European Commission v Republic of Austria.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:631
Docket NumberC‑614/10
Date16 October 2012
Celex Number62010CJ0614
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
CourtCourt of Justice (European Union)
62010CJ0614

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

16 octobre 2012 ( *1 )

«Manquement d’État — Directive 95/46/CE — Traitement des données à caractère personnel et libre circulation de ces données — Protection des personnes physiques — Article 28, paragraphe 1 — Autorité nationale de contrôle — Indépendance — Autorité de contrôle et chancellerie fédérale — Liens personnels et organisationnels»

Dans l’affaire C‑614/10,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 22 décembre 2010,

Commission européenne, représentée par MM. B. Martenczuk et B.-R. Killmann, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

soutenue par:

Contrôleur européen de la protection des données (CEPD), représenté par M. H. Kranenborg, Mme I. Chatelier et M. H. Hijmans, en qualité d’agents,

partie intervenante,

contre

République d’Autriche, représentée par M. G. Hesse, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenue par:

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. T. Henze et J. Möller, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, K. Lenaerts (rapporteur), vice-président, MM. A. Tizzano, M. Ilešič, G. Arestis, Mme M. Berger, M. E. Jarašiūnas, présidents de chambre, MM. E. Juhász, A. Borg Barthet, J.-C. Bonichot, M. Safjan, D. Šváby et Mme A. Prechal, juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 avril 2012,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 3 juillet 2012,

rend le présent

Arrêt

1

Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en ne prenant pas toutes les dispositions nécessaires pour que la législation en vigueur en Autriche satisfasse au critère d’indépendance concernant la Datenschutzkommission (commission de protection des données, ci-après la «DSK»), instituée en tant qu’autorité de contrôle de la protection des données à caractère personnel, la République d’Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 28, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (JO L 281, p. 31).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

2

L’article 28, paragraphe 1, de la directive 95/46, intitulé «Autorité de contrôle», dispose:

«Chaque État membre prévoit qu’une ou plusieurs autorités publiques sont chargées de surveiller l’application, sur son territoire, des dispositions adoptées par les États membres en application de la présente directive.

Ces autorités exercent en toute indépendance les missions dont elles sont investies.»

3

Le règlement (CE) no 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1), instaure, à son chapitre V, une autorité de contrôle indépendante, à savoir le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD).

4

L’article 43 du règlement no 45/2001, qui régit le statut et les conditions générales d’exercice des fonctions du CEPD, dispose, à son paragraphe 3:

«Le budget du [CEPD] figure sur une ligne spécifique de la section VIII du budget général de l’Union européenne.»

Le droit autrichien

La loi constitutionnelle fédérale

5

L’article 20, paragraphe 2, de la loi constitutionnelle fédérale (Bundes-Verfassungsgesetz, ci-après le «BVG»), dans sa version modifiée du 1er janvier 2008, est libellé comme suit:

«La loi peut exempter de l’obligation de respecter les instructions d’organes supérieurs, les organes

[…]

2. contrôlant le respect des lois en vigueur par l’administration et la passation des marchés publics,

3. statuant en dernier ressort, lorsqu’ils sont organisés d’une manière collégiale, comptent au moins un juge et que leurs décisions ne peuvent faire l’objet ni d’une annulation ni d’une modification administratives,

[…]

8. dans la mesure où le droit de l’Union européenne l’exige.

La loi constitutionnelle d’un Land peut créer d’autres organes autonomes. La loi prévoit un droit de surveillance approprié de la mission de l’organe autonome par les organes supérieurs, à tout le moins le droit de s’informer de tous les aspects de la gestion des organes autonomes, et – dans la mesure où il ne s’agit pas d’organes visés aux points 2, 3 et 8 – le droit de révoquer des organes autonomes pour motif grave.»

La loi de 1979 relative au statut des fonctionnaires

6

L’article 45, paragraphe 1, de la loi de 1979 relative au statut des fonctionnaires (Beamten-Dienstrechtsgesetz 1979, ci-après le «BDG 1979») dispose:

«Le supérieur hiérarchique veille à ce que ses collaborateurs s’acquittent des tâches qui leur incombent dans le respect des lois et d’une manière efficace et économe. Il guide ses collaborateurs dans l’exercice de leurs fonctions, leur donne au besoin des instructions, remédie aux éventuelles fautes et carences, et veille au respect du temps de travail. Il favorise l’avancement de ses collaborateurs en fonction de leurs performances et les oriente vers les tâches correspondant le plus à leurs capacités.»

