par l’entreprise du premier État si les conditions convenues entre les deux entreprises avaient été celles qui auraient été convenues entre des entreprises indépendantes, l’autre État procède à un ajustement approprié du montant de l’impôt qui y a été perçu sur ces bénéfices. Pour déterminer cet ajustement, il est tenu compte des autres dispositions de la présente convention et, si c’est nécessaire, les autorités compétentes des États contractants se consultent.»

B – La convention d’arbitrage des États membres

6. Les États membres de la Communauté européenne ont pris la règle de l’article 9 du modèle de convention de l’OCDE comme exemple pour la convention 90/436/CEE, du 23 juillet 1990, relative à l’élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d'entreprises associées (2) (ci-après la «convention d’arbitrage». Tous les États membres ont conclu cette convention, fondée sur l’article 220 du traité CEE (devenu article 220 CE puis article 293 CE), ou y ont adhéré (3).

7. L’article 4, paragraphe 1, de la convention d’arbitrage correspond textuellement à l’article 9, paragraphe 1, du modèle de convention de l’OCDE. Si une correction de bénéfice en application de l’article 4 entraîne une double imposition, il y a lieu, à la demande d’une entreprise concernée, d’entreprendre une procédure amiable et, le cas échéant, une procédure d’arbitrage entre les administrations fiscales des États membres intéressés (articles 6 et 7 de la convention d’arbitrage).

C – Le droit belge

8. L’article 26 du code des impôts sur le revenu 1992 (ci-après le «CIR 92») se lit ainsi :

«Sous réserve des dispositions de l’article 54, lorsqu'une entreprise établie en Belgique accorde des avantages anormaux ou bénévoles, ceux-ci sont ajoutés à ses bénéfices propres, sauf si les avantages interviennent pour déterminer les revenus imposables des bénéficiaires. Nonobstant la restriction prévue à l’alinéa 1er, sont ajoutés aux bénéfices propres les avantages anormaux ou bénévoles qu’elle accorde à:

1° un contribuable visé à l'article 227 à l’égard duquel l’entreprise établie en Belgique se trouve directement ou indirectement dans des liens quelconques d’interdépendance;

2° un contribuable visé à l'article 227 ou à un établissement étranger, qui, en vertu des dispositions de la législation du pays où ils sont établis, n’y sont pas soumis à un impôt sur les revenus ou y sont soumis à un régime fiscal notablement plus avantageux que celui auquel est soumise l'entreprise établie en Belgique;

3° un contribuable visé à l'article 227 qui a des intérêts communs avec le contribuable ou l'établissement visés au 1° ou au 2°.»

9. D’après la jurisprudence nationale, un avantage accordé est considéré comme anormal lorsqu’il est contraire à l'ordre habituel des choses ou aux règles et aux usages commerciaux établis, eu égard aux circonstances. Un avantage bénévole est un avantage qui est consenti sans obligation correspondante ni contrepartie (4).

10. L’article 227 du CIR 92 définit ainsi les non-résidents:

«2° les sociétés étrangères [...] qui n'ont pas en Belgique leur siège social, leur principal établissement ou leur siège de direction ou d'administration».

11. L’article 49, paragraphe 1, du CIR 92 se lit ainsi:

«À titre de frais professionnels sont déductibles les frais que le contribuable a faits ou supportés pendant la période imposable en vue d'acquérir ou de conserver les revenus imposables et dont il justifie la réalité et le montant au moyen de documents probants ou, quand cela n'est pas possible, par tous autres moyens de preuve admis par le droit commun, sauf le serment.

Sont considérés comme ayant été faits ou supportés pendant la période imposable, les frais qui, pendant cette période, sont effectivement payés ou supportés ou qui ont acquis le caractère de dettes ou pertes certaines et liquides et sont comptabilisés comme telles.»

12. L’article 79 du CIR 92 limite la déduction des pertes par le bénéficiaire d’un avantage anormal ou bénévole:

«Aucune déduction au titre de pertes professionnelles ne peut être opérée sur la partie des bénéfices ou profits qui provient d'avantages anormaux ou bénévoles que le contribuable a retirés, directement ou indirectement, sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, d'une entreprise à l'égard de laquelle il se trouve directement ou indirectement dans des liens d'interdépendance.»

13. L’article 207 du CIR 92 exclut en outre d’autres déductions de bénéfices provenant d’avantages anormaux ou bénévoles.

III – Faits et questions préjudicielles

14. La SA Société de Gestion Industrielle (SGI) est une société holding de droit belge, active dans le secteur de la métallurgie. Elle détient 65 % des parts de la société anonyme française Recydem et fait partie du conseil d’administration de celle-ci. La société anonyme luxembourgeoise Cobelpin est membre du conseil d’administration de SGI et l’un de ses administrateurs délégués. Cobelpin détient en outre 34 % des parts de SGI. Le second administrateur délégué de SGI est M. Domenico Leone. Il fait partie en même temps des conseils d’administration de Cobelpin et de Recydem.

15. À la suite d’un contrôle, les autorités fiscales belges ont adressé à SGI, le 13 octobre 2003, deux avis de rectification pour les exercices d'imposition 2001 et 2002. Entre autres constatations, le bénéfice de SGI a été accru de 1 891 806 BEF (46 897 euros) en application de l’article 26 du CIR 92. Ce montant correspond à des intérêts au taux annuel de 5 % sur une somme de 37 836 113 BEF que SGI avait versée à Recydem à titre d’avance sans intérêts.

16. La juridiction de renvoi considère que l’administration a correctement appliqué l’article 26 du CIR 92 en réintégrant les intérêts. De plus, elle ne voit aucune justification économique à l’octroi par SGI d’une avance sans intérêts à Recydem. Alors que Recydem se trouvait dans une situation financière équilibrée pendant la période en cause...

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