Lu Zheng v Ministerio de Economía y Competitividad.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:357
Docket NumberC-190/17
Celex Number62017CJ0190
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date31 May 2018
62017CJ0190

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

31 mai 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Contrôles de l’argent liquide entrant ou sortant de l’Union européenne – Règlement (CE) no 1889/2005 – Champ d’application – Article 63 TFUE – Libre circulation des capitaux – Ressortissant d’un pays tiers transportant une somme importante d’argent liquide non déclarée dans ses bagages – Obligation de déclaration liée à la sortie de cette somme du territoire espagnol – Sanctions – Proportionnalité »

Dans l’affaire C‑190/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Superior de Justicia de Madrid (Cour supérieure de justice de Madrid, Espagne), par décision du 5 avril 2017, parvenue à la Cour le 12 avril 2017, dans la procédure

Lu Zheng

contre

Ministerio de Economía y Competitividad,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. C. G. Fernlund (rapporteur), A. Arabadjiev, S. Rodin et E. Regan, juges,

avocat général : M. M. Wathelet,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour le gouvernement espagnol, par Mme A. Gavela Llopis, en qualité d’agent,

pour le gouvernement belge, par M. P. Cottin et Mme M. Jacobs, en qualité d’agents,

pour le gouvernement hellénique, par M. K. Boskovits ainsi que par Mme s E. Zisi et A. Dimitrakopoulou, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. P. Arenas et M. Wasmeier, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 9, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1889/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 2005, relatif aux contrôles de l’argent liquide entrant ou sortant de la Communauté (JO 2005, L 309, p. 9).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Lu Zheng au Ministerio de Economía y Competitividad (ministère de l’Économie et de la Compétitivité, Espagne) au sujet de l’amende qui lui a été infligée pour manquement à l’obligation de déclarer, à la sortie du territoire espagnol, certaines sommes d’argent liquide transportées.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les considérants 2 et 3 du règlement no 1889/2005 sont libellés comme suit :

« (2)

L’introduction du produit d’activités illicites dans le système financier et l’investissement de ce produit une fois blanchi nuisent au développement économique sain et durable. En conséquence, la directive 91/308/CEE du Conseil du 10 juin 1991 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux [(JO 1991, L 166, p. 77)] a instauré un mécanisme communautaire de contrôle des transactions effectuées à travers des établissements de crédit, des institutions financières et certaines professions, afin de prévenir le blanchiment d’argent. Étant donné que la mise en œuvre dudit mécanisme risque de conduire à un accroissement des mouvements d’argent liquide effectués à des fins illicites, il y a lieu de compléter la directive [91/308] par un système de contrôle de l’argent liquide entrant ou sortant de la Communauté.

(3)

À ce jour, seuls quelques États membres mettent en œuvre de tels systèmes de contrôle, sur la base de leur législation. Les différences entre les législations sont préjudiciables au bon fonctionnement du marché intérieur. Il y a dès lors lieu d’harmoniser les éléments fondamentaux, au niveau communautaire, afin d’assurer un niveau de contrôle équivalent des mouvements d’argent liquide franchissant les frontières de la Communauté. Une telle harmonisation ne doit cependant pas affecter la possibilité, pour les États membres, d’exercer, conformément aux dispositions actuelles du traité, des contrôles nationaux sur les mouvements d’argent liquide au sein de la Communauté. »

4

Aux termes de l’article 1er de ce règlement :

« 1. Le présent règlement complète les dispositions de la directive [91/308] concernant les transactions effectuées à travers les institutions financières, les établissements de crédit et certaines professions, en établissant des règles harmonisées concernant le contrôle, par les autorités compétentes, des mouvements d’argent liquide entrant ou sortant de la Communauté.