La loi de 2000 sur la protection des données

7

La loi de 2000 sur la protection des données (Datenschutzgesetz 2000, ci-après le «DSG 2000») vise à transposer la directive 95/46 en droit autrichien.

8

Conformément à l’article 36, paragraphe 1, du DSG 2000, la DSK est composée de six membres qui sont désignés par le président fédéral, sur proposition du gouvernement fédéral, pour un mandat de cinq ans.

9

En vertu de l’article 36, paragraphe 2, du DSG 2000, cinq membres de la DSK sont proposés par les autorités représentant légalement des intérêts professionnels, par les Länder autrichiens et par le président de l’Oberster Gerichtshof. Selon l’article 36, paragraphe 3, du DSG 2000, le sixième membre «est proposé parmi les fonctionnaires fédéraux juristes».

10

Étant conçue comme une activité à temps partiel, la fonction de membre de la DSK est, conformément à l’article 36, paragraphe 3 bis, du DSG 2000, exercée parallèlement à d’autres activités professionnelles.

11

En vertu de l’article 37, paragraphe 1, du DSG 2000, les membres de la DSK «sont indépendants et ne sont liés par aucune instruction dans l’exercice de leur fonction». L’article 37, paragraphe 2, du DSG 2000 dispose que les agents du bureau de la DSK «ne sont soumis qu’aux instructions techniques du président ou du membre administrateur de la [DSK]».

12

L’article 38, paragraphe 1, du DSG 2000 dispose que la DSK adopte un règlement intérieur confiant la gestion des affaires courantes à l’un de ses membres, le «membre administrateur».

13

L’article 38, paragraphe 2, du DSG 2000 dispose:

«À l’appui de la gestion de la [DSK], le chancelier fédéral crée un bureau et met à sa disposition l’équipement et le personnel nécessaires. Il a le droit de s’informer à tout moment, auprès du président et du membre administrateur, de tous les aspects de la gestion de la [DSK]».

Le règlement intérieur de la DSK

14

L’article 4, paragraphe 1, du règlement intérieur de la DSK dispose que le fonctionnaire fédéral désigné conformément à l’article 36, paragraphe 3, du DSG 2000 exerce la fonction de membre administrateur.

15

L’article 7, paragraphe 1, de ce règlement intérieur prévoit que, sans préjudice de la tutelle de service exercée par la chancellerie fédérale, les agents du bureau ne reçoivent des instructions que du président ou du membre administrateur de la DSK.

La procédure précontentieuse

16

Le 5 juillet 2005, la Commission a adressé une lettre de mise en demeure à la République d’Autriche dans laquelle elle faisait valoir que l’organisation, en droit et en fait, de la DSK ne satisfaisait pas au critère d’indépendance exigé à l’article 28, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 95/46.

17

Par lettre du 2 novembre 2005, la République d’Autriche a transmis à la Commission ses observations en réponse, affirmant que la DSK répondait aux exigences de ladite directive.

18

Le 8 janvier 2008, la Commission a adressé une nouvelle lettre de mise en demeure à la République d’Autriche, l’invitant à lui fournir de plus amples informations sur les conséquences pour la DSK de l’entrée en vigueur de la modification du BVG du 1er janvier 2008.

19

Dans ses observations complémentaires des 9 janvier et 7 mars 2008, la République d’Autriche a expliqué que la version modifiée de l’article 20, paragraphe 2, du BVG n’avait aucune incidence sur l’indépendance de la DSK.

20

La Commission a ensuite adressé, le 9 octobre 2009, un avis motivé à la République d’Autriche, réitérant les griefs précédemment formulés.

21

L’argumentation développée par la République d’Autriche dans sa lettre du 9 décembre 2009 en réponse à l’avis motivé n’ayant pas emporté la conviction de la Commission, celle-ci a introduit le présent recours.

22

Par ordonnance du président de la Cour du 18 mai 2011, la République fédérale d’Allemagne a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la République d’Autriche.

23

Par ordonnance du président de la Cour du 7 juillet 2011, le CEPD a été admis à intervenir au...

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