Société d’investissement pour l’agriculture tropicale SA (SIAT) v État belge.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:415
Date05 July 2012
Celex Number62010CJ0318
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑318/10
62010CJ0318

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

5 juillet 2012 ( *1 )

«Libre prestation des services — Législation fiscale — Déduction au titre des frais professionnels des dépenses engagées pour la rémunération de prestations de services — Dépenses engagées à l’égard d’un prestataire de services établi dans un autre État membre dans lequel il n’est pas soumis à l’impôt sur les revenus ou y est soumis à un régime de taxation notablement plus avantageux — Déductibilité soumise à l’obligation d’apporter la preuve du caractère réel et sincère de la prestation ainsi que du caractère normal de la rémunération y afférente — Entrave — Justification — Lutte contre la fraude et l’évasion fiscales — Efficacité des contrôles fiscaux — Répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres — Proportionnalité»

Dans l’affaire C‑318/10,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Cour de cassation (Belgique), par décision du 18 juin 2010, parvenue à la Cour le 2 juillet 2010, dans la procédure

Société d’investissement pour l’agriculture tropicale SA (SIAT)

contre

État belge,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. A. Borg Barthet, E. Levits (rapporteur), J.-J. Kasel et Mme M. Berger, juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 juin 2011,

considérant les observations présentées:

pour la société d’investissement pour l’agriculture tropicale SA (SIAT), par Mes D. Garabedian et E. Traversa, avocats,

pour le gouvernement belge, par M. J.-C. Halleux et Mme M. Jacobs, en qualité d’agents,

pour le gouvernement français, par M. G. de Bergues et Mme N. Rouam, en qualité d’agents,

pour le gouvernement portugais, par MM. L. Inez Fernandes et J. Menezes Leitão ainsi que par Mme S. Jaulino, en qualité d’agents,

pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme H. Walker, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par MM. R. Lyal et J.-P. Keppenne, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 29 septembre 2011,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 49 CE.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la société d’investissement pour l’agriculture tropicale SA (ci-après «SIAT») à l’État Belge, représenté par le ministre des Finances, au sujet du refus de ce dernier de déduire au titre des frais professionnels la somme de 28402251 BEF que cette société avait comptabilisée comme charge dans ses comptes arrêtés au 31 décembre 1997.

Le cadre juridique belge

3

L’article 26 du code des impôts sur les revenus de 1992 (ci-après le «CIR 1992») prévoit:

«Sans préjudice de l’application de l’article 49 et sous réserve des dispositions de l’article 54, lorsqu’une entreprise établie en Belgique accorde des avantages anormaux ou bénévoles, ceux-ci sont ajoutés à ses bénéfices propres, sauf si les avantages interviennent pour déterminer les revenus imposables des bénéficiaires.

Nonobstant la restriction prévue à l’alinéa 1er, sont ajoutés aux bénéfices propres les avantages anormaux ou bénévoles qu’elle accorde à:

[…]

2o

un contribuable visé à l’article 227 ou à un établissement étranger, qui, en vertu des dispositions de la législation du pays où ils sont établis, n’y sont pas soumis à un impôt sur les revenus ou y sont soumis à un régime fiscal notablement plus avantageux que celui auquel est soumise l’entreprise établie en Belgique;

[…]»

4

L’article 49 du CIR 1992 dispose:

«À titre de frais professionnels sont déductibles les frais que le contribuable a faits ou supportés pendant la période imposable en vue d’acquérir ou de conserver les revenus imposables et dont il justifie la réalité et le montant au moyen de documents probants ou, quand cela n’est pas possible, par tous autres moyens de preuve admis par le droit commun, sauf le serment.

Sont considérés comme ayant été faits ou supportés pendant la période imposable les frais qui, pendant cette période, sont effectivement payés ou supportés ou qui ont acquis le caractère de dettes ou pertes certaines et liquides et sont comptabilisés comme telles.»

5

Aux termes de l’article 53 du CIR 1992:

«Ne constituent pas des frais professionnels:

[...]

10o

tous frais dans la mesure où ils dépassent de manière déraisonnable les besoins professionnels;

[...]»

6

L’article 54 du CIR 1992 est libellé comme suit:

«Les intérêts, redevances pour la concession de l’usage de brevets d’invention, procédés de fabrication et autres droits analogues ou les rémunérations de prestations ou de services ne sont pas considérés comme des frais professionnels lorsqu’ils sont payés ou attribués directement ou indirectement à un contribuable visé à l’article 227 ou à un établissement étranger, qui, en vertu des dispositions de la législation du pays où ils sont établis, n’y sont pas soumis à un impôt sur les revenus ou y sont soumis, pour les revenus de l’espèce, à un régime de taxation notablement plus avantageux que celui auquel ces revenus sont soumis en Belgique, à moins que le contribuable ne justifie par toutes voies de droit qu’ils répondent à des opérations réelles et sincères et qu’ils ne dépassent pas les limites normales.»

7

En vertu de l’article 227, 2o, du CIR 1992, sont assujetties à l’impôt des non-résidents notamment les sociétés étrangères qui n’ont pas en Belgique leur siège social, leur principal établissement ou leur siège de direction ou d’administration.

Le litige au principal et la question préjudicielle

8

SIAT, une société de droit belge, a constitué en 1991 une filiale commune avec un groupe nigérian, pour l’exploitation de palmeraies en vue de la production d’huile de palme.

9

Les conventions entre les parties prévoyaient, d’une part, que SIAT fournirait des services rémunérés et vendrait des équipements à la filiale commune et, d’autre part, qu’elle rétrocéderait une partie du bénéfice qu’elle tirerait de celle-ci, à titre de commission d’apport d’affaires, à la société de tête du groupe nigérian, à savoir la société luxembourgeoise Megatrade International SA (ci-après «MISA»).

10

En 1997, des discussions ont eu lieu entre les parties quant au montant exact des commissions dues par SIAT. Ces discussions ont débouché sur la fin du partenariat et l’engagement pris par SIAT de verser à MISA 2000000 USD pour solde de tout compte.

11

En conséquence, SIAT a inscrit en tant que charge, dans ses comptes arrêtés au 31 décembre 1997, une somme de 28402251 BEF pour le paiement des commissions dues à MISA.

12

Constatant que MISA avait le statut de société holding régie par la loi luxembourgeoise du 31 juillet 1929 relative au régime fiscal des sociétés de participations financières et n’était, dès lors, pas assujettie à un impôt analogue à l’impôt sur les revenus des sociétés applicable en Belgique, l’administration fiscale belge (ci-après l’«administration fiscale») a fait application de l’article 54 du CIR 1992 et n’a pas admis la déduction de la somme de 28402251 BEF au titre des frais professionnels.

13

À la suite du recours introduit par SIAT contre la décision de l’administration fiscale, le tribunal de première instance de Bruxelles, par un jugement du 21 février 2003, et la cour d’appel de Bruxelles, par un arrêt du 12 mars 2008, ont confirmé la position de cette administration.

14

SIAT s’est pourvue devant la Cour de cassation, laquelle, ayant des doutes quant à l’interprétation de l’article 49 CE, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article [49 CE], dans sa version applicable en l’espèce, les faits à l’origine du litige s’étant produits avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009, doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la législation nationale d’un État membre selon laquelle les rémunérations de prestations ou de services ne sont pas considérées comme des frais professionnels déductibles lorsqu’elles sont payées ou attribuées directement ou indirectement à un contribuable résidant dans un autre État membre ou à un établissement étranger, qui, en vertu de la législation du pays où ils sont établis, n’y sont pas soumis à un impôt sur les revenus ou y sont soumis, pour les revenus de l’espèce, à un régime de taxation notablement plus avantageux que celui auquel ces revenus sont soumis dans l’État membre dont la législation nationale est en cause, à moins que le contribuable ne justifie par toutes voies de droit que ces rémunérations répondent à des opérations réelles et sincères et qu’elles ne dépassent pas les limites normales, alors qu’une telle preuve n’est pas requise pour pouvoir déduire les rémunérations de prestations ou de services versées à un contribuable résidant dans cet État membre, même si ce contribuable n’est pas soumis à l’impôt sur les revenus ou est soumis à un régime de taxation notablement plus avantageux que celui du droit commun de cet État?»

Sur la demande de décision préjudicielle

Observations liminaires

15

Ainsi qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle et des observations soumises à la Cour, la règle générale relative à la déduction des frais professionnels est contenue à l’article 49 du CIR 1992, selon lequel des frais sont déductibles au titre des frais professionnels s’ils sont...

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