2. Le présent règlement est sans préjudice des mesures nationales visant à contrôler les mouvements d’argent liquide au sein de la Communauté, lorsque ces mesures sont prises conformément à l’article [65 TFUE]. »

5

L’article 3, paragraphe 1, dudit règlement dispose :

« Toute personne physique entrant ou sortant de la Communauté avec au moins 10000 euros en argent liquide déclare la somme transportée aux autorités compétentes de l’État membre par lequel elle entre ou sort de la Communauté, conformément au présent règlement. L’obligation de déclaration n’est pas réputée exécutée si les informations fournies sont incorrectes ou incomplètes. »

6

L’article 9, paragraphe 1, de ce même règlement prévoit :

« Chaque État membre introduit des sanctions applicables en cas de non-exécution de l’obligation de déclaration prévue à l’article 3. Ces sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. »

Le droit espagnol

7

Il ressort des dispositions combinées de l’article 2, paragraphe 1, sous v), et de l’article 34 de la Ley 10/2010 de prevención del blanqueo de capitales y de la financiación del terrorismo (loi 10/2010 sur la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme), du 28 avril 2010 (BOE no 103, du 29 avril 2010), que les personnes physiques qui entrent sur le territoire national ou en sortent avec des moyens de paiement d’un montant égal ou supérieur à 10000 euros sont tenues de présenter une déclaration préalable contenant des informations exactes concernant le porteur, le propriétaire, le destinataire, le montant, la nature, la provenance, l’usage prévu, l’itinéraire et les moyens de transport des moyens de paiement.

8

L’article 35, paragraphe 2, de cette loi prévoit que l’absence de déclaration, lorsque celle-ci est obligatoire, ou la non-véracité des données déclarées, dès lors qu’elle peut être considérée comme particulièrement importante, donnera lieu à la saisie, par les agents des douanes ou de la police en fonction, de la totalité des moyens de paiement décelés, sous déduction d’un minimum de subsistance.

9

Conformément à l’article 52, paragraphe 3, sous a), de la loi 10/2010, la violation de ladite obligation de déclaration constitue une infraction grave, passible, en vertu de l’article 57, paragraphe 3, de cette loi, d’une amende dont le montant minimal s’élève à 600 euros et dont le montant maximal peut atteindre le double de la somme d’argent liquide non déclarée.

10

Aux termes de l’article 59, paragraphe 3, de ladite loi :

« Pour déterminer la sanction applicable en cas de violation de l’obligation de déclaration prévue à l’article 34, les circonstances suivantes sont considérées comme aggravantes :

a)

Le montant faisant l’objet du mouvement est élevé ; un montant égal au double du plafond fixé pour la déclaration est en tout état de cause considéré comme tel ;

b)

L’absence de justification de l’origine licite des moyens de paiement ;

c)

L’incohérence entre l’activité exercée par l’intéressé et le montant du mouvement ;

d)

Le fait que les moyens de paiement soient placés ou situés d’une façon démontrant une claire intention de les dissimuler ;

e)

Les sanctions administratives définitives infligées à l’intéressé pour manquement à l’obligation de déclaration au cours des cinq dernières années. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

11

Le 10 août 2014, M. Zheng, ressortissant chinois, a fait enregistrer ses bagages à l’aéroport de Grande Canarie (Espagne) pour un vol à destination de Hong Kong (Chine), avec escales à Madrid (Espagne) et à Amsterdam (Pays-Bas).

12

À l’occasion d’un contrôle effectué lors de l’escale à l’aéroport de Madrid-Barajas, il a été constaté que les bagages de M. Zheng contenaient un montant de 92900 euros en argent liquide, que celui-ci avait omis de déclarer en violation de l’obligation prévue à l’article 34 de la loi 10/2010.

13

Ce montant a fait l’objet d’une saisie, sous déduction d’une somme de 1000 euros correspondant au minimum de subsistance visé à l’article 35, paragraphe 2, de cette loi.

14

Le 15 avril 2015, le Secretario General del Tesoro y Política Financiera (secrétaire général du Trésor et de la Politique financière, Espagne), dépendant du ministère de l’Économie et de la Compétitivité, a infligé une amende administrative de 91900 euros à M. Zheng, après avoir relevé, au titre des circonstances aggravantes, le montant élevé de la somme non déclarée, l’absence de justification de l’origine licite de l’argent liquide, l’incohérence des déclarations de l’intéressé concernant son activité professionnelle et le fait que l’argent liquide se trouvait dans un endroit qui indiquait l’intention délibérée de le dissimuler.

15

M. Zheng a introduit un recours devant la juridiction de renvoi contre la décision lui infligeant l’amende en demandant soit son annulation, soit l’imposition d’une sanction minime, soit l’imposition d’une sanction proportionnée à l’infraction commise. Il invoque, à cet égard, une violation du principe de...

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