Mohamed M’Bodj v État belge.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2452
Date18 December 2014
Celex Number62013CJ0542
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑542/13
62013CJ0542

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

18 décembre 2014 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Article 19, paragraphe 2 — Directive 2004/83/CE — Normes minimales relatives aux conditions d’octroi du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire — Personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire — Article 15, sous b) — Torture ou traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine — Article 3 — Normes plus favorables — Demandeur atteint d’une grave maladie — Absence de traitement adéquat disponible dans le pays d’origine — Article 28 — Protection sociale — Article 29 — Soins de santé»

Dans l’affaire C‑542/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Cour constitutionnelle (Belgique), par décision du 26 septembre 2013, parvenue à la Cour le 17 octobre 2013, dans la procédure

Mohamed M’Bodj

contre

État belge,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, M. K. Lenaerts, vice-président, MM. M. Ilešič, L. Bay Larsen (rapporteur), T. von Danwitz, J.‑C. Bonichot et Mme K. Jürimäe, présidents de chambre, MM. A. Rosas, E. Juhász, A. Arabadjiev, Mme C. Toader, MM. M. Safjan, D. Šváby, Mmes M. Berger et A. Prechal, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. V. Tourrès, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 juin 2014,

considérant les observations présentées:

pour M. M’Bodj, par Me S. Benkhelifa, avocate,

pour le gouvernement belge, par Mme C. Pochet et M. T. Materne, en qualité d’agents, assistés de Mes J.-J. Masquelin, D. Matray, J. Matray, C. Piront et N. Schynts, avocats,

pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et B. Beutler, en qualité d’agents,

pour le gouvernement grec, par Mme M. Michelogiannaki, en qualité d’agent,

pour le gouvernement français, par MM. F.-X. Bréchot et D. Colas, en qualité d’agents,

pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. C. Banner, barrister,

pour la Commission européenne, par Mme M. Condou-Durande et M. R. Troosters, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 juillet 2014,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2, sous e) et f), 15, 18, 20, paragraphe 3, 28 et 29 de la directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts (JO L 304, p. 12, et rectificatifs JO 2005, L 204, p. 24, et JO 2011, L 278, p. 13).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. M’Bodj, ressortissant mauritanien, à l’État belge au sujet du rejet par le Service public fédéral Sécurité sociale de sa demande tendant à obtenir des allocations de remplacement de revenus et d’intégration.

Le cadre juridique

La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

3

La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»), prévoit à son article 3, intitulé «Interdiction de la torture»:

«Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.»

Le droit de l’Union

4

Les considérants 5, 6, 9, 10, 24 et 26 de la directive 2004/83 sont libellés comme suit:

«(5)

Les conclusions du Conseil européen de Tampere précisent également que les règles relatives au statut de réfugié devraient aussi être complétées par des mesures relatives à des formes subsidiaires de protection offrant un statut approprié à toute personne nécessitant une telle protection.

(6)

L’objectif principal de la présente directive est, d’une part, d’assurer que tous les États membres appliquent des critères communs pour l’identification des personnes qui ont réellement besoin de protection internationale et, d’autre part, d’assurer un niveau minimal d’avantages à ces personnes dans tous les États membres.

[...]

(9)

Les ressortissants de pays tiers ou les apatrides qui sont autorisés à séjourner sur le territoire des États membres pour des raisons autres que le besoin de protection internationale, mais à titre discrétionnaire par bienveillance ou pour des raisons humanitaires, n’entrent pas dans le champ d’application de la présente directive.

(10)

La présente directive respecte les droits fondamentaux, ainsi que les principes reconnus notamment par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [(ci-après la «Charte»)]. En particulier, la présente directive vise à garantir le plein respect de la dignité humaine et du droit d’asile des demandeurs d’asile et des membres de leur famille qui les accompagnent.

[...]

(24)

Il convient d’arrêter aussi des normes minimales relatives à la définition et au contenu du statut conféré par la protection subsidiaire. La protection subsidiaire devrait compléter la protection des réfugiés consacrée par la convention (relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 [Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150, no 2545 (1954)]).

[...]

(26)

Les risques auxquels la population d’un pays ou une partie de la population est généralement exposée ne constituent normalement pas en eux-mêmes des menaces individuelles à qualifier d’atteintes graves.»

5

L’article 2, sous a), c), e), f) et g), de cette directive dispose:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

a)

‘protection internationale’, le statut de réfugié et le statut conféré par la protection subsidiaire définis aux points d) et f);

[...]

c)

‘réfugié’, tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays [...]

[...]

e)

‘personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire’, tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 15, [...] et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays;

f)

‘statut conféré par la protection subsidiaire’, la reconnaissance, par un État membre, d’un ressortissant d’un pays tiers ou d’un apatride en tant que personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire;

g)

‘demande de protection internationale’, la demande de protection présentée à un État membre par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride, qui peut être comprise comme visant à obtenir le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur ne sollicitant pas explicitement un autre type de protection hors du champ d’application de la présente directive et pouvant faire l’objet d’une demande séparée».

6

L’article 3 de ladite directive dispose:

«Les États membres peuvent adopter ou maintenir des normes plus favorables pour décider quelles sont les personnes qui remplissent les conditions d’octroi du statut de réfugié ou de personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et pour déterminer le contenu de la protection internationale, dans la mesure où ces normes sont compatibles avec la présente directive.»

7

L’article 6 de la même directive est ainsi rédigé:

«Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être:

a)

l’État;

b)

des partis ou organisations qui contrôlent l’État ou une partie importante du territoire de celui-ci;

c)

des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves [...]»

8

L’article 15 de la directive 2004/83, figurant au chapitre V de celle-ci, intitulé «Conditions à remplir pour être considéré comme personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», énonce sous le titre «Atteintes graves»:

«Les atteintes graves sont:

a)

la peine de mort ou l’exécution, ou

b)

la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine, ou

c)

des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.»

9

Aux termes de l’article 18 de cette directive:

«Les États membres octroient le statut conféré par la protection subsidiaire à un ressortissant ou à un apatride qui remplit les conditions pour être une personne pouvant...

To continue reading

Request your trial
15 practice notes
  • Opinion of Advocate General Mengozzi delivered on 3 May 2016.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • May 3, 2016
    ...EU:C:2009:94), apartado 31, de 30 de enero de 2014, Diakité (C285/12, EU:C:2014:39), apartado 18, y de 18 de diciembre de 2014, M’Bodj (C542/13, EU:C:2014:2452), apartado ( 41 )Véase la sentencia de 17 de febrero de 2009, Elgafaji (C465/07, EU:C:2009:94), apartado 32, 33 y 39. Véase también......
  • Nigyar Rauf Kaza Ahmedbekova and Rauf Emin Ogla Ahmedbekov v Zamestnik-predsedatel na Darzhavna agentsia za bezhantsite.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • June 28, 2018
    ...‘maintain the credibility of the protection system’ provided for in that directive. Similarly, in its judgment of 18 December 2014, M’Bodj (C‑542/13, EU:C:2014:2452, paragraphs 42 to 44), the Court held that ‘it would be contrary to the general scheme and objectives of Directive 2004/83 to ......
  • Nigyar Rauf Kaza Ahmedbekova and Rauf Emin Ogla Ahmedbekov v Zamestnik-predsedatel na Darzhavna agentsia za bezhantsite.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • October 4, 2018
    ...have no connection with the rationale of international protection are prohibited (see, in that regard, judgment of 18 December 2014, M’Bodj, C‑542/13, EU:C:2014:2452, paragraphs 42 and 44). This thus applies, inter alia, to standards which grant such status to persons falling within the sco......
  • Opinion of Advocate General Collins delivered on 13 July 2023.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • July 13, 2023
    ...che è nell’interesse del minore tornare con i genitori nel paese d’origine. 68 V. per analogia, sentenza del 18 dicembre 2014, M’Bodj (C‑542/13, EU:C:2014:2452, punto 69 V., per analogia, sentenza del 5 settembre 2012, Y e Z (C‑71/11 e C‑99/11, EU:C:2012:518, punti 65 e 66), nonché, in sens......
  • Request a trial to view additional results
14 cases
  • Opinion of Advocate General Mengozzi delivered on 3 May 2016.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • May 3, 2016
    ...EU:C:2009:94), apartado 31, de 30 de enero de 2014, Diakité (C285/12, EU:C:2014:39), apartado 18, y de 18 de diciembre de 2014, M’Bodj (C542/13, EU:C:2014:2452), apartado ( 41 )Véase la sentencia de 17 de febrero de 2009, Elgafaji (C465/07, EU:C:2009:94), apartado 32, 33 y 39. Véase también......
  • Nigyar Rauf Kaza Ahmedbekova and Rauf Emin Ogla Ahmedbekov v Zamestnik-predsedatel na Darzhavna agentsia za bezhantsite.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • June 28, 2018
    ...‘maintain the credibility of the protection system’ provided for in that directive. Similarly, in its judgment of 18 December 2014, M’Bodj (C‑542/13, EU:C:2014:2452, paragraphs 42 to 44), the Court held that ‘it would be contrary to the general scheme and objectives of Directive 2004/83 to ......
  • Nigyar Rauf Kaza Ahmedbekova and Rauf Emin Ogla Ahmedbekov v Zamestnik-predsedatel na Darzhavna agentsia za bezhantsite.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • October 4, 2018
    ...have no connection with the rationale of international protection are prohibited (see, in that regard, judgment of 18 December 2014, M’Bodj, C‑542/13, EU:C:2014:2452, paragraphs 42 and 44). This thus applies, inter alia, to standards which grant such status to persons falling within the sco......
  • Opinion of Advocate General Collins delivered on 13 July 2023.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • July 13, 2023
    ...che è nell’interesse del minore tornare con i genitori nel paese d’origine. 68 V. per analogia, sentenza del 18 dicembre 2014, M’Bodj (C‑542/13, EU:C:2014:2452, punto 69 V., per analogia, sentenza del 5 settembre 2012, Y e Z (C‑71/11 e C‑99/11, EU:C:2012:518, punti 65 e 66), nonché, in sens......
  • Request a trial to view additional results
1 books & journal articles
  • Fundamental Rights and Legal Wrongs: The Two Sides of the Same EU Coin
    • European Union
    • European Law Journal No. 22-1, January 2016
    • January 1, 2016
    ...the lens of137Joined Cases C-411/10 and C-493/10 N.S., EU:C:2011:865. Similar reasoning is present in Case C-4/11Puid, EU:C:2013:740.138Case C-542/13 M’Bodj, EU:C:2014:2452.139Appl. No. 26565/05, N. v. The United Kingdom, ECtHR, judgment of 27 May 2008, (2008)47 EHRR 39 §42, 2008 [ECHR].140......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT