Criminal proceedings against Atanas Ognyanov.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:514
Docket NumberC-614/14
Celex Number62014CJ0614
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date05 July 2016
62014CJ0614

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

5 juillet 2016 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Article 267 TFUE — Article 94 du règlement de procédure de la Cour — Contenu d’une demande de décision préjudicielle — Règle nationale prévoyant le dessaisissement de la juridiction nationale pour avoir exprimé un avis provisoire dans la demande de décision préjudicielle en constatant le cadre factuel et juridique — Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Article 47, deuxième alinéa, et article 48, paragraphe 1»

Dans l’affaire C‑614/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia, Bulgarie), par décision du 15 décembre 2014, parvenue à la Cour le 31 décembre 2014, dans la procédure pénale contre

Atanas Ognyanov

en présence de :

Sofiyska gradska prokuratura,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. A. Tizzano, vice-président, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. M. Ilešič, J. L. da Cruz Vilaça, A. Arabadjiev, Mme C. Toader et M. F. Biltgen, présidents de chambre, MM. J.‑C. Bonichot, M. Safjan, Mme M. Berger (rapporteur), MM. E. Jarašiūnas, C. G. Fernlund, C. Vajda et S. Rodin, juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 janvier 2016,

considérant les observations présentées :

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. Bulterman, C. Schillemans et M. Gijzen, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. W. Bogensberger, R. Troosters et V. Soloveytchik, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 23 février 2016,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 267 TFUE et 94 du règlement de procédure de la Cour ainsi que de l’article 47, deuxième alinéa, et de l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure relative à la reconnaissance d’un jugement en matière pénale et à l’exécution, en Bulgarie, d’une peine privative de liberté prononcée par une juridiction danoise à l’encontre de M. Atanas Ognyanov.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

En vertu de l’article 94 du règlement de procédure, intitulé « Contenu de la demande de décision préjudicielle » :

« Outre le texte des questions posées à la Cour à titre préjudiciel, la demande de décision préjudicielle contient :

a)

un exposé sommaire de l’objet du litige ainsi que des faits pertinents, tels qu’ils ont été constatés par la juridiction de renvoi ou, à tout le moins, un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées ;

b)

la teneur des dispositions nationales susceptibles de s’appliquer en l’espèce et, le cas échéant, la jurisprudence nationale pertinente ;

c)

l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal. »

Le droit bulgare

4

Il ressort de la décision de renvoi que, conformément à l’article 29 du Nakazatelno-protsesualen kodeks (code de procédure pénale, ci-après le « NPK »), ne peut pas faire partie de la formation de jugement un juge qui, notamment, peut être considéré comme étant partial. Selon la jurisprudence du Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation, Bulgarie), l’expression par le juge d’un avis provisoire sur le fond d’une affaire avant de rendre une décision finale constitue un cas particulier de partialité.

5

En cas de partialité, la formation de jugement est tenue de se dessaisir, ce qui signifie, premièrement, que cette formation cesse d’examiner ladite affaire, deuxièmement, que celle-ci est réattribuée à d’autres juges de la juridiction concernée et, troisièmement, que la nouvelle formation désignée recommence l’examen de l’affaire en cause depuis le début.

6

Si le juge omet de se dessaisir, continue à examiner l’affaire et rend une décision finale, cette dernière sera viciée, car elle aura été adoptée en « violation des formes substantielles ». L’instance supérieure annulera ladite décision et l’affaire en cause sera réattribuée à un autre juge aux fins d’un nouvel examen.

7

La juridiction de renvoi précise que la jurisprudence bulgare retient une interprétation particulièrement stricte du critère de « partialité ». À cet égard, elle relève, notamment, que le contrôle de ce critère est effectué d’office et que même l’indication la plus insignifiante concernant les faits de l’affaire en cause ou leur qualification juridique conduit automatiquement à un motif de dessaisissement du juge.

