ENI SpA v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:289
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC‑508/11
Date08 May 2013
Celex Number62011CJ0508
Procedure TypeRecurso de anulación
62011CJ0508

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

8 mai 2013 ( *1 )

«Pourvoi — Concurrence — Ententes — Marché du caoutchouc butadiène et du caoutchouc styrène-butadiène fabriqué par polymérisation en émulsion — Imputabilité du comportement infractionnel de filiales à leurs sociétés mères — Présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante — Obligation de motivation — Gravité de l’infraction — Facteur multiplicateur au titre de l’effet dissuasif — Impact concret sur le marché — Circonstances aggravantes — Récidive»

Dans l’affaire C‑508/11 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 24 septembre 2011,

Eni SpA, établie à Rome (Italie), représentée par Mes G. M. Roberti et I. Perego, avvocati,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par M. V. Di Bucci, M. G. Conte et M. L. Malferrari, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, Mme M. Berger (rapporteur), MM. A. Borg Barthet, E. Levits et J.-J. Kasel, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: Mme A. Impellizzeri, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 janvier 2013,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi, Eni SpA (ci-après «Eni») demande à la Cour l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 juillet 2011, Eni/Commission (T-39/07, Rec. p. II-4457, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a partiellement rejeté son recours visant à l’annulation, pour ce qui la concerne, de la décision C (2006) 5700 final de la Commission, du 29 novembre 2006, relative à une procédure d’application des articles 81 CE et 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/F/38.638 – Caoutchouc butadiène et caoutchouc styrène-butadiène fabriqué par polymérisation en émulsion) (ci-après la «décision litigieuse»), ou, à titre subsidiaire, à l’annulation ou à la réduction de l’amende qui lui a été infligée.

2

La Commission européenne a formé un pourvoi incident demandant l’annulation de l’arrêt attaqué pour autant que celui-ci a annulé la décision litigieuse en ce qui concerne l’imputation d’une circonstance aggravante au titre de la récidive, et a, par conséquent, réduit le montant de l’amende.

Les antécédents du litige et la décision litigieuse

3

Le 7 juin 2005, la Commission a ouvert une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), portant sur le marché du caoutchouc butadiène (ci-après le «CB») et du caoutchouc styrène-butadiène fabriqué par polymérisation en émulsion (ci-après le «CSB»), des caoutchoucs synthétiques essentiellement utilisés dans la production de pneumatiques. Elle a adressé une première communication des griefs, notamment, à Eni, à Polimeri Europa SpA (devenue Versalis SpA, ci-après «Versalis»), sa filiale détenue à 100 %, et à Syndial SpA (anciennement EniChem SpA, ci-après «Syndial»), une autre société du groupe Eni.

4

Le 6 avril 2006, la Commission a adopté une seconde communication des griefs. Après avoir procédé, le 22 juin 2006, à une audition, la Commission a décidé de clôturer la procédure, notamment à l’égard de Syndial.

5

La procédure administrative a abouti, le 29 novembre 2006, à l’adoption de la décision litigieuse. Aux termes de l’article 1er de cette décision, Eni, Versalis et les autres entreprises destinataires de la décision litigieuse, à savoir Bayer AG, The Dow Chemical Company, Dow Deutschland Inc., Dow Deutschland Anlagengesellschaft mbH, Dow Europe, Shell Petroleum NV, Shell Nederland BV, Shell Nederland Chemie BV, Unipetrol a.s., Kaučuk a.s. ainsi que Trade-Stomil sp. z o.o., avaient enfreint l’article 81 CE et l’article 53 EEE en participant à un accord unique et continu dans le cadre duquel elles avaient convenu de fixer des objectifs de prix, de partager des clients par des accords de non-agression et d’échanger des informations sensibles relatives aux prix, aux concurrents et aux clients dans les secteurs du CB et du CSB, pendant la période, en ce qui concerne Eni, du 20 mai 1996 au 28 novembre 2002.

6

Au cours de cette période, selon les considérants 26 et suivants de la décision litigieuse, l’activité portant sur les produits concernés au sein du groupe Eni était initialement assurée par EniChem Elastomeri srl (ci-après «EniChem Elastomeri»), une société indirectement contrôlée par Eni, par l’intermédiaire de sa filiale EniChem SpA. Le 1er novembre 1997, EniChem Elastomeri a fusionné avec EniChem SpA, dont Eni contrôlait 99,97 %. Le 1er janvier 2002, EniChem SpA a cédé son activité chimique stratégique, l’activité liée au CB et au CSB incluse, à Versalis. Depuis le 21 octobre 2002, Versalis est contrôlée directement et intégralement par Eni.

