Jorge Sales Sinués and Youssouf Drame Ba v Caixabank SA and Catalunya Caixa SA (Catalunya Banc S.A.).
Jurisdiction | European Union |
Court | Court of Justice (European Union) |
Date | 14 April 2016 |
ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
14 avril 2016 ( *1 )
«Renvoi préjudiciel — Directive 93/13/CEE — Contrats conclus entre professionnels et consommateurs — Contrats hypothécaires — Clause plancher — Examen de la clause en vue de son invalidation — Procédure collective — Action en cessation — Suspension de la procédure individuelle ayant le même objet»
Dans les affaires jointes C‑381/14 et C‑385/14,
ayant pour objet des demandes de décisions préjudicielles au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Juzgado de lo Mercantil no 9 de Barcelona (tribunal de commerce no 9 de Barcelone, Espagne), par décisions du 27 juin 2014, parvenues à la Cour les 11 et 12 août 2014, dans les procédures
Jorge Sales Sinués
contre
Caixabank SA (C‑381/14),
et
Youssouf Drame Ba
contre
Catalunya Caixa SA (Catalunya Banc SA) (C‑385/14),
LA COUR (première chambre),
composée de M. A. Tizzano, vice-président de la Cour, faisant fonction de président de chambre, MM. F. Biltgen, A. Borg Barthet, E. Levits (rapporteur) et S. Rodin, juges,
avocat général: M. M. Szpunar,
greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 septembre 2015,
considérant les observations présentées:
— |
pour M. Sales Sinués, par Mes D. Cirera Mora et F. Pertínez Vílchez, abogados, |
— |
pour Caixabank SA, par M. J. Fontquerni Bas, conseil, assisté de Me A. Ferreres Comella, abogado, |
— |
pour Catalunya Caixa SA, par Mes J.M. Rodríguez Cárcamo et I. Fernández de Senespleda, abogados, |
— |
pour le gouvernement espagnol, par Mme A. Gavela Llopis, en qualité d’agent, |
— |
pour la Commission européenne, par MM. J. Baquero Cruz et M. van Beek, en qualité d’agents, |
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 janvier 2015,
rend le présent
Arrêt
1 |
Les demandes de décisions préjudicielles portent sur l’interprétation de l’article 7 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29). |
2 |
Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant, d’une part, M. Sales Sinués à Caixabank SA et, d’autre part, M. Drame Ba à Catalunya Caixa SA au sujet de la nullité de clauses contractuelles figurant dans des contrats de prêt hypothécaire. |
Le cadre juridique
3 |
L’article 3 de la directive 93/13 est rédigé comme suit: «1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. 2. Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion. [...]» |
4 |
L’article 4, paragraphe 1, de ladite directive précise: «Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.» |
5 |
L’article 6, paragraphe 1, de la même directive dispose: «Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives.» |
6 |
En vertu de l’article 7 de la directive 93/13: «1. Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. 2. Les moyens visés au paragraphe 1 comprennent des dispositions permettant à des personnes ou à des organisations ayant, selon la législation nationale, un intérêt légitime à protéger les consommateurs de saisir, selon le droit national, les tribunaux ou les organes administratifs compétents afin qu’ils déterminent si des clauses contractuelles, rédigées en vue d’une utilisation généralisée, ont un caractère abusif et appliquent des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation de telles clauses. [...]» |
Le droit espagnol
7 |
L’article 43 du code de procédure civile (Ley de enjuiciamiento civil), du 7 janvier 2000 (BOE no 7, du 8 janvier 2000, p. 575), dispose: «[L]orsque, pour statuer sur l’objet du litige, il est nécessaire de trancher une question qui constitue elle-même l’objet principal d’une autre procédure pendante devant le même tribunal ou un autre tribunal, si la jonction d’affaires est impossible, le tribunal peut décider par voie d’ordonnance, à la demande des deux parties ou de l’une d’entre elles, après avoir entendu la partie adverse, de suspendre l’affaire au stade de son avancement jusqu’à ce que la procédure portant sur la question préjudicielle soit close.» |
8 |
L’article 221 du code de procédure civile, relatif aux effets des jugements prononcés dans le cadre de procédure intentées par des associations de consommateurs et d’utilisateurs, est rédigé comme suit: «[...] 1a. S’il est conclu à une condamnation pécuniaire, à une obligation de faire ou de ne pas faire ou de donner une chose particulière ou générale, le jugement accueillant la demande désigne individuellement les consommateurs et utilisateurs devant être considérés comme bénéficiaires de la condamnation conformément aux lois sur leur protection. Lorsque la désignation individuelle est impossible, le jugement prévoit les données, caractéristiques et conditions nécessaires pour pouvoir exiger le paiement et, le cas échéant, demander l’exécution ou intervenir dans celle-ci, si l’association requérante en fait la demande. 2a. Si la déclaration du caractère illicite ou contraire à la loi d’une activité ou d’un comportement donnés est à l’origine de la condamnation ou du jugement principal ou unique, le jugement indique si, conformément à la législation relative à la protection des consommateurs et des utilisateurs, la déclaration doit produire des effets procéduraux qui ne se limitent pas aux personnes ayant été parties à la procédure en cause. 3a. Si des consommateurs ou utilisateurs déterminés ont participé à la procédure, le jugement doit se prononcer expressément sur leurs conclusions. [...]» |
9 |
En vertu de l’article 222 du code de procédure civile: «1. L’autorité de la chose jugée attachée aux jugements définitifs, qu’ils accueillent ou rejettent la demande, exclut, conformément à la loi, toute procédure ultérieure dont l’objet serait identique à celui de la procédure dans laquelle celle-ci est intervenue. 2. L’autorité de la chose jugée s’attache aux conclusions formulées dans la demande principale et dans la demande reconventionnelle ainsi qu’aux points visés à l’article 408, paragraphes 1 et 2, de la présente loi. Sont considérés comme nouveaux et différents par rapport au fondement des conclusions précitées les faits qui sont postérieurs à l’expiration du délai de présentation des mémoires dans la procédure au cours de laquelle ces conclusions ont été formulées. 3. L’autorité de la chose jugée s’étend aux parties à la procédure dans laquelle elle intervient ainsi qu’à leurs héritiers et ayants droit, et aux personnes qui, sans être parties à la procédure, sont titulaires des droits qui fondent la légitimation active des parties conformément aux dispositions de l’article 11 de la présente loi. [...] 4. Ce qui est passé en force de chose jugée dans le jugement définitif clôturant une procédure s’impose au tribunal saisi d’une procédure ultérieure si elle apparaît, dans cette dernière procédure, comme un antécédent logique de son objet quel qu’il soit, dès lors que les parties aux deux procédures sont les mêmes ou que l’autorité de la chose jugée s’étend à eux par disposition légale.» |
10 |
La juridiction de renvoi interprète ces dispositions procédurales comme lui imposant une obligation de suspendre les procédures dont elle est saisie, et dans lesquelles est exercée une action individuelle en nullité d’une clause abusive engagée par un consommateur, en attendant qu’un jugement définitif soit rendu dans une procédure engagée par une association dûment habilitée à introduire une action collective visant la cessation de l’usage d’une clause analogue. |
Les litiges au principal et les questions préjudicielles
11 |
M. Sales Sinués a, le 20 octobre 2005, conclu un contrat de novation de prêt hypothécaire auprès de Caixabank SA. La clause «plancher» qui y est contenue consiste en un taux nominal annuel minimum de 2,85 %, le seuil plafond de ce taux étant fixé à 12 %. M. Drame Ba a, le 7 février 2005, conclu un contrat de prêt hypothécaire auprès de Catalunya Caixa SA. La clause «plancher» correspond, dans ce contrat, à un taux de 3,75 %, le seuil plafond étant limité à 12 %. |
12 |
Indépendamment de la fluctuation des taux du marché, les taux d’intérêt des contrats des requérants au principal ne peuvent être inférieurs au pourcentage stipulé par la clause «plancher». |
13 |
MM. Sales Sinués et Drame Ba, estimant que les clauses... |
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