Erika Jőrös v Aegon Magyarország Hitel Zrt..

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:340
Date30 May 2013
Celex Number62011CJ0397
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-397/11
62011CJ0397

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

30 mai 2013 ( *1 )

«Directive 93/13/CEE — Clauses abusives figurant dans les contrats conclus avec les consommateurs — Examen d’office, par le juge national, du caractère abusif d’une clause contractuelle — Conséquences à tirer par le juge national de la constatation du caractère abusif de la clause»

Dans l’affaire C‑397/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Fővárosi Bíróság (Hongrie), par décision du 12 juillet 2011, parvenue à la Cour le 27 juillet 2011, dans la procédure

Erika Jőrös

contre

Aegon Magyarország Hitel Zrt.,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. M. Ilešič, E. Levits, M. Safjan et Mme M. Berger (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

pour le gouvernement hongrois, par Mme K. Szíjjártó et M. Z. Fehér, en qualité d’agents,

pour le gouvernement espagnol, par M. A. Rubio González, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par Mme M. Owsiany-Hornung ainsi que par MM. M. van Beek et V. Kreuschitz, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29), en particulier de l’article 6, paragraphe 1, de celle-ci.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Jőrös à Aegon Magyarország Hitel Zrt. (ci-après «Aegon»), au sujet de sommes dues en exécution d’un contrat de crédit conclu entre ces parties.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 définit la clause abusive en ces termes:

«Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.»

4

L’article 4, paragraphe 1, de cette directive précise:

«[...] le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.»

5

En vertu de l’article 5 de ladite directive:

«Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. [...]»

6

En ce qui concerne les effets liés à la constatation du caractère abusif d’une clause, l’article 6, paragraphe 1, de la même directive dispose:

«Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives.»

Le droit national

Le droit matériel

7

Aux termes de l’article 209, paragraphe 1, de la loi IV de 1959 portant code civil (a Polgári Törvénykönyvről szóló 1959. évi IV. törvény, ci-après le «code civil»), en vigueur à la date de la conclusion du contrat de crédit en cause au principal , «est abusive une condition contractuelle générale ou une clause d’un contrat de consommation qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle dès lors que, en violation des obligations de bonne foi et de loyauté, elle fixe les droits et les obligations des parties découlant du contrat de manière unilatérale et non motivée au détriment de la partie contractante qui n’est pas l’auteur de la clause».

8

L’article 209/A, paragraphe 2, du code civil prévoyait que de telles clauses sont nulles.

9

Selon l’article 2, sous d), de l’arrêté gouvernemental 18/1999 (II. 5.), concernant les clauses considérées comme abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs [a fogyasztóval kötött szerződésben tisztességtelennek minősülő feltételekről szóló 18/1999 (II. 5.) kormányrendelet], du 5 février 1999 (Magyar Közlöny 1999/8), sont en particulier présumées abusives, sauf preuve contraire, les clauses qui permettent au cocontractant d’un consommateur de modifier le contrat de manière unilatérale, sans devoir invoquer de justification et, notamment, d’augmenter la contrepartie financière fixée par le contrat, ou qui permettent à ce cocontractant de modifier le contrat d’une manière unilatérale pour une juste cause définie dans le contrat, si, dans ce cas, le consommateur n’a pas le droit de dénoncer ou de résilier le contrat avec effet immédiat.

Le droit procédural

10

Selon l’article 3, paragraphe 2, de la loi III de 1952 portant code de procédure civile (a polgári perrendtartásról szóló 1952. évi III. törveny, ci-après le «code de procédure civile»), le juge, en l’absence d’une disposition légale contraire, est lié par les conclusions et les arguments juridiques présentés par les parties.

11

Conformément à l’article 23, paragraphe 1, sous k), du code de procédure civile, les recours qui visent à établir l’invalidité de clauses contractuelles abusives au titre, notamment, de l’article 209/A, paragraphe 2, du code civil relèvent de la compétence des juridictions départementales.

12

L’avis 2/2010/VI.28./PK de la chambre mixte civile de la Legfelsőbb Bíróság (Cour suprême de Hongrie), du 28 juin 2010, relatif à certaines questions de procédure concernant les actions en nullité, apporte les précisions suivantes:

«4.

a)

Une juridiction ne doit tenir compte d’office que des cas de nullité manifeste qui peuvent être clairement établis sur la base des éléments de preuve disponibles. [...]

b)

La prise en compte d’office d’un cas de nullité en appel est obligatoire si l’existence d’une cause de nullité ressort clairement des éléments de la procédure de première instance. [...]

5.

a)

[...] Dans une affaire civile, la juridiction est généralement liée par l’exposé des circonstances de fait figurant dans la requête, par l’objet de cette dernière, et donc par le droit que la partie entend exercer. Conformément à l’article 121, paragraphe 1, sous c), du code de procédure civile, la requête doit mentionner le droit invoqué, mais pas un fondement juridique concret. Le fait d’être lié par la requête n’implique donc pas que la juridiction est liée par le fondement juridique invoqué à tort par la partie. Si les faits exposés par la partie donnent à la requête ou à la demande reconventionnelle un autre fondement, la juridiction peut restituer sa véritable qualification au lien de droit.

[...]»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

13

Le 4 juillet 2007, Mme Jőrös a conclu un contrat de crédit avec Aegon, un établissement financier hongrois, pour une somme d’environ 160000 francs suisses (CHF), versée en forints hongrois (HUF), dont le terme était fixé au 15 août 2024.

14

Ledit contrat, conclu sur la base d’un formulaire prérédigé par l’établissement financier, prévoyait le paiement d’intérêts, dont le taux était de 4,5 % par an au moment de la conclusion du contrat, et de frais de gestion, dont le taux était de 2,2 % par an à la même date. Une commission d’utilisation égale à 1,5 % du montant total du prêt, avec un minimum de 250 CHF et un maximum de 1759 CHF, était due à la liquidation. Le taux annuel effectif global du crédit s’élevait ainsi à 7,658 %.

15

La clause 3.2 de la partie générale II du contrat de crédit conclu entre Mme Jőrös et Aegon disposait que le prêteur avait le droit, à la fin de chaque exercice et pour l’exercice suivant, de modifier le montant des frais de gestion d’après un barème et selon les modalités définies par un règlement permanent de cet établissement financier.

16

La clause 8.2 de ce contrat stipulait que le prêteur avait le droit de modifier de manière unilatérale le taux d’intérêt ou le montant des autres frais prévus par ledit contrat, ainsi que d’introduire de nouvelles catégories de commissions et de frais, dans l’hypothèse d’une modification des frais liés au financement de l’opération.

17

La clause 12.2 de ce même contrat prévoyait que si, à la suite de la modification d’une disposition légale ou administrative quelconque ou encore de variations dans l’interprétation de ces dispositions, Aegon se trouvait exposé à des frais nouveaux qu’il n’avait pas pu prévoir au moment de signer le contrat, l’emprunteur serait tenu de payer, à la demande de cet établissement, une somme couvrant ces frais ou, alternativement, ledit établissement aurait le droit de modifier de manière unilatérale le taux du prêt ou le montant des commissions.

18

Le contrat de crédit ne prévoyait pas, en cas de modification unilatérale par l’établissement financier, de droit de résiliation avec effet immédiat dans le chef de l’emprunteur.

19

Mme Jőrös a introduit un recours contre Aegon, l’établissement prêteur, devant le Pesti Központi kerületi bíróság (tribunal central d’arrondissement...

To continue reading

Request your trial
13 practice notes
  • Bankia SA contra Henry-Rodolfo Rengifo Jiménez y Sheyla-Jeanneth Felix Caiza.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 3 July 2019
    ...est juridiquement possible (voir, en ce sens, arrêts du 4 juin 2009, Pannon GSM, C‑243/08, EU:C:2009:350, point 35 ; du 30 mai 2013, Jőrös, C‑397/11, EU:C:2013:340, point 41, ainsi que du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, point 54 Eu ég......
  • L v Unicaja Banco SA ,anciennement Banco de Caja España de Inversiones, Salamanca y Soria, S.A.U.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 17 May 2022
    ...deren Rechtmäßigkeit anhand der in dieser Richtlinie geregelten Kriterien zu prüfen (vgl. in diesem Sinne Urteil vom 30. Mai 2013, Jőrös, C‑397/11, EU:C:2013:340, Rn. 26 Die Parteien, die im vorliegenden Verfahren beim Gerichtshof schriftliche Erklärungen eingereicht haben, sind uneins darü......
  • Opinion of Advocate General Tanchev delivered on 3 May 2018.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 3 May 2018
    ...See e.g. judgments of 14 March 2013, Aziz (C‑415/11, EU:C:2013:164, paragraphs 46 and 47 and the case-law cited), and of 30 May 2013, Jőrös (C‑397/11, 61 See e.g. recently the judgment of 18 February 2016, Finanmadrid EFC (C‑49/14, EU:C:2016:98). At paragraph 48 the Court notes that Member ......
  • Macinský and Macinská
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 21 November 2013
    ...citée). 26 – Voir arrêts précités Banco Español de Crédito (point 46) et Aziz (point 50); voir, également, arrêt du 30 mai 2013, Jőrös (C‑397/11, non encore publié au Recueil, point 50). Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, des aspects du principe d’effectivité sont désormais é......
  • Request a trial to view additional results
13 cases
  • Macinský and Macinská
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 21 November 2013
    ...citée). 26 – Voir arrêts précités Banco Español de Crédito (point 46) et Aziz (point 50); voir, également, arrêt du 30 mai 2013, Jőrös (C‑397/11, non encore publié au Recueil, point 50). Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, des aspects du principe d’effectivité sont désormais é......
  • Opinion of Advocate General Wahl delivered on 21 March 2018.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 21 March 2018
    ...2015, UPC MagyarországUPC Magyarország, C‑388/13, EU:C:2015:225, paragraph 57 and the case-law cited. 20 See judgment of 30 May 2013, Jőrös, C‑397/11, EU:C:2013:340, paragraph 21 Article 6(1) of Directive 93/13 reads as follows: ‘Member States shall lay down that unfair terms used in a cont......
  • Bankia SA contra Henry-Rodolfo Rengifo Jiménez y Sheyla-Jeanneth Felix Caiza.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 3 July 2019
    ...est juridiquement possible (voir, en ce sens, arrêts du 4 juin 2009, Pannon GSM, C‑243/08, EU:C:2009:350, point 35 ; du 30 mai 2013, Jőrös, C‑397/11, EU:C:2013:340, point 41, ainsi que du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, point 54 Eu ég......
  • Conclusiones del Abogado General Sr. H. Saugmandsgaard Øe, presentadas el 30 de enero de 2020.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 30 January 2020
    ...point 30) ; du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito (C‑618/10, EU:C:2012:349, point 65), ainsi que du 30 mai 2013, Jőrös (C‑397/11, EU:C:2013:340, point 24 Arrêt Gutiérrez Naranjo, points 61 et 62. 25 Voir point 26 des présentes conclusions. 26Nelle presenti conclusioni farò nondimeno rif......
  • Request a trial to view additional results

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT