Euro Park Service v Ministre des finances et des comptes publics.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:177
Docket NumberC-14/16
Celex Number62016CJ0014
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date08 March 2017
62016CJ0014

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

8 mars 2017 ( 1 )

«Renvoi préjudiciel — Fiscalité directe — Sociétés d’États membres différents — Régime fiscal commun — Fusion par absorption — Agrément préalable de l’administration fiscale — Directive 90/434/CEE — Article 11, paragraphe 1, sous a) — Fraude ou évasion fiscales — Liberté d’établissement»

Dans l’affaire C‑14/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 30 décembre 2015, parvenue à la Cour le 11 janvier 2016, dans la procédure

Euro Park Service, venant aux droits et obligations de la SCI Cairnbulg Nanteuil,

contre

Ministre des Finances et des Comptes publics,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. E. Regan, J.‑C. Bonichot, C. G. Fernlund (rapporteur) et S. Rodin, juges,

avocat général : M. M. Wathelet,

greffier : Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 septembre 2016,

considérant les observations présentées :

pour Euro Park Service, venant aux droits et obligations de la SCI Cairnbulg Nanteuil, initialement par Me N. Boullez, avocat, puis par Mes N. Boullez et M. Castro, avocats,

pour le gouvernement français, initialement par M. D. Colas et Mme S. Ghiandoni, en qualité d’agents, puis par M. D. Colas ainsi que par Mmes E. de Moustier et S. Ghiandoni, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. W. Roels et L. Pamukcu, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 octobre 2016,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 49 TFUE et de l’article 11 de la directive 90/434/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents (JO 1990, L 225, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Euro Park Service (ci-après « Euro Park »), venant aux droits et obligations de la SCI Cairnbulg Nanteuil (ci-après « Cairnbulg »), au Ministre des Finances et des Comptes publics (France, ci-après l’« administration fiscale »), au sujet du refus de celle-ci de reconnaître à Cairnbulg le bénéfice du report de l’imposition des plus-values afférentes aux actifs de cette société à l’occasion d’une opération de fusion par absorption de cette dernière par une société établie dans un autre État membre, au motif que les sociétés fusionnantes n’avaient pas sollicité l’agrément préalable de l’administration fiscale.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

La directive 90/434 vise, selon son premier considérant, à garantir que les opérations de restructuration de sociétés de différents États membres, telles que les fusions, les scissions, les apports d’actifs et les échanges d’actions, ne soient pas entravées par des restrictions, des désavantages ou des distorsions particuliers découlant des dispositions fiscales des États membres.

4

À cet effet, elle instaure un régime suivant lequel lesdites opérations ne peuvent pas, en elles-mêmes, donner lieu à une imposition. Les éventuelles plus-values afférentes à ces opérations peuvent, en principe, être imposées, mais seulement à la date où elles sont effectivement réalisées.

5

Les quatre premiers considérants ainsi que le neuvième considérant de cette directive sont libellés comme suit :

« considérant que les fusions, scissions, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents peuvent être nécessaires pour créer dans la Communauté des conditions analogues à celles d’un marché intérieur et pour assurer ainsi l’établissement et le bon fonctionnement du marché commun ; que ces opérations ne doivent pas être entravées par des restrictions, des désavantages ou des distorsions particuliers découlant des dispositions fiscales des États membres ; qu’il importe, par conséquent, d’instaurer pour ces opérations des règles fiscales neutres au regard de la concurrence afin de permettre aux entreprises de s’adapter aux exigences du marché commun, d’accroître leur productivité et de renforcer leur position concurrentielle sur le plan international ;

considérant que des dispositions d’ordre fiscal pénalisent actuellement ces opérations par rapport à celles qui intéressent des sociétés d’un même État membre ; qu’il est nécessaire d’éliminer cette pénalisation ;

considérant qu’il n’est pas possible d’atteindre cet objectif par une extension au plan communautaire des régimes internes en vigueur dans les États membres, les différences entre ces régimes étant susceptibles de provoquer des distorsions ; que seul un régime fiscal commun peut constituer une solution satisfaisante à cet égard ;

considérant que le régime fiscal commun doit éviter une imposition à l’occasion d’une fusion, d’une scission, d’un apport d’actifs ou d’un échange d’actions, tout en sauvegardant les intérêts financiers de l’État de la société apporteuse ou acquise ;

[...]

considérant qu’il convient de prévoir la faculté pour les États membres de refuser le bénéfice de l’application de la présente directive lorsque l’opération de fusion, de scission, d’apport d’actifs ou d’échange d’actions a pour objectif la fraude ou l’évasion fiscales [...] ».

6

L’article 4, paragraphe 1, de ladite directive dispose :

« La fusion ou la scission n’entraîne aucune imposition des plus-values qui sont déterminées par la différence entre la valeur réelle des éléments d’actif et de passif transférés et leur valeur fiscale. [...] »

7

L’article 11, paragraphe 1, sous a), de cette même directive énonce :

« Un État membre peut refuser d’appliquer tout ou partie des dispositions des titres II, III et IV ou en retirer le bénéfice lorsque l’opération de fusion, de scission d’apport d’actifs ou d’échange d’actions :

a)

a comme objectif principal ou comme un de ses objectifs principaux la fraude ou l’évasion fiscales ; le fait qu’une des opérations visées à l’article 1er n’est pas effectuée pour des motifs économiques valables, tels que la restructuration ou la rationalisation des activités des sociétés participant à l’opération, peut constituer une présomption que cette opération a comme objectif principal ou comme un de ses objectifs principaux la fraude ou l’évasion fiscales ».

Le droit français

8

Les dispositions pertinentes du code général des impôts (ci-après le « CGI ») en vigueur en France à l’époque des faits au principal sont les suivantes.

9

L’article 210 A du CGI dispose :

« 1. Les plus-values nettes et les profits dégagés sur l’ensemble des éléments d’actif apportés du fait d’une fusion ne sont pas soumis à l’impôt sur les sociétés.

[...]

3. L’application de ces dispositions est subordonnée à la condition que la société absorbante s’engage, dans l’acte de fusion, à respecter les prescriptions suivantes :

[...]

b.

Elle doit se substituer à la société absorbée pour la réintégration des résultats dont la prise en compte avait été différée pour l’imposition de cette dernière ;

c.

Elle doit calculer les plus-values réalisées ultérieurement à l’occasion de la cession des immobilisations non amortissables qui lui sont apportées d’après la valeur qu’elles avaient, du point de vue fiscal, dans les écritures de la société absorbée ;

d.

Elle doit réintégrer dans ses bénéfices imposables les plus-values dégagées lors de l’apport des biens amortissables [...] ».

10

L’article 210 B, paragraphe 3, de ce code prévoit :

« [...] L’agrément est délivré lorsque, compte tenu des éléments faisant l’objet de l’apport :

a.

L’opération est justifiée par un motif économique, se traduisant notamment par l’exercice par la société bénéficiaire de l’apport d’une activité autonome ou l’amélioration des structures, ainsi que par une association entre les parties ;

b.

L’opération n’a pas comme objectif principal ou comme un de ses objectifs principaux la fraude ou l’évasion fiscales ;

c.

Les modalités de l’opération permettent d’assurer l’imposition future des plus-values mises en sursis d’imposition. »

11

Selon la juridiction de renvoi, l’article 210 C du CGI assure la transposition en droit interne de la directive 90/434. Cet article énonce :

« 1. Les dispositions des articles 210 A et 210 В s’appliquent aux opérations auxquelles participent exclusivement des personnes morales ou organismes passibles de l’impôt sur les sociétés.

2. Ces dispositions ne sont applicables aux apports faits à des personnes morales étrangères par des personnes morales françaises que si ces apports ont été préalablement agréés dans les conditions prévues au 3 de l’article 210 В. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12

Le 26 novembre 2004, Cairnbulg, société de droit français, a fait l’objet d’une opération de dissolution sans liquidation de la part et au profit de son associé unique, Euro Park, société de droit luxembourgeois. À cette occasion, Cairnbulg a opté, dans sa déclaration de résultats souscrite, le 25 janvier 2005, au titre de l’exercice clos le 26 novembre 2004, pour le régime spécial des fusions prévu aux articles 210 A et suivants du CGI. Elle n’a, par conséquent, pas soumis à l’impôt sur les sociétés les plus-values nettes et les profits dégagés sur les actifs dont elle avait fait apport à Euro Park.

13

Par acte notarié du 19...

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