Commission of the European Communities v French Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2002:327
CourtCourt of Justice (European Union)
Date04 June 2002
Docket NumberC-483/99
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number61999CJ0483
EUR-Lex - 61999J0483 - FR 61999J0483

Arrêt de la Cour du 4 juin 2002. - Commission des Communautés européennes contre République française. - Manquement d'État - Articles 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) et 73 B du traité CE (devenu article 56 CE) - Droits attachés à l'action spécifique de la République française dans la Société nationale Elf-Aquitaine. - Affaire C-483/99.

Recueil de jurisprudence 2002 page I-04781


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

1. Libre circulation des capitaux - Restrictions - Entraves résultant de privilèges conservés par les États membres dans la gestion d'entreprises privatisées - Justification - Régimes de propriété - Absence

(Art. 56 CE et 295 CE)

2. Libre circulation des capitaux - Restrictions - Réglementation nationale instituant en faveur de l'État une action spécifique dans une société - Pouvoir d'autorisation préalable pour tout franchissement de certains seuils de détention de titres et droit d'opposition à la cession ou à l'affectation en garantie du capital de la société - Inadmissibilité - Justification tirée de motifs de sécurité publique - Absence

(Art. 56 CE et 58, § 1, b), CE)

Sommaire

1. Les préoccupations pouvant, selon les circonstances, justifier que les États membres gardent une certaine influence dans les entreprises initialement publiques et ultérieurement privatisées, lorsque ces entreprises agissent dans les domaines des services d'intérêt général ou stratégiques, ne sauraient toutefois permettre aux États membres d'exciper de leurs régimes de propriété, tels que visés à l'article 295 CE, pour justifier des entraves aux libertés prévues par le traité, telle la libre circulation des capitaux entre les États membres, qui résultent de privilèges dont ils assortissent leur position d'actionnaire dans une entreprise privatisée. En effet, ledit article n'a pas pour effet de faire échapper les régimes de propriété existant dans les États membres aux règles fondamentales du traité.

( voir points 43-44 )

2. Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 56 CE un État membre qui maintient en vigueur une réglementation nationale instituant une action spécifique de cet État dans une société pétrolière, en vertu de laquelle cette action spécifique est assortie des droits suivants :

- une autorisation préalable par l'État pour tout franchissement à la hausse de certains seuils de détention de titres ou de droits de vote;

- un droit d'opposition aux décisions de cession ou d'affectation à titre de garantie de la majorité du capital de plusieurs filiales de ladite société.

En effet, une telle réglementation constitue une restriction aux mouvements des capitaux au sens de la disposition précitée et pour laquelle une justification ne saurait être admise. Si, à cet égard, l'objectif de garantir la sécurité des approvisionnements en produits pétroliers en cas de crise relève des raisons de sécurité publique qui peuvent justifier une entrave à la libre circulation des capitaux, conformément à l'article 58, paragraphe 1, sous b), CE, une telle réglementation va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif dès lors que la structure du régime établi est dépourvue de critères objectifs et précis.

( voir points 42, 47, 53, disp. 1 )

Parties

Dans l'affaire C-483/99,

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme M. Patakia, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République française, représentée initialement par Mme K. Rispal-Bellanger et M. S. Seam, puis par MM. G. de Bergues et S. Seam, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume d'Espagne, représenté par Mme N. Díaz Abad, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

et par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, représenté par Mme R. Magrill, en qualité d'agent, assistée de MM. J. Crow, barrister, et D. Wyatt, QC, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties intervenantes,

ayant pour objet de faire constater que, en maintenant en vigueur l'article 2, paragraphes 1 et 3, du décret n_ 93-1298, du 13 décembre 1993, instituant une action spécifique de l'État dans la Société nationale Elf-Aquitaine (JORF du 14 décembre 1993, p. 17354), selon lequel l'action spécifique de la République française dans ladite société est assortie des droits suivants:

a) tout franchissement à la hausse des seuils de détention directe ou indirecte de titres du dixième, du cinquième ou du tiers du capital ou des droits de vote de la société par une personne physique ou morale, agissant seule ou de concert, doit être approuvé préalablement par le ministre de l'Économie (article 2, paragraphe 1, dudit décret);

b) il peut être fait opposition aux décisions de cession ou d'affectation à titre de garantie des actifs figurant en annexe audit décret, à savoir la majorité du capital des quatre filiales de la compagnie mère que sont Elf-Aquitaine Production, Elf-Antar France, Elf-Gabon SA et Elf-Congo SA (article 2, paragraphe 3, dudit décret),

et en n'ayant pas prévu des critères suffisamment précis et objectifs concernant l'approbation des opérations susmentionnées ou l'opposition à celles-ci, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) à 58 du traité CE (devenu article 48 CE) ainsi que 73 B du traité CE (devenu article 56 CE),

LA COUR,

composée de M. G. C. Rodríguez Iglesias, président, M. P. Jann (rapporteur), Mme N. Colneric et M. S. von Bahr, présidents de chambre, MM. C. Gulmann, D. A. O. Edward, A. La Pergola, J.-P. Puissochet, R. Schintgen, V. Skouris et J. N. Cunha Rodrigues, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 2 mai 2001, au cours de laquelle la Commission a été représentée par Mme M. Patakia et par M. F. de Sousa Fialho, en qualité d'agent, la République française par M. S. Seam et par M. F. Alabrune, en qualité d'agent, le royaume d'Espagne par M. S. Ortiz Vaamonde, en qualité d'agent, et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord par Mme R. Magrill, assistée de M. D. Wyatt,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 3 juillet 2001,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 21 décembre 1999, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 226 CE, un recours visant à faire constater que, en maintenant en vigueur l'article 2, paragraphes 1 et 3, du décret n_ 93-1298, du 13 décembre 1993, instituant une action spécifique de l'État dans la Société nationale Elf-Aquitaine (JORF du 14 décembre 1993, p. 17354, ci-après le «décret n_ 93-1298»), selon lequel l'action spécifique de la République française dans ladite société est assortie des droits suivants:

a) tout franchissement à la hausse des seuils de détention directe ou indirecte de titres du dixième, du cinquième ou du tiers du capital ou des droits de vote de la société par une personne physique ou morale, agissant seule ou de concert, doit être approuvé préalablement par le ministre de l'Économie (article 2, paragraphe 1, dudit décret);

b) il peut être fait opposition aux décisions de cession ou d'affectation à titre de garantie des actifs figurant en annexe audit décret, à savoir la majorité du capital des quatre filiales de la compagnie mère que sont Elf-Aquitaine Production, Elf-Antar France, Elf-Gabon SA et Elf-Congo SA (article 2, paragraphe 3, dudit décret),

et en n'ayant pas prévu des critères suffisamment précis et objectifs concernant l'approbation des opérations susmentionnées ou l'opposition à celles-ci, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) à 58 du traité CE (devenu article 48 CE) ainsi que 73 B du traité CE (devenu article 56 CE).

2 Par requêtes déposées au greffe de la Cour respectivement les 13, 22 et 27 juin 2000, le royaume d'Espagne, le royaume de Danemark et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord ont demandé à intervenir dans l'affaire au soutien des conclusions de la République française. Par ordonnances du président de la Cour des 4, 7 et 12 juillet 2000, respectivement, ces États membres ont été admis à intervenir. Par lettre du 6 avril 2001, le royaume de Danemark s'est désisté de son intervention.

Cadre juridique du litige

Droit communautaire

3 L'article 73 B, paragraphe 1, du traité est libellé comme suit:

«Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.»

4 En vertu de l'...

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