European Commission v Portuguese Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:717
CourtCourt of Justice (European Union)
Date10 November 2011
Docket NumberC-212/09
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number62009CJ0212

Affaire C-212/09

Commission européenne

contre

République portugaise

«Manquement d’État — Articles 43 CE et 56 CE — Libre circulation des capitaux — Actions privilégiées (‘golden shares’) détenues par l’État portugais au sein de GALP Energia SGPS SA — Intervention dans la gestion d’une société privatisée»

Sommaire de l'arrêt

Libre circulation des capitaux — Restrictions — Droit des sociétés — Réglementation nationale instituant en faveur de l'État des droits spéciaux dans la gestion d'une entreprise privatisée

(Art. 56, § 1, CE, 58 CE et 86, § 2, CE)

Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 56 CE, un État membre qui maintient dans une société anonyme des droits spéciaux prévus en faveur de cet État et d’autres entités publiques, attribués en liaison avec des actions privilégiées («golden shares») détenues par cet État dans le capital social de cette société, tenant, notamment, à l'élection du président du conseil d'administration et lui conférant un droit de veto sur la nomination d'un nombre d'administrateurs au plus égal à un tiers du total, ainsi que pour les résolutions modifiant les statuts de la société, celles visant à autoriser la conclusion de contrats de groupe avec relation de parité ou de subordination et celles qui sont susceptibles, de quelque manière que ce soit, de compromettre l'approvisionnement du pays en pétrole, en gaz ou en produits qui en sont dérivés.

En effet, le droit de veto, dans la mesure où il confère à cet État une influence sur la gestion et le contrôle de la société qui n’est pas justifiée par l’ampleur de la participation qu’il détient dans cette société, est susceptible de décourager les opérateurs d’autres États membres d’effectuer des investissements directs dans cette dernière dans la mesure où ils ne pourraient pas concourir à la gestion et au contrôle de cette société à proportion de la valeur de leurs participations. De même, le droit de veto en cause peut avoir un effet dissuasif sur les investissements de portefeuille dans la société dans la mesure où un éventuel refus de l’État concerné d’approuver une décision importante, présentée par les organes de cette société comme répondant à l’intérêt de celle-ci, est, en effet, susceptible de peser sur la valeur des actions de ladite société et, partant, sur l’attrait d’un investissement dans de telles actions.

En ce qui concerne le droit de désigner le président du conseil d’administration, celui-ci constitue une restriction à la libre circulation des capitaux dans la mesure où un tel droit spécifique constitue une dérogation au droit commun des sociétés prévu au seul bénéfice des acteurs publics par une mesure législative nationale. S’il est vrai que cette possibilité peut être attribuée par la loi en tant que droit d’une minorité qualifiée, elle doit être, dans ce cas, accessible à tous les actionnaires et ne doit pas être réservée exclusivement à l’État. En effet, en limitant la possibilité des actionnaires autres que l’État de participer au capital social de la société en vue de créer ou de maintenir des liens économiques durables et directs avec celle-ci permettant une participation effective à sa gestion ou à son contrôle, le droit de nommer un administrateur est susceptible de dissuader les investisseurs directs d’autres États membres d’investir dans le capital de cette société.

S’agissant des dérogations permises par l’article 58 CE, certes, la nécessité de garantir la sécurité de l'approvisionnement énergétique de l'État membre concerné en cas de crise, de guerre ou de terrorisme peut constituer une raison de sécurité publique et justifier, éventuellement, une entrave à la libre circulation des capitaux. Cependant, les exigences de sécurité publique doivent, notamment en tant que dérogation au principe fondamental de la libre circulation des capitaux, être entendues strictement, de sorte que leur portée ne saurait être déterminée unilatéralement par chacun des États membres sans contrôle des institutions de l’Union. Ainsi, la sécurité publique ne saurait être invoquée qu’en cas de menace réelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société. Dès lors qu'un État se borne à invoquer le motif relatif à la sécurité de l’approvisionnement énergétique, sans préciser les raisons exactes pour lesquelles il estime que chacun des droits spéciaux contestés ou l’ensemble de ceux-ci permettrait d’éviter une telle atteinte à un intérêt fondamental comme l'approvisionnement énergétique, une justification au titre de la sécurité publique ne saurait être retenue.

Par ailleurs, s'agissant de la proportionnalité de la restriction en question, l'incertitude, créée par le fait que l’exercice des droits spéciaux que la détention d’actions privilégiées dans le capital social de la société confère à l’État n’est soumis à aucune condition ou circonstance spécifique et objective, constitue une atteinte grave à la liberté de circulation des capitaux en ce qu’elle confère aux autorités nationales, en ce qui concerne le recours à de tels droits, une marge d’appréciation tellement discrétionnaire que celle-ci ne saurait être considérée comme proportionnée aux objectifs poursuivis.

Enfin, l’article 86, paragraphe 2, CE ne trouve pas à s’appliquer aux dispositions nationales précitées et ne saurait, dès lors, être invoqué à titre de justification de ces dispositions en tant que celles-ci constituent des restrictions à la libre circulation des capitaux consacrée par le traité. En effet, l’article 86, paragraphe 2, CE, lu en combinaison avec le paragraphe 1 du même article, permet de justifier l’octroi, par un État membre, à une entreprise chargée de la gestion de services d’intérêt économique général de droits spéciaux ou exclusifs contraires aux dispositions du traité, dans la mesure où l’accomplissement de la mission particulière qui lui a été impartie ne peut être assuré que par l’octroi de tels droits et pour autant que le développement des échanges n’est pas affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union. Tel n'est toutefois pas l'objet d'une réglementation nationale qui attribue à un État membre des droits spéciaux dans une société anonyme, en liaison avec des actions privilégiées détenues par cet État dans le capital social de cette société.

(cf. points 57-60, 82-83, 85, 88, 90-92, 95, 97 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

10 novembre 2011(*)

«Manquement d’État – Articles 43 CE et 56 CE – Libre circulation des capitaux – Actions privilégiées (‘golden shares’) détenues par l’État portugais au sein de GALP Energia SGPS SA – Intervention dans la gestion d’une société privatisée»

Dans l’affaire C‑212/09,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 11 juin 2009,

Commission européenne, représentée par M. G. Braun, Mme M. Teles Romão et M. P. Guerra e Andrade, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République portugaise, représentée par M. L. Inez Fernandes, en qualité d’agent, assisté de Mes C. Botelho Moniz, M. Rosado da Fonseca et P. Gouveia e Melo, advogados,

partie défenderesse,

LA COUR (première chambre),

composée de M. Safjan, président de la cinquième chambre, faisant fonction de président de la première chambre, MM. A. Borg Barthet, E. Levits, J.-J. Kasel et Mme M. Berger (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 janvier 2011,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en conservant des droits spéciaux de l’État portugais et d’autres entités publiques ou du secteur public portugais au sein de GALP Energia SGPS SA (ci-après «GALP»), attribués en liaison avec des actions privilégiées («golden shares») détenues par cet État, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 43 CE et 56 CE.

Le cadre juridique

La réglementation nationale

2 L’article 15, paragraphe 1, de la loi n° 11/90, portant loi-cadre relative aux privatisations (Lei n° 11/90, Lei Quadro das Privatizações), du 5 avril 1990 (Diário da República I, série A, n° 80, du 5 avril 1990, ci‑après la «LQP»), prévoit:

«À titre exceptionnel, et si des raisons d’intérêt national l’exigent, l’acte portant approbation des statuts de l’entreprise à privatiser peut prévoir, en vue de garantir l’intérêt public, que les délibérations sociales relatives à certaines matières soient subordonnées à la confirmation d’un administrateur nommé par l’État.»

3 L’article 15, paragraphe 3, de la LQP prévoit la possibilité de créer des actions privilégiées dans les termes suivants:

«L’acte [approuvant les statuts de l’entreprise à privatiser ou à transformer en société anonyme] visé à l’article 4, paragraphe 1, peut en outre prévoir à titre exceptionnel, lorsque des raisons d’intérêt national l’exigent, l’existence d’actions privilégiées destinées à rester la propriété de l’État et qui, indépendamment de leur nombre, lui donnent un droit de veto sur les modifications statutaires et d’autres délibérations portant sur un domaine déterminé, dûment spécifié dans les statuts.»

