Wall AG v La ville de Francfort-sur-le-Main and Frankfurter Entsorgungs- und Service (FES) GmbH.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:182
Date13 April 2010
Celex Number62008CJ0091
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-91/08

Affaire C-91/08

Wall AG

contre

La ville de Francfort-sur-le-Main
et
Frankfurter Entsorgungs- und Service (FES) GmbH

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le Landgericht Frankfurt am Main)

«Concessions de services — Procédure d’attribution — Obligation de transparence — Remplacement ultérieur d’un sous-traitant»

Sommaire de l'arrêt

1. Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Libre prestation des services — Concession de service public — Égalité de traitement — Obligation de transparence — Modification substantielle d'un contrat de concession en cours de validité

(Art. 43 CE et 49 CE)

2. Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Libre prestation des services — Concession de service public — Égalité de traitement — Obligation de transparence — Champ d'application personnel

(Art. 43 CE et 49 CE)

3. Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Libre prestation des services — Concession de service public — Égalité de traitement — Obligation de transparence — Effet direct — Protection juridictionnelle effective des droits individuels tirés de l'obligation de transparence — Application des modalités procédurales nationales

(Art. 43 CE et 49 CE)

1. Lorsque des modifications apportées aux dispositions d’un contrat de concession de services présentent des caractéristiques substantiellement différentes de celles qui ont justifié l’attribution du contrat de concession initial et sont, en conséquence, de nature à démontrer la volonté des parties de renégocier les termes essentiels de ce contrat, il y a lieu d’accorder, conformément à l’ordre juridique interne de l’État membre concerné, toutes les mesures nécessaires pour rétablir la transparence dans la procédure, y compris une nouvelle procédure d’attribution. Le cas échéant, la nouvelle procédure d’attribution devrait être organisée selon des modalités adaptées aux spécificités de la concession de services en cause et permettre qu’une entreprise située sur le territoire d’un autre État membre puisse avoir accès aux informations adéquates relatives à ladite concession avant que celle-ci ne soit attribuée.

En l’état actuel du droit de l’Union, les contrats de concession de services ne sont régis par aucune des directives par lesquelles le législateur de l’Union a réglementé le domaine des marchés publics. Cependant, les autorités publiques qui concluent de tels contrats sont tenues de respecter les règles fondamentales du traité, notamment les articles 43 CE et 49 CE, ainsi que l’obligation de transparence qui en découle. Cette obligation de transparence s’applique au cas où la concession de services concernée est susceptible d’intéresser une entreprise située dans un État membre autre que celui dans lequel cette concession est attribuée.

La modification d’un contrat de concession de services en cours de validité peut être considérée comme substantielle lorsqu’elle introduit des conditions qui, si elles avaient figuré dans la procédure d’attribution initiale, auraient permis l’admission de soumissionnaires autres que ceux initialement admis ou auraient permis de retenir une offre autre que celle initialement retenue. Un changement de sous-traitant, même lorsque la possibilité en est prévue dans le contrat, peut, dans des cas exceptionnels, constituer une telle modification de l’un des éléments essentiels du contrat de concession lorsque le recours à un sous-traitant plutôt qu’à un autre a été, compte tenu des caractéristiques propres de la prestation en cause, un élément déterminant de la conclusion du contrat, ce qu’il appartient au juge national de vérifier.

(cf. points 33-34, 38-39, 43, disp. 1)

2. Lorsqu’une entreprise concessionnaire conclut un contrat relatif à des services entrant dans le champ de la concession dont elle a été chargée par une collectivité territoriale, l’obligation de transparence découlant des articles 43 CE et 49 CE ainsi que des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination en raison de la nationalité ne s’applique pas si cette entreprise:

- a été créée par cette collectivité territoriale aux fins de l’élimination des déchets et du nettoyage de la voirie, mais est également active sur le marché;

- appartient à ladite collectivité territoriale à hauteur de 51 %, les décisions de gestion ne pouvant cependant être adoptées qu’à la majorité des trois quarts des voix de l’assemblée générale de cette entreprise;

- a un quart seulement des membres du conseil de surveillance, y compris le président de celui-ci, nommé par cette même collectivité territoriale, et

- tire plus de la moitié de son chiffre d’affaires de contrats synallagmatiques relatifs à l’élimination des déchets et au nettoyage de la voirie sur le territoire de ladite collectivité territoriale, cette dernière les finançant par les impôts locaux versés par ses administrés.

En effet, pour établir si une société à capital mixte, public et privé, peut être assimilée à une autorité publique liée par l’obligation de transparence, il y a lieu de s’inspirer de certains aspects de la définition de la notion de «pouvoir adjudicateur» figurant à l’article 1er, sous b), de la directive 92/50, relative aux marchés publics de services, dans la mesure où ces aspects répondent aux exigences posées par l’application aux concessions de services de l’obligation de transparence qui découle des articles 43 CE et 49 CE. Ces derniers articles et les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination en raison de la nationalité, ainsi que l’obligation de transparence qui en découle, poursuivent des objectifs identiques à ceux visés par ladite directive, notamment visant la libre circulation des services et l’ouverture à la concurrence non faussée dans les États membres. Par conséquent, il convient de vérifier si deux conditions sont réunies, à savoir, d’une part, que l’entreprise concernée est sous le contrôle effectif de l’État ou d’une autre autorité publique et, d’autre part, qu’elle n’opère pas en situation de concurrence sur le marché.

(cf. points 47-49, 60, disp. 2)

3. Les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination en raison de la nationalité, consacrés par les articles 43 CE et 49 CE, ainsi que l’obligation de transparence en découlant, n’imposent pas aux autorités nationales de résilier un contrat ni aux juridictions nationales d’accorder une injonction dans chaque cas d’une prétendue violation de cette obligation lors de l’attribution de concessions de services. Il incombe à l’ordre juridique interne de régler les voies de droit destinées à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de cette obligation de telle manière que ces voies ne soient pas moins favorables que les voies de droit similaires de nature interne ni ne rendent pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice de ces droits.

L’obligation de transparence découle directement des articles 43 CE et 49 CE, lesquels ont un effet direct dans les ordres juridiques internes des États membres et priment toute disposition contraire des droits nationaux. Il appartient à la juridiction nationale de donner à la loi interne qu’elle doit appliquer, dans toute la mesure du possible, une interprétation conforme aux exigences du droit de l’Union et permettant, en particulier, d’assurer le respect de l’obligation de transparence.

(cf. points 70-71, disp. 3)







ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

13 avril 2010 (*)

«Concessions de services – Procédure d’attribution – Obligation de transparence – Remplacement ultérieur d’un sous-traitant»

Dans l’affaire C‑91/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Landgericht Frankfurt am Main (Allemagne), par décision du 28 janvier 2008, parvenue à la Cour le 28 février 2008, dans la procédure

Wall AG

contre

La ville de Francfort-sur-le-Main,

Frankfurter Entsorgungs- und Service (FES) GmbH,

en présence de:

Deutsche Städte Medien (DSM) GmbH,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues (rapporteur), K. Lenaerts, J.-C. Bonichot, Mmes R. Silva de Lapuerta et C. Toader, présidents de chambre, MM. C. W. A. Timmermans, A. Rosas, K. Schiemann, J. Malenovský, A. Arabadjiev et J.-J. Kasel, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 juin 2009,

considérant les observations présentées:

– pour Wall AG, par Me H.-J. Otto, Rechtsanwalt, ainsi que par MM. C. Friese et R. von zur Mühlen, Justitiare,

– pour la ville de Francfort-sur-le-Main, par Mes L. Horn et J. Sommer, Rechtsanwälte, ainsi que par M. B. Weiß, Justitiar,

– pour Frankfurter Entsorgungs- und Service (FES) GmbH, par Me H. Höfler, Rechtsanwalt,

– pour Deutsche Städte Medien (DSM) GmbH, par Mes F. Hausmann et A. Mutschler-Siebert, Rechtsanwälte,

– pour le gouvernement allemand, par MM. M. Lumma et J. Möller, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement danois, par Mme B. Weis Fogh, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement néerlandais, par Mme C. Wissels et M. Y. de Vries, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement autrichien, par M. M. Fruhmann, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement finlandais, par Mme A. Guimaraes-Purokoski, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Ossowski, en qualité d’agent, assisté de M. J. Coppel, barrister,

– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. D. Kukovec, B. Schima et C. Zadra, en qualité d’agents,

– pour l’Autorité de surveillance AELE, par MM. N. Fenger et B. Alterskjær ainsi que par Mme L. Armati, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 27 octobre 2009,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 12 CE, 43 CE et 49 CE, des principes d’égalité de traitement et de...

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