7

S’agissant de l’amende infligée par la Commission dans sa décision litigieuse, elle a été fixée suivant les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les «lignes directrices»).

8

Ainsi, la Commission a considéré l’infraction comme «très grave» et a d’abord fixé le montant de départ pour le calcul de l’amende en différenciant selon les ventes de CB et de CSB de chacune des entreprises concernées en 2001. S’agissant de toute société détenue par Eni, au sens du considérant 36 de la décision litigieuse (ci-après «EniChem»), le montant des ventes de CB et de CSB s’élevait à 164,902 millions d’euros en 2001. Ce résultat des ventes aurait placé EniChem au premier rang des entreprises commercialisant du CB et du CSB et impliquées dans l’infraction en cause. Sur ce fondement, la Commission a fixé le montant de départ de l’amende pour Eni à 55 millions d’euros.

9

Ensuite, la Commission a appliqué des coefficients multiplicateurs à finalité dissuasive, échelonnés en fonction des chiffres d’affaires mondiaux réalisés par les entreprises concernées au cours de l’année 2005. Estimant qu’aucun coefficient multiplicateur ne devait être imposé à Trade-Stomil sp. z o.o. (chiffre d’affaires de 38 millions d’euros) et à Kaučuk a.s. (chiffre d’affaires de 2,718 milliards d’euros), elle a appliqué des coefficients multiplicateurs de 1,5 à Bayer AG (chiffre d’affaires de 27,383 milliards d’euros), de 1,75 à The Dow Chemical Company, à Dow Deutschland Inc., à Dow Deutschland Anlagengesellschaft mbH et à Dow Europe (37,221 milliards d’euros), de 2 à Eni et à Versalis (73,738 milliards d’euros) ainsi que de 3 à Shell Petroleum NV, à Shell Nederland BV et à Shell Nederland Chemie BV (246,549 milliards d’euros).

10

En outre, en ce qui concerne Eni et Versalis, ce montant a été augmenté de 65 % au motif que ces sociétés avaient participé à l’infraction en cause pendant six ans et six mois.

11

Enfin, estimant qu’Eni a déjà été destinataire de deux décisions antérieures constatant des infractions au droit de la concurrence de l’Union, à savoir les décisions 86/398/CEE de la Commission, du 23 avril 1986, relative à une procédure d’application de l’article [81 CE] (IV/31.149 – Polypropylène) (JO L 230, p. 1, ci-après la «décision Polypropylène»), et 94/599/CE de la Commission, du 27 juillet 1994, relative à une procédure d’application de l’article [81 CE] (IV/31.865 – PVC) (JO L 239, p. 14, ci-après la «décision PVC II»), la Commission a augmenté le montant de base de l’amende retenu pour Eni de 50 % pour récidive.

12

Par conséquent, à l’article 2, sous c), de la décision litigieuse, la Commission a infligé à Eni, solidairement avec sa filiale Versalis, une amende de 272,25 millions d’euros.

Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

13

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 février 2007, Eni a introduit un recours visant à l’annulation de la décision litigieuse et, à titre subsidiaire, à l’annulation ou à la réduction de l’amende qui lui avait été infligée. Elle a invoqué deux moyens au soutien de ses conclusions.

14

Par son premier moyen, Eni contestait le fait que la Commission lui avait imputé la responsabilité de l’infraction. Ce premier moyen se décomposait en quatre branches. Dans le cadre de la première branche, Eni faisait valoir que la Commission avait appliqué un critère erroné d’appréciation de la responsabilité d’une société mère. Dans le cadre de la deuxième branche, Eni soutenait que la Commission avait retenu, à tort, une «responsabilité objective» pour ce qui la concerne. Dans le cadre de la troisième branche, Eni indiquait qu’elle avait fourni, au cours de la procédure administrative, des éléments qui auraient dû conduire la Commission à considérer qu’elle n’avait pas exercé d’influence sur les politiques commerciales de Syndial et de Versalis. Dans le cadre de la quatrième branche, Eni affirmait que la Commission avait violé le principe de la responsabilité limitée des sociétés de capitaux et les principes «communs» en matière de responsabilité.

15

Par son second moyen, Eni soutenait que la Commission avait fixé de façon erronée le montant de l’amende. Ce moyen se décomposait en trois branches. Dans le cadre de la première branche, Eni contestait l’application d’un coefficient multiplicateur à des fins dissuasives. Dans le cadre de la deuxième branche, elle faisait valoir que la Commission avait commis une erreur en retenant la circonstance aggravante de récidive. Dans le cadre de la troisième branche, elle soutenait que la...

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