4 En application de l’article 15 de la LQP, le décret-loi nº 261-A/99, approuvant la première phase du processus de privatisation du capital social de GALP –Petróleos e Gás de Portugal, SGPS SA (Decreto-Lei n° 261-A/99 aprova a 1.ª fase do processo de privatização do capital social da GALP – Petróleos e Gás de Portugal, SGPS, SA), du 7 juillet 1999 (Diário da República I, série A, n° 156, du 7 juillet 1999, ci‑après le «décret-loi nº 261-A/99»), prévoit à son article 4, paragraphe 1, la possibilité de «créer des actions privilégiées par conversion d’actions ordinaires».

5 En vertu de...

To continue reading

Request your trial
11 practice notes
  • Finanzamt Ulm v Ingeborg Wagner-Raith.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 18 December 2014
    ...EU:C:2008:289), apartados 98 a 102; Glaxo Wellcome (C‑182/08, EU:C:2009:559), apartado 40 y jurisprudencia citada, y Comisión/Portugal (C‑212/09, EU:C:2011:717), apartado ( 46 ) Véanse en este sentido las sentencias Haribo Lakritzen Hans Riegel y Österreichische Salinen (C‑436/08 y C‑437/08......
  • Opinion of Advocate General Campos Sánchez-Bordona delivered on 21 November 2018.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 21 November 2018
    ...EU:C:2010:412); of 11 November 2010, Commission v Portugal (C‑543/08, EU:C:2010:669); and of 10 November 2011, Commission v Portugal (C‑212/09, 23 Judgment of 8 July 2010, Commission v Portugal (C‑171/08, EU:C:2010:412), paragraph 60. 24 Judgment of 28 September 2006, Commission v Netherlan......
  • SC Romenergo SA and Aris Capital SA v Autoritatea de Supraveghere Financiară.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 16 September 2020
    ...efectiva en la gestión o el control de dicha sociedad (véase, en este sentido, la sentencia de 10 de noviembre de 2011, Comisión/Portugal, C‑212/09, EU:C:2011:717, apartado 34 Así pues, la adquisición de participaciones en el capital de una sociedad de inversión financiera como la del litig......
  • OC e.a. and Others v Banca d'Italia and Others.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 16 July 2020
    ...1988, L 178, pag. 5) (sentenze del 27 gennaio 2009, Persche, C‑318/07, EU:C:2009:33, punto 24; del 10 novembre 2011, Commissione/Portogallo, C‑212/09, EU:C:2011:717, punto 47, e del 22 ottobre 2013, Essent e a., da C‑105/12 a C‑107/12, EU:C:2013:677, punto 101 In tal senso, la Corte ha ripe......
  • Request a trial to view additional results
10 cases
  • European Commission v Republic of Poland.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 21 March 2019
    ...opinion; thus that action must be based on the same grounds and pleas as that opinion (judgment of 10 November 2011, Commission v Portugal, C‑212/09, EU:C:2011:717, paragraph 26 and the case-law cited) and, in accordance with Article 127(1) of the Rules of Procedure of the Court, no new ple......
  • Finanzamt Ulm v Ingeborg Wagner-Raith.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 18 December 2014
    ...EU:C:2008:289), apartados 98 a 102; Glaxo Wellcome (C‑182/08, EU:C:2009:559), apartado 40 y jurisprudencia citada, y Comisión/Portugal (C‑212/09, EU:C:2011:717), apartado ( 46 ) Véanse en este sentido las sentencias Haribo Lakritzen Hans Riegel y Österreichische Salinen (C‑436/08 y C‑437/08......
  • conclusiones del Abogado General Pitruzzella presentadas en el asunto Köln-Aktienfonds Deka
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 5 September 2019
    ...Weegen e.a. (C‑580/15, EU:C:2017:429, point 29 et jurisprudence citée). 18 À ce propos, voir arrêt du 10 novembre 2011, Commission/Portugal (C‑212/09, EU:C:2011:717, point 65), qui concerne la libre circulation des capitaux et que la Cour cite au point 29 de l’arrêt Van der Weegen cité à la......
  • European Commission v Hungary.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 21 May 2019
    ...paragraph 56; of 13 May 2003, Commission v Spain, C‑463/00, EU:C:2003:272, paragraph 86; and of 10 November 2011, Commission v Portugal, C‑212/09, EU:C:2011:717, paragraph 98 and the case-law cited). 2. Article 63 TFEU and Article 17 of the Charter (a) The applicability of Article 63 TFEU a......
  • Request a trial to view additional results

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT