Ioan Tatu v Statul român prin Ministerul Finanţelor şi Economiei and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:219
Docket NumberC-402/09
Celex Number62009CJ0402
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date07 April 2011

Affaire C-402/09

Ioan Tatu

contre

Statul român prin Ministerul Finanţelor şi Economiei e.a.

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunalul Sibiu)

«Impositions intérieures — Article 110 TFUE — Taxe sur la pollution prélevée lors de la première immatriculation de véhicules automobiles — Neutralité de la taxe entre véhicules automobiles d’occasion importés et véhicules similaires se trouvant déjà sur le marché national»

Sommaire de l'arrêt

1. Dispositions fiscales — Impositions intérieures — Taxe sur la pollution frappant des véhicules automobiles lors de leur première immatriculation sur le territoire national

(Art. 110 TFUE)

2. Dispositions fiscales — Impositions intérieures — Interdiction de discrimination entre produits importés et produits nationaux similaires — Produits similaires — Notion

(Art. 110 TFUE)

3. Dispositions fiscales — Impositions intérieures — Taxe sur la pollution frappant des véhicules automobiles lors de leur première immatriculation sur le territoire national

(Art. 110 TFUE)

1. L’article 110 TFUE interdit à chaque État membre de frapper les produits des autres États membres d’impositions intérieures supérieures à celles qui frappent les produits nationaux similaires. Cette disposition du traité vise à garantir la parfaite neutralité des impositions intérieures au regard de la concurrence entre produits se trouvant déjà sur le marché national et produits importés. S'agissant, en particulier, de la taxation des véhicules automobiles d'occasion, il y a violation de l’article 110 TFUE lorsque le montant de la taxe frappant un véhicule d’occasion importé excède le montant résiduel de la taxe incorporé dans la valeur des véhicules d’occasion similaires déjà immatriculés sur le territoire national.

À cet égard, un système instaurant une taxe sur la pollution frappant les véhicules automobiles lors de leur première immatriculation sur le territoire national, qui prend en compte, dans le calcul de cette taxe, la dépréciation du véhicule automobile par l’emploi de barèmes forfaitaires, détaillés et statistiquement fondés portant sur les éléments relatifs à l’ancienneté et au kilométrage annuel moyen réel de ce véhicule, auxquels peut être ajoutée, sur demande de l’assujetti et à la charge financière de celui-ci, la réalisation d’une expertise sur l’état général dudit véhicule et de ses équipements, assure que cette taxe, lorsqu’elle frappe les véhicules d’occasion importés, n’excède pas le montant résiduel de ladite taxe incorporé dans la valeur des véhicules d’occasion similaires qui ont été immatriculés auparavant sur le territoire national et ont été soumis, lors de cette immatriculation, à la même taxe et ne crée, dès lors, aucune discrimination indirecte entre les véhicules automobiles d'occasion importés et ces derniers.

(cf. points 35, 38-39, 47)

2. Les véhicules automobiles présents sur le marché dans un État membre sont des «produits nationaux» de celui-ci, au sens de l’article 110 TFUE. Lorsque ces produits sont mis en vente sur le marché des véhicules d’occasion de cet État membre, ils doivent être considérés comme des «produits similaires» aux véhicules d’occasion importés de même type, de mêmes caractéristiques et de même usure. En effet, les véhicules d’occasion achetés sur le marché dudit État membre et ceux achetés, aux fins de l’importation et de la mise en circulation dans celui-ci, dans d’autres États membres, constituent des produits concurrents.

(cf. point 55)

3. L’article 110 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre instaure une taxe sur la pollution frappant des véhicules automobiles lors de leur première immatriculation dans cet État membre, si cette mesure fiscale est aménagée de telle manière qu’elle décourage la mise en circulation, dans ledit État membre, de véhicules d’occasion achetés dans d’autres États membres, sans pour autant décourager l’achat de véhicules d’occasion de même ancienneté et de même usure sur le marché national.

L’article 110 TFUE serait vidé de son sens et de son objectif s’il était loisible aux États membres d’instaurer de nouvelles taxes qui ont pour objet ou pour effet de décourager la vente de produits importés au profit de la vente de produits similaires disponibles sur le marché national et introduits sur celui-ci avant l’entrée en vigueur desdites taxes. Une telle situation permettrait aux États membres de contourner, par l’instauration d’impositions intérieures aménagées de manière telle qu’elles aient l’effet décrit ci-dessus, les interdictions énoncées aux articles 28 TFUE, 30 TFUE et 34 TFUE.

À cet égard, une réglementation nationale qui a pour effet que des véhicules d’occasion importés et caractérisés par une ancienneté et une usure importantes sont, malgré l’application d’une réduction élevée du montant de la taxe afin de tenir compte de leur dépréciation, frappés d’une taxe qui peut avoisiner 30 % de leur valeur marchande, tandis que des véhicules similaires mis en vente sur le marché national des véhicules d’occasion ne sont aucunement grevés d’une telle charge fiscale, a pour effet de dissuader l’importation et la mise en circulation en territoire national de véhicules d’occasion achetés dans d’autres États membres.

(cf. points 53, 58, 61 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

7 avril 2011 (*)

«Impositions intérieures – Article 110 TFUE – Taxe sur la pollution prélevée lors de la première immatriculation de véhicules automobiles – Neutralité de la taxe entre véhicules automobiles d’occasion importés et véhicules similaires se trouvant déjà sur le marché national»

Dans l’affaire C‑402/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Tribunalul Sibiu (Roumanie), par décision du 18 juin 2009, parvenue à la Cour le 16 octobre 2009, dans la procédure

Ioan Tatu

contre

Statul român prin Ministerul Finanţelor şi Economiei,

Direcţia Generală a Finanţelor Publice Sibiu,

Administraţia Finanţelor Publice Sibiu,

Administraţia Fondului pentru Mediu,

Ministerul Mediului,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. J.-J. Kasel, M. Ilešič (rapporteur), E. Levits et M. Safjan, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 octobre 2010,

considérant les observations présentées:

– pour M. Tatu, par Me D. Târşia, avocat,

– pour le gouvernement roumain, par M. A. Popescu et Mme E. Gane, en qualité d’agents, ainsi que par M. V. Angelescu, en qualité de conseiller,

– pour le gouvernement tchèque, par M. M. Smolek et Mme K. Havlíčková, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par M. D. Triantafyllou et Mme L. Bouyon, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 27 janvier 2011,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 90 CE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Tatu au Statul român prin Ministerul Finanţelor şi Economiei (État roumain représenté par le ministère de l’Économie et des Finances), à la Direcţia Generală a Finanţelor Publice Sibiu (direction générale des finances publiques de Sibiu), à l’Administraţia Finanţelor Publice Sibiu (administration des finances publiques de Sibiu), à l’Administraţia Fondului pentru Mediu (administration du fonds pour l’environnement) et au Ministerul Mediului (ministère de l’Environnement), au sujet d’une taxe que M. Tatu a dû acquitter lors de l’immatriculation d’un véhicule automobile provenant d’un autre État membre.

Le cadre juridique

La réglementation de l’Union

3 Les «normes de pollution européennes» reflètent les limites acceptables d’émission de gaz d’échappement de véhicules automobiles neufs vendus dans les États membres de l’Union européenne. La première de ces normes (communément appelée «Euro 1») a été introduite par la directive 91/441/CEE du Conseil, du 26 juin 1991, modifiant la directive 70/220/CEE concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux mesures à prendre contre la pollution de l’air par les émissions des véhicules à moteur (JO L 242, p. 1), qui est entrée en vigueur le 1er janvier 1992. Depuis, les règles en la matière sont devenues progressivement plus rigoureuses, dans le but d’améliorer la qualité de l’air dans l’Union.

4 La norme «Euro 2» a été instituée avec effet au 1er janvier 1996. Le législateur communautaire a, ensuite, introduit de nouvelles normes. En application du règlement (CE) n° 715/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2007, relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules (JO L 171, p. 1), la limite actuellement en vigueur est celle de la norme «Euro 5» et la mise en application d’une norme «Euro 6» est prévue pour l’année 2014.

5 Par ailleurs, la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 septembre 2007, établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules (directive-cadre) (JO L 263, p. 1), distingue les véhicules de catégorie M, comprenant les «[véhicules automobiles] pour le transport de passagers et ayant au moins quatre roues», de ceux de catégorie N, laquelle comprend les «[véhicules automobiles] pour le transport de marchandises et ayant au moins quatre roues». Ces catégories font l’objet de subdivisions selon le nombre de places assises et le poids maximal (catégorie M), ou selon le poids maximal seulement (catégorie N).

La réglementation nationale

6 L’ordonnance d’urgence du gouvernement n° 50/2008 établissant la taxe sur la pollution des véhicules...

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