Oliver Brüstle v Greenpeace eV.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:669
Date18 October 2011
Celex Number62010CJ0034
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-34/10

Affaire C-34/10

Oliver Brüstle

contre

Greenpeace eV

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesgerichtshof)

«Directive 98/44/CE — Article 6, paragraphe 2, sous c) — Protection juridique des inventions biotechnologiques — Obtention de cellules précurseurs à partir de cellules souches embryonnaires humaines — Brevetabilité — Exclusion des ‘utilisations d’embryons humains à des fins industrielles ou commerciales’ — Notions d’‘embryon humain’ et d’‘utilisation à des fins industrielles ou commerciales’»

Sommaire de l'arrêt

1. Rapprochement des législations — Protection juridique des inventions biotechnologiques — Directive 98/44 — Notion d'embryon humain — Interprétation autonome

(Directive du Parlement européen et du Conseil 98/44, art. 6, § 2)

2. Rapprochement des législations — Protection juridique des inventions biotechnologiques — Directive 98/44 — Exclusion de la brevetabilité pour contrariété à l'ordre public ou aux bonnes mœurs — Utilisation d'embryons humains à des fins industrielles ou commerciales — Notion d'embryon humain

(Directive du Parlement européen et du Conseil 98/44, art. 6, § 2, c))

3. Rapprochement des législations — Protection juridique des inventions biotechnologiques — Directive 98/44 — Exclusion de la brevetabilité pour contrariété à l'ordre public ou aux bonnes mœurs — Utilisation d'embryons humains à des fins industrielles ou commerciales — Portée

(Directive du Parlement européen et du Conseil 98/44, art. 6, § 2, c))

4. Rapprochement des législations — Protection juridique des inventions biotechnologiques — Directive 98/44 — Exclusion de la brevetabilité pour contrariété à l'ordre public ou aux bonnes mœurs — Utilisation d'embryons humains à des fins industrielles ou commerciales — Portée

(Directive du Parlement européen et du Conseil 98/44, art. 6, § 2, c))

1. Aux fins de l'application de la directive 98/44, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, les termes «embryon humain» figurant à l'article 6, paragraphe 2, de ladite directive doivent être considérés comme désignant une notion autonome du droit de l’Union, qui doit être interprétée de manière uniforme sur le territoire de cette dernière. Cette conclusion est confortée par l’objet et le but de la directive. En effet, l’absence de définition uniforme de la notion d’embryon humain créerait un risque que les auteurs de certaines inventions biotechnologiques soient tentés de demander la brevetabilité de celles-ci dans les États membres ayant la conception la plus étroite de la notion d’embryon humain et, partant, les plus permissifs en ce qui concerne les possibilités de brevetabilité, en raison du fait que la brevetabilité de ces inventions serait exclue dans les autres États membres. Une telle situation attenterait au bon fonctionnement du marché intérieur, qui est le but de ladite directive.

(cf. points 26, 28)

2. Si la directive 98/44, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, vise à encourager les investissements dans le domaine de la biotechnologie, l’exploitation de la matière biologique d’origine humaine doit s’inscrire dans le respect des droits fondamentaux et, en particulier, de la dignité humaine. Le contexte et le but de la directive révèlent ainsi que le législateur de l’Union a entendu exclure toute possibilité de brevetabilité, dès lors que le respect dû à la dignité humaine pourrait en être affecté. Il en résulte que la notion d’embryon humain au sens de l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive doit être comprise largement.

Dans ce contexte, cette disposition doit être interprétée en ce sens que constituent un embryon humain tout ovule humain dès le stade de la fécondation, tout ovule humain non fécondé dans lequel le noyau d’une cellule humaine mature a été implanté et tout ovule humain non fécondé qui, par voie de parthénogenèse, a été induit à se diviser et à se développer. Il appartient au juge national de déterminer, à la lumière des développements de la science, si une cellule souche obtenue à partir d’un embryon humain au stade de blastocyste constitue un embryon humain au sens de cette disposition.

(cf. points 32, 34, 38 et disp. 1)

3. L’exclusion de la brevetabilité portant sur l’utilisation d’embryons humains à des fins industrielles ou commerciales énoncée à l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive 98/44, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, porte également sur l’utilisation à des fins de recherche scientifique, seule l’utilisation à des fins thérapeutiques ou de diagnostic applicable à l’embryon humain et utile à celui-ci pouvant faire l’objet d’un brevet. En effet, l’octroi d’un brevet à une invention implique, en principe, son exploitation industrielle et commerciale et même si le but de recherche scientifique doit être distingué des fins industrielles ou commerciales, l’utilisation d’embryons humains à des fins de recherche qui constituerait l’objet de la demande de brevet ne peut être séparée du brevet lui-même et des droits qui y sont attachés.

(cf. points 41, 43, 46 et disp. 2)

4. Dans le cadre d’une affaire relative à la brevetabilité d’une invention portant sur la production de cellules précurseurs neurales, qui suppose l’utilisation de cellules souches obtenues à partir d’un embryon humain au stade de blastocyste, entraînant la destruction dudit embryon, une invention doit être considérée comme exclue de la brevetabilité, même si les revendications du brevet ne portent pas sur l’utilisation d’embryons humains, dès lors que la mise en œuvre de l’invention requiert la destruction d’embryons humains. En effet, dans ce cas, il doit être considéré qu’il y a utilisation d’embryons humains au sens de l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive 98/44 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques. Le fait que cette destruction intervienne, le cas échéant, à un stade largement antérieur à la mise en œuvre de l’invention, comme dans le cas de la production de cellules souches embryonnaires à partir d’une lignée de cellules souches dont la constitution, seule, a impliqué la destruction d’embryons humains est, à cet égard, indifférent.

Dans ces conditions, l’article 6, paragraphe 2, sous c), de ladite directive doit être interprété comme excluant la brevetabilité d’une invention, lorsque l’enseignement technique qui fait l’objet de la demande de brevet requiert la destruction préalable d’embryons humains ou leur utilisation comme matériau de départ, quel que soit le stade auquel celles-ci interviennent et même si la description de l’enseignement technique revendiqué ne mentionne pas l’utilisation d’embryons humains.

(cf. points 48-49, 52 et disp. 3)







ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

18 octobre 2011 (*)

«Directive 98/44/CE – Article 6, paragraphe 2, sous c) – Protection juridique des inventions biotechnologiques – Obtention de cellules précurseurs à partir de cellules souches embryonnaires humaines – Brevetabilité – Exclusion des ‘utilisations d’embryons humains à des fins industrielles ou commerciales’ – Notions d’‘embryon humain’ et d’‘utilisation à des fins industrielles ou commerciales’»

Dans l’affaire C‑34/10,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesgerichtshof (Allemagne), par décision du 17 décembre 2009, parvenue à la Cour le 21 janvier 2010, dans la procédure

Oliver Brüstle

contre

Greenpeace eV,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts, J.‑C. Bonichot, M. Safjan (rapporteur), Mme A. Prechal, présidents de chambres, M. A. Rosas, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. K. Schiemann, D. Šváby, Mme M. Berger et, M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 janvier 2011,

considérant les observations présentées:

– pour Oliver Brüstle, par Me F.-W. Engel, Rechtsanwalt, M. M. Grund et Mme C. Sattler de Sousa e Brito, Patentanwälte,

– pour Greenpeace eV, par M. V. Vorwerk, M. R. Schnekenbühl, Patentanwalt, et M. C. Then, Experte,

– pour l’Irlande, par M. G. Durcan, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement portugais, par M. L. Inez Fernandes, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement suédois, par Mme A. Falk et M. A. Engman, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mmes F. Penlington et C. Murrell, en qualité d’agents, assistées de Mme C. May, barrister,

– pour la Commission européenne, par MM. F. W. Bulst et H. Krämer, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 mars 2011,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 1998, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques (JO L 213, p. 13, ci-après la «directive»).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure en annulation, initiée par Greenpeace eV, du brevet allemand détenu par M. Brüstle, qui porte sur des cellules précurseurs neurales et des procédés pour leur production à partir de cellules souches embryonnaires, ainsi que leur utilisation à des fins thérapeutiques.

Le cadre juridique

Les accords liant l’Union européenne et/ou les États membres

3 L’article 27 de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, reproduit à l’annexe 1 C de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), signé à Marrakech le 15 avril 1994 et approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de...

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