8

Il ressort également de la décision de renvoi que l’expression par le juge d’un avis provisoire emporte non seulement son dessaisissement et l’annulation de sa décision finale, mais aussi l’engagement d’une action en responsabilité à l’encontre de celui-ci pour faute disciplinaire. En effet, conformément aux points 2.3 et 7.4 du Kodeks za etichno povedenie (code national de déontologie), il est interdit au juge de faire des déclarations publiques concernant l’issue d’une affaire dont l’examen lui est confié ou d’émettre un avis provisoire. En outre, le point 7.3 du code national de déontologie prévoit que le juge peut s’exprimer sur des questions juridiques de principe, mais sans se référer aux faits concrets et à leur qualification juridique.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

9

Par jugement du 28 novembre 2012, M. Ognyanov, ressortissant bulgare, a été condamné à une peine cumulée de quinze ans de réclusion pour meurtre et pour vol aggravé par le Retten i Glostrup (tribunal de Glostrup, Danemark). Après avoir purgé au Danemark une partie de sa peine privative de liberté, M. Ognyanov a été remis aux autorités bulgares, le 1er octobre 2013, afin qu’il purge le reste de sa peine en Bulgarie.

10

Par une demande de décision préjudicielle, du 25 novembre 2014, introduite dans l’affaire C‑554/14, Ognyanov, réitérée et complétée ensuite par deux demandes, du 15 décembre 2014, le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia, Bulgarie) a saisi la Cour de différentes questions portant sur l’interprétation de la décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil, du 27 novembre 2008, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne (JO 2008, L 327, p. 27), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 (JO 2009, L 81, p. 24).

11

Après l’introduction desdites questions préjudicielles dans l’affaire C‑554/14, Ognyanov, la Sofiyska gradska prokuratura (ministère public de la ville de Sofia, Bulgarie), partie à l’affaire en cause au principal, a demandé, notamment, le dessaisissement de la formation du Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) chargée de l’examen de cette affaire, au motif que, en exposant, aux points 2 à 4 de sa demande de décision préjudicielle, le cadre factuel et juridique de ladite affaire, cette juridiction a exprimé un avis provisoire sur des questions de fait et de droit avant que celle-ci ne soit mise en délibéré.

12

La juridiction de renvoi exprime des doutes quant à l’admissibilité, au regard du droit de l’Union, d’une règle nationale, telle que celle en cause au principal, qui oblige la formation d’une juridiction bulgare à se dessaisir dès lors qu’elle a exprimé, dans la demande de décision préjudicielle adressée à la Cour, un avis provisoire en ce qu’elle a exposé le cadre factuel et juridique de l’affaire en cause au principal.

13

C’est dans ces circonstances que le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

«1)

Y aurait-il violation du droit de l’Union (article 267, deuxième alinéa, TFUE, lu conjointement avec l’article 94 du règlement de procédure de la Cour, les articles 47 et 48 de la Charte […] et les autres dispositions pertinentes) si, après notification de la décision préjudicielle, la juridiction qui a envoyé la demande de décision préjudicielle poursuit l’examen de l’affaire et rend une décision au fond, sans se dessaisir ? Le motif de ce dessaisissement est l’expression par la juridiction de céans d’un avis provisoire sur le fond de l’affaire dans la demande de décision préjudicielle (en considérant comme établi un cadre factuel déterminé et en considérant comme applicable à ce cadre factuel une règle juridique déterminée).

La question est posée en présumant que, lors de la détermination des faits et du droit applicable en vue du renvoi préjudiciel, toutes les règles procédurales ont été respectées afin de défendre le droit des parties de présenter des preuves et de plaider.

2)

Si, en réponse à la première question préjudicielle, la poursuite de l’examen de l’affaire est jugée conforme au droit, y aurait-il une violation du droit de l’Union si :

a)

dans sa décision définitive, la juridiction de céans reproduit sans modification tout ce qu’elle a constaté dans la demande de décision préjudicielle, en refusant de rassembler de nouvelles preuves et d’entendre les parties concernant ces constats de fait et de...

To continue reading

Request your trial
52 practice notes
  • Opinion of Advocate General Campos Sánchez-Bordona delivered on 4 December 2018.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 4 December 2018
    ...EU:C:2015:400), paragraphs 24 and 25; of 4 May 2016, Pillbox 38 (C‑477/14, EU:C:2016:324), paragraphs 15 and 16; of 5 July 2016, Ognyanov (C‑614/14, EU:C:2016:514), paragraph 19; of 15 November 2016, Ullens de Schooten (C‑268/15, EU:C:2016:874), paragraph 54; of 28 March 2017, Rosneft (C‑72......
  • Opinion of Advocate General Hogan delivered on 4 March 2021.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 4 March 2021
    ...l’obbligo degli Stati di garantire la piena efficacia del diritto dell’Unione in materia di IVA, sentenza del 5 luglio 2016, Ognyanov (C‑614/14, EU:C:2016:514, punto 15 V. sentenza del 21 novembre 2018, Fontana (C‑648/16, EU:C:2018:932, punti 33 e 34). 16 V., in tal senso, sentenze del 5 di......
  • Randstad Italia SpA v Umana SpA and Others.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 21 December 2021
    ...del Derecho de la Unión que precisan para la solución del litigio que deban dirimir (sentencia de 5 de julio de 2016, Ognyanov, C‑614/14, EU:C:2016:514, apartado 16 y jurisprudencia citada). Sin embargo, la problemática planteada por el tribunal remitente en su primera cuestión prejudicial,......
  • Elme Messer Metalurgs v Latvijas Investīciju un attīstības aģentūra.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 1 October 2020
    ...diritto dell’Unione loro necessari per risolvere la controversia che essi sono chiamati a dirimere (sentenza del 5 luglio 2016, Ognyanov, C‑614/14, EU:C:2016:514, punto 16 e giurisprudenza 41 Secondo una giurisprudenza parimenti costante, che è stata ormai recepita nell’articolo 94 del rego......
  • Request a trial to view additional results
52 cases
  • Opinion of Advocate General Campos Sánchez-Bordona delivered on 21 November 2018.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 21 November 2018
    ...2002, British American Tobacco (Investments) and Imperial Tobacco (C‑491/01, EU:C:2002:741), paragraph 35; of 5 July 2016, Ognyanov (C‑614/14, EU:C:2016:514), paragraph 19; of 15 November 2016, Ullens de Schooten (C‑268/15, EU:C:2016:874), paragraph 54; and of 28 March 2017, Rosneft (C‑72/1......
  • TE y otros contra Luminor Bank AB.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 16 May 2019
    ...267 TFUE, avoir connaissance et qu’elle est tenue de respecter scrupuleusement (voir, notamment, arrêts du 5 juillet 2016, Ognyanov, C‑614/14, EU:C:2016:514, point 19 et jurisprudence citée, ainsi que du 26 octobre 2017, Balgarska energiyna borsa, C‑347/16, EU:C:2017:816, point 43 Lesdites ......
  • Asociación Española de la Industria Eléctrica (UNESA) and Others v Administración General del Estado and Iberdrola Generación Nuclear SAU.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 7 November 2019
    ...del diritto dell’Unione necessari per risolvere le controversie dinanzi ad essi pendenti (sentenza del 5 luglio 2016, Ognyanov, C‑614/14, EU:C:2016:514, punto 16 e giurisprudenza ivi 33 I requisiti concernenti il contenuto di una domanda di pronuncia pregiudiziale figurano in modo esplicito......
  • Randstad Italia SpA v Umana SpA and Others.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 21 December 2021
    ...del Derecho de la Unión que precisan para la solución del litigio que deban dirimir (sentencia de 5 de julio de 2016, Ognyanov, C‑614/14, EU:C:2016:514, apartado 16 y jurisprudencia citada). Sin embargo, la problemática planteada por el tribunal remitente en su primera cuestión prejudicial,......
  • Request a trial to view additional results
1 books & journal articles
  • Key findings of the 2020 EU Justice Scoreboard
    • European Union
    • The 2020 EU justice scoreboard
    • 8 September 2020
    ...of 25 July 2018, LM, C-216/18 PPU, ECLI:EU:C:2018:586, para 67. 100 See Court of Justice, judgment of 5 July 2016, Ognyanov, C-614/14, ECLI:EU:C:2016:514, para. 17. See also Court of Justice of the European Union, judgment of 19 November 2019, A. K. and Others (Independence of the Disciplin......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT